Faut avouer ! Comme vrai “marrant”, on a rarement fait mieux, surtout au cinéma (mais aussi dans la vie à ce qu’y paraît).
Je ne résiste pas à l’envie…
Makhno :
Depuis l’aube, les blindés s’engouffraient dans la ville. Terrorisé pas ce serpent d’acier lui passant au ras des pattes, le lion de Denfert-Rochereau tremblait sur son socle.
Edentée, disloquée, le corps bleu, éclaté par endroits, le regard vitrifié dans une expression de cheval fou, la fillette avait été abandonnée en travers d’un tas de cailloux au carrefour du boulevard Edgar-Quinet et de la rue de la Gaîté, tout près d’où j’habitais alors.
Il n’y avait déjà plus personne autour d’elle, comme sur les places de village quand le cirque est parti.
Ce n’est qu’un peu plus tard que nous avons appris, par les commerçants du coin, comment s’était passée la fiesta : un escadron de farouches résistants, frais du jour, à la coque, descendu des maquis de Barbès, avait surpris un feldwebel caché chez la jeune personne. Ils avaient -naturlich- flingué le Chleu. Rien à redire.
Après quoi ils avaient férocement tatané la gamine avant de la tirer par les cheveux jusqu’à la petite place où ils l’avaient attachée au tronc d’un acacia. C’est là qu’ils l’avaient tuée. On ! pas méchant. Plutôt, voyez vous, à la rigolade, comme on dégringole des boîtes des conserve à la foire, à ceci près : au lieu de boules de son, ils balançaient des pavés.
Quand ils l’ont détachée, elle était morte depuis longtemps déjà, au dire des gens. Après l’avoir balancée sur le tas de cailloux, ils avaient pissé dessus, puis s’en étaient allés par les rues pavoisées, sous les ampoules multicolores festonnant les terrasses où s’agitaient de petits drapeaux et où les accordéons apprivoisaient les airs nouveaux de Glen Miller. C’était le début de la fête. Je l’avais imaginée un peu autrement.
Après ça, je suis rentré chez moi, pour suivre à la T.S.F. la suite du feuilleton. Ainsi, devais-je apprendre, entre autres choses gaies, que les Forces Françaises de l’Intérieur avaient (à elles seules) mis l’armée allemande en déroute.
Le Général De Gaulle devait, par la suite, accréditer ce fait d’armes. On ne l’en remerciera jamais assez.
Le France venait de passer de la défaite à la victoire, sans passer par la guerre. C’était génial.
Michel Audiard - Figaro magazine.
Tiré du livre : “Audiard par Audiard” (René Chateau éditeur)