Par Bophana Thomas : J’ai l’honneur de vous présenter en entrevue, un homme exceptionnel : Jean Pierre Makosso. Né en République du Congo Brazzaville, Jean Pierre a grandi dans le monde occidental où il a acquis beaucoup de maturité et de sensibilité face aux choses qui l’entourent. Il vit aujourd’hui à Gibsons en Colombie-Britannique. Voyageur dans l’âme puisqu’il a parcouru le monde à trois reprises, c’est un artiste dévoué, talentueux et passionné. En plus d’écrire, il est conteur, danseur, metteur en scène et il joue dans plusieurs pièces de théâtre à Gibsons et à Vancouver. Il est aussi membre de la Compagnie Culturelle de Masabo à Vancouver. Jean Pierre Makosso maîtrise très bien la langue française et il nous la fait vivre avec tendresse et subtilité à travers tout ses mots.
Bophana Thomas : On est familier avec le phénomène du triangle amoureux. On parle du triangle des Bermudes même si cela reste un mystère. Mais on ne connaît pas le cri du triangle. D’où est venue cette idée d’intituler votre recueil « Le cri du triangle » ?
Jean Pierre Makosso : « Le cri du triangle c’est incontestablement une écriture de dévoilement de soi; il n’est pourtant pas une autobiographie, mais une auto-fiction qui déplace les bornes de la discrétion et du privé… C’est donc la douloureuse trajectoire qui, dans un monde devenu pourtant un village planétaire, impose cependant une impossible rencontre entre les sommets du triangle. » (extrait de la préface de Luc Fontsing Fondjo).
Le cri du triangle c’est le cri de la famille et tout le monde en est familier. Une famille ce n’est pas le couple c’est-à-dire les deux amants ou les jeunes mariés, non. Ceux-là ne forment pas un triangle. Ils ne sont donc pas considérés comme une famille. On les désigne par « Monsieur et madame ‘UNTEL’ ou bien monsieur et madame X. » Pour que monsieur et madame X deviennent une famille il faut qu’ils aient des enfants. A ce moment on commence à dire ‘la famille X’ parce qu’elle est composée d’une mère, d’un père et de leurs enfants qui constituent le troisième pilier d’un triangle. C’est le pilier le plus important. L’enfance est l’angle précieux du triangle car sans elle on ne parlerait pas de ‘La famille X’.
Et son cri est perçu par tous. On a beau l’ignorer, il est là, omniprésent. Chaque famille, chaque triangle a son cri et ce cri est le cri de l’humanité entière; qu’il s’élève à l’Est, à l’Ouest, au Nord, au Sud, qu’il soit différent l’un de l’autre, ils ont tous un point commun : ils font mal. Chaque angle élève son cri : cri causé par la famine, la guerre, la maladie, l’exploitation d’enfants, la violence faite aux femmes, les catastrophes naturelles, la séparation, bref. Tous ces maux sont autant de fléaux qui font élever des cris dans tous les foyers, dans toutes les familles, dans tous les triangles aux quatre coins du monde. C’est ce cri que j’ai entendu et j’ai voulu qu’il soit entendu par d’autres.
BT : Vous accordez énormément d’importance à la notion de la famille dans votre recueil. Quelle influence a-t-elle joué dans votre vie ?
JPM : Une belle influence positive. J’ai été élevé dans une famille où les mots « divorce » et « polygamie » n’existent pas. Mon père disait toujours à ma mère : « Je prie un seul Dieu, j’adore une seule femme; nos enfants, fruit de notre amour est tout ce que nous avons pour bâtir l’avenir, nous devons veiller sur eux comme les prunelles de nos yeux. Grâce à eux nous vivrons éternellement si nous les élevons dans l’union et dans l’amour. ».
Ils ont passé toute leur vie à penser à nous. Ils se sont unis parce qu’ils s’aimaient, et ils sont restés unis parce qu’ils nous aimaient. Même quand ça n’allait pas du tout, ils s’arrangeaient à demeurer ensemble. Mariés pour le meilleur et pour le pire, ils se sont soutenus l’un et l’autre. Aujourd’hui, ils en rient. Ils ont plein de souvenirs à revivre ensemble et surtout plein d’histoires à se raconter. Et cela les rajeunit chaque jour. Nous étions une famille de dix : huit enfants plus mon père et ma mère, les dix doigts de la main, quoi. Cette union et cet amour au sein de ma famille ont influencé positivement ma vie.
