Un endroit
à Jocelyn Braddell
Pas le genre d’endroit où l’on trouve des jonquilles
que les vents de mars bousculent ou des marées
de jacinthes grossissant les taillis de mai,
vraiment pas le genre d’endroit qu’on peint,
mais un de ces endroits où l’on peut être soi,
être simplement à l’aise avec ce que l’on est
rien que d’être là, d’ouvrir les yeux et respirer l’air ;
un espace terne banal et anonyme
où rien de spectaculaire n’arrive jamais
sinon que le soleil s’acharne si souvent à perdre
contre les averses et il n’y a nulle part
de plage ou de montagne pittoresque à voir ;
un endroit où ne vont jamais les touristes
même par beau temps parce que ce n’est pas
le genre d’endroit où l’on attend que
viennent jamais les touristes et où un crâne blanchi
est tout ce qui reste d’une brebis tête-noire
morte là l’été d’avant près d’une crevasse
où la bruyère reste coincée dans l’ombre ;
un de ces endroits au-delà du savoir et du dire
qui réclament autant qu’Errigal, Glenveagh
ou Slieve League le droit d’être des endroits,
une étendue déserte désolée et sans nom
lourde de banalité et de divinité.
Not the sort of place where you’ll find daffodils
being harried by the winds of March or tides
of bluebells swelling coppices in May,
not that sort of picturesque place at all,
but one of those places where you can be yourself,
can simply be at ease with what you are
by just being there and opening your eyes and breathing air ;
a flat anonymous commonplace space
where nothing dramatic ever happens
except that the sunshine so often keeps
losing out to showers and there’s not a beach
or a scenic mountain anywhere in sight ;
a place to which the tourists never come
even in good weather because it’s not
the sort of place tourists are ever
expected to go and where a bleached skull
is all that’s left of a black face ewe
that died there last summer beside the cracked rock
in the heather that’s always wedged with shadow;
one of those places beyond all knowing and telling
with as much of a claim to being places
as Errigal, Glenveagh or Slieve League,
an empty desolate nameless space dense
with ordinariness and deity.
Francis Harvey, Resserre à patates, The Potato House, traduction Emmanuel Malherbet, édition bilingue, l’Arbre, 2010 , sans pagination.
bio-bibliographie de Francis Harvey
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