De Dennis Gansel, on avait bien aimé La Vague, récit d’une expérience réelle qui montrait combien il était facile de faire basculer un groupe d’individus dans le totalitarisme le plus glaçant. On avait apprécié la rigueur de la mise en scène, la finesse du propos et la justesse des d’acteurs.
On n’en dira pas tant, hélas, de son nouveau film, Nous sommes la nuit, qui s’aventure, lui, sur le terrain de la fiction et du cinéma de genre, en proposant une nouvelle variation sur le thème du vampirisme. Une de trop, sans doute, car ce long-métrage n’apporte absolument rien de vraiment novateur à un des mythes fantastiques les plus traités sur grand écran et se contente d’exploiter platement les codes inhérents au genre…
L’intrigue principale, déjà, est d’une banalité confondante :
Lena, une jeune délinquante berlinoise, post-ado rebelle et marginale, voit sa vie bouleversée par sa décision, un soir, d’entrer clandestinement dans un club underground, au coeur de la ville. Elle y rencontre la propriétaire des lieux, la troublante Louise, qui semble fortement attirée par elle.
Elle ignore évidemment que cette femme est – ô surprise ! – à la tête d’un trio de lesbiennes vampires, et qu’elle compte bien l’intégrer en tant que quatrième membre – c’est mieux pour jouer à la belote…
Louise fait un gros suçon à Lena, qui se transforme elle aussi en créature avide de sang frais, et découvre les avantages que sa nouvelle condition lui procure : pouvoir, richesse, liberté…
Mais à force de prendre les “honnêtes” citoyens pour des distributeurs de boissons fraîches, forcément, cela attire l’attention de la police, qui décide illico de traquer ces criminelles.
S’ensuivent une succession de péripéties mollassonnes et hautement prévisibles, que ne parviennent pas à rehausser les dilemmes moraux du personnage principal, à la vampiritude contrariée…
Le gros problème de Lena, c’est qu’elle aimerait bien sucer autre chose que le sang du jeune flic blondinet qui s’est entichée d’elle, mais qu’elle craint la colère de sa maîtresse des ténèbres lesbienne, qui pourrait du coup avoir elle aussi l’envie de tirer un cou, en l’occurrence celui du petit policier… Oui, dit comme ça, ça a l’air compliqué, mais en fait non, justement, c’est bien trop simple pour convaincre…
Alors que la scène inaugurale – le trio de vampires BCBG discutant mode dans un avion, non sans avoir préalablement dévoré l’ensemble des passagers, du staff et des pilotes – laissait augurer d’un film doté d’un humour caustique de haut vol, ces questionnements romantico-niais façon Twillight le font – nous font – piquer du nez et l’entraînent vers un crash irrémédiable…
En hésitant sur les orientations à donner à son récit, le cinéaste s’emmêle les crayons. Il délaisse le côté érotique sulfureux de ce quatuor de vampires femelles, réduit à une ou deux séquences de séduction saphique peu excitantes. Ah! On est loin des Lèvres rouges d’Harry Kümel ou même des Prédateurs de Tony Scott…
Il range aussi bien vite l’aspect pamphlétaire de son histoire, les vampires modernes se comportant comme ces nouveaux riches qui étalent leur réussite / leur domination par des artifices “bling-bling” (Toute ressemblance avec des personnes existantes est sans doute fortuite… ). Dommage…
Ce qui reste est bien peu passionnant, d’autant que les acteurs sont tous assez fades, à l’exception notable de Jennifer Ulrich, qui est la seule à réussir à nous émouvoir un tant soit peu, et que la mise en scène donne le tournis.
Oubliez la construction rigoureuse de La Vague. Ici, la mise en scène part dans tous les sens, comme dans un mauvais clip.
La bande-son est d’ailleurs saturée de morceaux d’électro fatigants et le cinéaste multiplie les effets débiles : ralentis, plans cut de trois millisecondes, saccades stroboscopiques…
La aussi, une tendance se dégage : “bling-bling” ou “tape-à-l’oeil”….
La seule scène présentant un intérêt est celle où les vampires, traquées, doivent fuir en plein jour, à bord d’une voiture aux vitres fumées et où chaque impact de balle laisse passer un rai de soleil qui brûle la peau des créatures…
Là au moins, il y a un semblant d’intensité, un brin de suspense…
Si c’était un film de cinéaste débutant, notre critique serait déjà négative, mais on se dirait qu’il s’agit là d’erreurs de jeunesse. Le hic, c’est que Dennis Gansel n’est plus un débutant et qu’il a déjà prouvé qu’il pouvait mieux faire… D’où notre manque total d’indulgence envers ce navet plein de bruit et de fureur qui se veut sulfureux, mais qui demeure finalement très soft, tant sur le plan de la violence que du sexe.
Nous ne sommes décidément pas mordus, et nous vous suggérons donc de l’éviter soigneusement et d’oublier bien vite son existence…
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Wir sind die Nacht
Réalisateur : Dennis Gansel
Avec : Karoline Herfurth, Nina Hoss, Jennifer Ulrich, Anna Fischer, Max Riemelt
Origine : Allemagne
Genre : le syndrôme de twillight frappe encore…
Durée : 1h45
Date de sortie France : 29/12/2010
Note pour ce film : ●○○○○○
contrepoint critique chez : Télérama
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