BT : Tout au long de votre parcours de vie et vos expériences personnelles, que ce soit sur le plan psychologique, physique et moral, selon vous, qu’est-ce qui est pire entre vivre l’absence de l’être aimé dans la solitude ou continuer de vivre sans le moindre espoir de le retrouver ?
JPM : Vous dites bien « Vivre sans le moindre espoir de le retrouver », c’est bien ça? Eh bien madame Thomas, pour moi le feu de l’espoir s’éteint après la vie. Tant qu’on vit, il y a de l’espoir. Quelle que soit la durée de la nuit, le jour se lèvera. Chaque souffle de vie est un brin d’espoir et chaque brin d’espoir est un pas qui nous rapproche du but fixé. C’est en ayant l’espoir de retrouver l’être aimé qu’on vit sinon on se donnerait la mort. L’espoir nous fait tenir jusqu’à demain pour que nous ne commettions pas une folie. Et comme le dit le poète :
« Aujourd’hui apportera demain
Qui sera pour tous un jour nouveau
Ce sera tout nouveau tout beau
Et pour toi et moi un autre destin
Ou encore
Aujourd’hui oublie le présent
Demain viendra le bonheur
Le grand vent balaiera ton malheur
Et la grande pluie lavera la ville de sa souillure
Et l’avenir guérira tes blessures
Et ta fille reverra ton sourire
En attendant cours jusqu’à demain
Car demain tout sera fini
Et demain n’est pas bien loin »
BT : Je vous cite : « La nuit, je rêve que je m’oublie dans tes bras ». Cette ligne, pour moi, parle d’elle-même. On peut sentir à la fois la nostalgie, la solitude et l’espoir. Elle me touche particulièrement parce qu’elle évoque l’amour inconditionnel d’un père pour sa fille dans la distance, sa fille qui représente tout à ses yeux, sa chair, son sang et son souffle de vie. Quel rêve le plus cher aviez-vous pour votre fille à ce moment-là ?
JPM : Un rêve de bonheur parfait et d’amour idéal. Le rêve qu’on se retrouve et que je la prenne dans mes bras, que je la serre contre ma poitrine et que je lui dise de vive voix : « Je t’aime plus que tout, pardonne-moi d’avoir vécu dix ans loin de toi ». Le rêve qu’elle me présente un jour l’homme de sa vie à qui je dirai : « Je vous en supplie, ne la laissez jamais seule, de grâce, aimez-la plus que tout et surtout ne lui faites aucun mal, aussi petit soit-il, adorez-là et soyez heureux. Formez un triangle solide bâti sur du roc que ni le système ni la société ni les hommes ni les femmes ne pourront séparer ou détruire ».
Et je prierai tous les jours les mânes, les ancêtres et ‘Zambi fumu’ Dieu, pour que leurs bénédictions tombent sur leur triangle nuit et jour jusqu’à la fin des temps. Voilà le rêve que j’ai pour cette fille, que j’ai laissé à l’âge de neuf ans et que je n’ai pas vu depuis dix ans. Le temps est très vite passé. Dans le poème : « Joyeux anniversaire » on lit :
« Ma fille comme je t’adore
Lorsque enfant je te porte
Perchée sur mon cou
Je n’ai pas vu le temps passé du tout
Ma foi loin de moi tu as grandi
Cela fait une décennie
Déjà aujourd’hui tu as dix neuf ans »
Je pleure quand j’écris ce poème. Elle est loin de moi, elle est loin de sa mère. Voyez-vous les piliers du triangle séparés. Sa mère au Congo, elle en Tunisie, et moi au Canada. N’est-ce pas une cassure d’un triangle et le poète le souligne bien dans son recueil :
« Ta voix s’est écriée
Au fin fond du Congo
A l’heure où dansent les Bakongos
Comme un lion blessé
Ton ombre avait gémit
Ton souffle est arrivé en Tunisie
Où notre fille seule se débat
Ton souffle son souffle unis
M’arrivent ici au Canada
Où aussi seul que vous je vis »
Et quand il retrouve sa fille dix ans plus tard, c’est pour qu’ils se séparent juste après. Dans « la mariée » le poète dit :
« Un soir j’étais dans le coma
j’ai entendu résonner le N’goma
Pour fêter nos retrouvailles
Le jour suivant le rossignol a chanté
Pour célébrer les fiançailles
De notre fille, Vive les mariés! »
Vous voyez bien n’est-ce pas, que mon rêve ne souhaite que des projets de bonheur pour elle. Et vous avez raison, on y sent la nostalgie, la solitude et l’espoir dans la ligne : « La nuit je rêve que je m’oublie dans tes bras ».
La nostalgie, c’est vivre dans le passé de mes souvenirs avec les deux autres piliers. La solitude c’est le fait de ne pas toucher ces deux autres piliers, ne pas les sentir proches de moi et surtout savoir que chaque pilier est à l’autre bout du monde. Le pire, c’est aussi sentir et vivre la solitude de l’une et de l’autre. Chacun de nous vit trois solitudes à la fois. Et enfin l’espoir c’est cette petite lumière au bout du tunnel, ce souffle de vie qui ressemble à la flamme vacillante d’une bougie et qui nous emmène jusqu’à demain pour les retrouvailles et les fiançailles.
BT : Dans la partie « Décennie », je vous cite : « Congo crois-moi je te plains, tu fais fuir ton enfant, tu fais couler du sang et la mère congolaise te craint. Que pense-t-on de toi ? Tu es pauvre et mendiant, tu n’as ni or ni diamant. As-tu tout vendu dis-moi ? » Que représente le Congo à vos yeux aujourd’hui ?
JPM : Le Congo est une mine d’or mal exploitée par des « escrocs » égoïstes qui ne pensent qu’à leurs ventres. Le Congo est le sexe opprimé que tout le monde vole, viole, tue. Le Congo est l’épouse dont l’époux vient d’être brûlé vif. Le Congo est la veuve à qui on a ravi tous ses biens et qui ne peut nourrir ses enfants. Le Congo est la mère qu’on vient d’appauvrir. Le Congo est la maman dont les enfants viennent d’être assassinés. Le Congo est la honte qui ne sait plus quelle histoire raconter à ses enfants. Le Congo est le père qui ne peut ni soigner ni éduquer ses enfants. Le Congo est cet enfant dont l’avenir a été hypothéqué. Le Congo est ce pays qu’on appelle aujourd’hui ‘pays endetté’. Le Congo est le diplômé sans emploi. Le Congo est le retraité qu’on a privé de sa pension. Le Congo enfin est le pays dont deux hommes politiques se disputent non pas pour le bien du peuple mais pour leurs propres intérêts. Comparer au Congo d’hier, le Congo n’est plus le Congo. Le Congo est le chaos
BT : Tout au long de vos écrits, vous revenez souvent sur « un père, une mère et l’enfance ». Dites-moi l’importance que ces trois éléments représentent pour vous.
JPM : Ils représentent tout pour moi. TOUT! LA VIE! Enfant je ne m’imaginais pas vivre sans père, sans mère car autour de moi, personne ne pouvait remplir le rôle de père ou de mère pour mes frères et sœurs et moi-même. Ni mes oncles, ni mes tantes, personne. Mon père, ma mère étaient les seules personnes sur lesquelles je m’appuyais. Les seules à qui je pouvais tout demander. Les seules avec lesquelles je me sentais en sécurité. Quand ils n’avaient rien à m’offrir, ils priaient pour moi, ils m’offraient leur amour et leurs bénédictions. Le père, la mère, l’enfance sont comme le dit Luc Fontsing Fondjo dans sa préface « Les trois piliers familiaux principaux – père, mère, fille- qui sont rendus égaux comme les trois angles d’un triangle par la force de l’amour. »
Le père, la mère, l’enfance représentent le grand amour pour moi et les couples qui adoptent les orphelins apportent à l’humanité un grand degré d’amour.
BT : Avez-vous toujours l’espoir de former à nouveau la famille MAXIVY, ne serait-ce que dans vos rêves les plus fous ?
JPM : Bien sûr que oui! Dans mes rêves les plus fous comme vous dites mais surtout dans mes rêves les plus chers. D’ailleurs elle a toujours été là, la famille MAXIVY. Dans sa nostalgie, dans sa solitude, dans son espérance, elle a toujours été là. Dans nos pensées, dans nos sommeils, dans nos rires, nos joies et dans nos larmes, elle a toujours été là. Dans son introduction au « cri du triangle », la comédienne Yvette Bouiti Makosso écrit : Mais malgré la longueur des nuits interminables et la lenteur des jours insoutenables, les souvenirs du passé, présents dans un avenir rapproché restent le chemin tracé pour soutenir, maintenir le feu, la flamme d’un amour resté incrusté dans un triangle bien fermé et où l’amour triomphe de la haine, la paix de la guerre, la justice de l’injustice, l’espoir du désespoir.
La famille MAXIVY sera à nouveau réunie.
BT : Jean Pierre, je vous cite à nouveau : « Qui prendre dans nos bras quand personne ne veut de nous lorsqu’en hiver, il fait froid. » Quel était votre état d’âme au moment de l’avoir écrit ?
JPM : Vous connaissez l’hiver, n’est ce pas? Vous connaissez ces jours où il fait plus froid que les autres. Ces jours où vos mains sont congelées et ne peuvent tenir les clés de la voiture. Ces jours où il fait très froid et même la voiture n’arrive pas à démarrer. Eh bien, c’est ce jour-là. Vendredi. Je viens de terminer une semaine dans une école où j’ai été en résidence pour y donner des ateliers de contes et d’écriture. Vendredi après-midi. Je suis loin de Gibsons. Il me faut conduire 250kms. J’espère arriver à temps pour le ferry de 7h30 du soir. Je me trompe de sortie et me retrouve à la frontière du Canada-États Unis. Je m’arrête. Trop tard, je suis de l’autre côté. Je suis aux États-Unis. J’explique que je ne voulais pas rentrer aux États-Unis, je dois rentrer au Canada où j’y travaille depuis dix ans. D’ailleurs je viens juste de finir ma journée dans une école, vous pouvez vérifier, il est trois heures trente, le directeur est encore là. Je leur donne le numéro de téléphone qu’ils prennent pour vérifier. Et à ce même moment ma fille m’appelle sur mon portable depuis la Tunisie.
Je réussis – après pièces à l’appui, fouille de voiture et mille explications – à sortir enfin des États-Unis et à rentrer au Canada après avoir passé deux heures à la frontière. En route pour le ferry j’ai une crevaison. Le temps de changer de pneu, dans le froid, nuit noire, je manque le ferry de 7h30. Je m’embarque dans celui de 9h30. Une longue semaine, une longue et dure journée et j’arrive chez moi où personne ne m’attend. Personne à qui raconter ma journée. J’ouvre quand même ma porte et je crie : ‘Mes chéries je suis de retour!’ Aucune voix. Je veux pourtant parler à quelqu’un. Je prends le téléphone, compose le numéro de ma fille en Tunisie, ça ne passe pas. Je compose celui de ma femme au Congo, ça ne passe pas. Je m’affale sur le canapé. Je suis triste, j’ai froid, une larme coule sur ma joue et comme je veux parler à quelqu’un, je veux que quelqu’un me prenne dans ses bras, je veux serrer quelqu’un dans mes bras et comme il n’y a personne, je me serre moi-même dans mes bras et je sanglote.
Car effectivement quand je suis dehors à conduire sous la neige et sur la neige personne ne sait où je suis. Personne ne s’inquiète peut-être à ce moment-là car effectivement je n’ai personne à la maison. Et ce vendredi-là, au moment où je suis désespéré, c’est ma fille depuis la Tunisie qui m’appelle parce qu’elle s’inquiète du fait que je ne suis pas joignable à la maison. C’est important la famille, n’est ce pas?
BT : Pensez-vous que la vie a été cruelle et injuste envers vous et pourquoi ?
JPM : La vie, cruelle envers moi? Non mais, vous rigolez. Je suis en bonne santé. J’ai encore une femme et une fille qui m’aiment et qui sont aussi en bonne santé. Jusque-là, c’est la société, oui bien sûr, le système et la société qui se sont montrés cruels et injustes envers moi, envers l’humanité. Pas la vie. Non. Je n’ai rien contre la vie. Ce n’est pas la vie qui nous fait crever de faim, ce n’est pas elle qui nous exploite, qui opprime les femmes, qui nous viole, qui fait des enfants soldats ou des enfants ouvriers, qui exploite les faibles. Ce n’est pas la vie qui nous fait fuir nos pays. Ce n’est pas la vie qui nous assassine, la vie c’est la paix et non la guerre, la vie c’est la VIE et non la mort, la vie c’est la construction et non la destruction, la vie c’est… c’est tout ce qui est beau, c’est la nature, le coucher du soleil, la pleine lune, le soleil levant, c’est la ville couverte de neige, c’est l’écume de la mer, le chant de l’oiseau, c’est le sourire de l’enfant, le rire de la femme, l’humour du comédien, une belle poésie, une excellente pièce de théâtre, c’est la beauté c’est… c’est… Une belle chanson… C’est… Elle est belle la vie, je n’ai vraiment rien contre elle, moi, non… non!
BT : Croyez-vous que la paix existera un jour entre les hommes ?
JPM : Oui, je crois. J’y crois sérieusement. Je ne sais pas comment mais j’en ai la certitude. Oui la paix existera un jour entre les hommes. Je crois au pouvoir de la femme et à celui de l’enfance. Avec l’aide de Dieu, la paix passera par elles. Les femmes n’ont qu’à s’y mettre, c’est une grande responsabilité, je le comprends, mais… C’est leur destin. Elles ont l’habitude des grands destins. Je crois qu’elles voient bien que les hommes sont à bout. Même Dieu le créateur, il a bien fait passer le Sauveur Jésus Christ par la femme. Il n’avait pas d’autres moyens peut-être. Après l’avoir chassé du paradis, il est revenu vers elle. L’enfant sauveur est né de la femme. La paix se trouve entre les mains de l’enfant et de la femme. Les hommes n’ont qu’à paraître plus humbles. Et les femmes n’ont qu’à se préparer.
BT : Croyez-vous avoir acquis une grande sagesse suite à tout ce que vous avez vécu dans votre vie comparé aux autres ?
JPM : En grandissant, j’ai passé la moitié de ma vie à chercher la sagesse auprès des adultes. Maintenant ils n’ont plus rien à m’apprendre. A présent, je la cherche auprès des enfants.
BT : Dans la partie « Le conteur », selon votre perspective, à quoi ressemble notre avenir ? Sera-t-il possible de ramener l’être humain dans l’ordre, la discipline et l’amour ?
JPM : Tout est possible. L’ordre, la discipline et l’amour sont possibles si l’homme accepte de s’humilier. L’humilité est le mot de passe à la paix. Humilions-nous. Reconnaissons nos erreurs, nos faiblesses. Arrêtons de tirer les ficelles de la guerre, de la haine, de l’injustice. C’est facile à dire me dirait-on, mais ARRÊTONS! Est-ce si difficile d’arrêter? Plus on tire, plus on se casse la figure. S’il y en a un qui tire, il faut que l’autre s’arrête et inscrive le mot de passe. « Notre destin n’est pas écrit pour nous mais par nous », dit BARACK OBAMA… alors écrivons un autre destin. Ce n’est pas en tirant les deux bouts de la corde pour prouver au monde entier qu’on est le plus fort qu’on stoppera l’indiscipline, le désordre et la haine. « Pour une paix durable il faut l’ordre et la discipline. Surtout évite les armes, elles n’apportent que désordre et indiscipline » dit le sage dans « Le cri du triangle »
BT : Dans un passage que vous intitulez « Mélange et mariage », pourquoi croyez-vous qu’il y a encore des tabous et des équivoques par rapport aux mariages interculturels dans notre société ?
JPM : Vous dites « notre société » et vous le dites bien mais nombreux sont ceux qui ne savent pas que cette société est NOTRE. Ils parlent de la société en termes personnels, individuels et c’est pourquoi on y trouve encore ce genre de tabous ou ces équivoques. Savent-ils que chacun de nous est le maillon d’une chaîne et que lorsqu’un maillon est cassé, la chaîne ne tourne plus? Savent-ils que l’humanité est « une » et est constituée de groupements humains qui se doivent réciproquement respect et amour. Et pour que ce respect et cet amour soient garantis, ils doivent tous vivre dans l’harmonie afin qu’il y’ait une paix durable sur la seule et unique planète où ils doivent vivre ensemble : LA PLANETE TERRE. Le savent-ils? Le conteur le dit bien : « Je suis blanc je suis noir je suis… Qu’importe, je suis le mélange des couleurs. Je suis Afrique, je suis Europe, je suis le mariage des continents. Qu’importent lesquels. Nous sommes tous un mélange de couleurs et un mariage de continents. Et vous connaissez tous l’histoire. Alors terminez-là. Ici s’arrête la mienne. Puisse-t-elle être la vôtre. Et qu’elle demeure la nôtre. Qu’elle ne soit ni tienne ni sienne ni mienne. Mais la nôtre. »
BT : Si on rendait hommage un jour à Jean Pierre Makosso, que souhaitez-vous que les gens disent sur vous et quelle est la chose dont vous voudrez toujours que les gens se souviennent de vous ?
JPM : Mon épouse m’appelle « mon seigneur » et j’espère que Dieu n’en sera pas jaloux (rires) et c’est d’ailleurs pour ça que j’écris « seigneur » avec « s » minuscule. Ma fille quant à elle m’appelle « mon papa adoré » et elle me dit : « A tes yeux je suis une princesse et je vis une vie de princesse, grâce à un homme, à un père, un père spécial, génial, et par-dessus tout un père idéal. Rencontrerai-je un jour un homme qui aurait au moins le quart de tes qualités? Je t’aimerai toujours papa même si j’apprenais que tu étais le plus grand vendeur de drogue. Je t’aimerai parce que t’es un père, t’es un ami, t’es mon héros ».
Et dans les écoles, lycées ou universités où je me présente en comédien, conteur, écrivain ou conférencier les étudiants disent que je suis le meilleur et demandent si je peux encore rester là. Les professeurs disent que je suis formidable. Que je suis quelqu’un de bien à avoir autour. Dans ma communauté on m’appelle « Sunshine », ceci peut-être à cause de mon sourire. Eh bien quand je ne serai plus là, ils diront presque les mêmes choses à la seule différence qu’ils parleront de moi au passé. Mais j’aimerais qu’ils se souviennent toujours de ce sourire qui apportait un peu de soleil dans leurs vies.
BT : Vous avez un parcours de vie remarquable et vous êtes un homme très inspirant. Vous êtes à la fois acteur, metteur en scène, conteur, écrivain et danseur. Quel est la suite ?
JPM : Je ne sais pas encore. L’avenir me dira la suite. J’attendrai jusqu’à demain pour connaître la suite. J’ai encore beaucoup à faire aujourd’hui et après il faut que je dorme pour me reposer, j’en ai besoin. Demain appartient à Dieu et Lui me dira la suite, j’en suis sûr, oui, il me le dira.
BT : Monsieur Makosso, ce fut une très belle rencontre en votre compagnie et j’aimerais vous remercier du fond du cœur de m’avoir permis de réaliser cette entrevue. Je vous souhaite tout le meilleur des succès dans vos projets futurs. Comme Sartre le cite au début de votre recueil : « Mais il faut choisir : vivre ou raconter », vous avez sublimement choisi de raconter votre histoire.
JPM : C’est moi qui vous remercie Madame Thomas et vous souhaite à vous aussi pleins succès dans tout ce que vous entreprendrez.
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Entrevue réalisée par : Bophana Thomas
Courriel : eden_T79@hotmail.com
Le cri du triangle, (2010)
par Jean Pierre Makosso
Editions Dédicaces