Sortir de l’euro ? (version revisitée)

Publié le 03 janvier 2011 par Denis_castel

C’était il y a un an, dans ces colonnes comme on dit dans les journaux. A l’occasion de la nouvelle année et de l’exercice traditionnel et un peu convenu des vœux, je me demandais si le risque souverain ne constituerait pas la principale préoccupation de l’année 2010. Finalement, cela risque fort d’être celle aussi de 2011. Et des années suivantes…

Alors après la Grèce et l’Irlande, à qui le tour ? Le Portugal, l’Espagne, voire l’Italie ou la France ?

A en croire les statistiques de ce blog, où "Sortir de l’euro" et "Faillite de la France" sont devenus les termes de recherche les plus fréquents ces dernières semaines, nombreux sont ceux qui sont curieux (ou qui s’inquiètent…) des conséquences d’une sortie de l’euro ou d’une faillite du pays.

En cette période où les Etats les moins solides financièrement se font malmener sur les marchés financiers, comment peut-on résumer les perspectives envisageables à l’intention de ceux qui ont choisi de ne pas s’infliger la lecture quotidienne des Echos ?

Schématiquement, trois cas de figure apparaissent possibles :

1/ L’Allemagne sort de l’euro

Bah oui. Parce que s’il y a bien un pays qui pourrait avoir un intérêt objectif à sortir de l’euro, ce n’est pas la Grèce ou l’Irlande. Mais c’est bien l’Allemagne. Pour ne plus avoir à financer les fonds de stabilité en tous genres destinés à sauver les mauvais élèves de la zone euro.

Heureusement, car on ne serait quand même pas bien, ce n’est pas le scenario le plus probable. Mais on ne peut pas totalement l’écarter non plus.

2/ Le retour au calme et la disette au long cours

C’est ce que certains commencent à appeler le "chemin de croix" :

Les craintes s’apaisent sur les marchés financiers, les Etats de la zone euro restent avec leurs montagnes de déficits et de dettes publiques. Les mesures d’austérité budgétaire devenues incontournables pour résorber cette montagne de dettes et conserver un minimum de confiance des marchés financiers plombent la reprise. La croissance économique reste anémique, le pouvoir d’achat stagne, le chômage augmente, les inégalités se creusent encore.

Ce scenario de mort lente a aujourd’hui toutes les chances de se réaliser du fait du refus farouche des gouvernements et des autorités européennes d’éviter un défaut ou une restructuration de la dette d’un pays de la zone euro au prétexte que ce serait signer la mort de l’euro (et au motif du risque de faillite systémique des banques porteuses d’obligations souveraines).

A terme, c’est évidemment la porte ouverte à toutes les aventures politiques, que ce soit dans les urnes ou dans la rue. Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon à l’Elysée en 2017 ? Olivier Besancenot porté au pouvoir par la rue ?

Ce cas de figure pourrait se présenter dans d’autres pays à plus court terme : sous la pression d’une opinion publique aveuglée par les mirages d’une sortie de l’euro, le gouvernement d’un des pays de la zone euro pourrait décider d’en sortir de sa propre initiative.

Hormis pour les pays vertueux comme l’Allemagne, un pays qui sortirait de l’euro verrait sa monnaie d’origine immédiatement attaquée sur les marchés et se dévaluer rapidement par rapport à l’euro et aux autres devises.

Si sa dette publique reste libellée en euros, ce pays se condamnerait à des efforts financiers encore plus lourds que sur le chemin de croix évoqué précédemment du simple fait de la perte de valeur de sa monnaie (et malgré le supplément de croissance procuré par une devise plus compétitive). Avec le risque de faire défaut à plus ou moins longue échéance…

Et si la dette publique est convertie autoritairement dans la monnaie d’origine, ce sont les détenteurs de ses titres de dettes qui verraient la valeur de leurs avoirs fondre. Le pays considéré n’aurait théoriquement pas d’effort financier supplémentaire à fournir pour rembourser la dette et payer les intérêts.

Mais compte tenu de cette spoliation ouverte des détenteurs de ses emprunts d’Etat, il n’y aurait plus guère de candidats pour en acheter de nouveaux. Le pays en question se trouverait alors condamné à l’autarcie financière avec deux solutions pour l’Etat : revenir immédiatement à une situation d’excédent budgétaire pour ne plus avoir à emprunter, ou emprunter autoritairement auprès des citoyens.

Un pays de la zone euro qui choisirait de faire défaut seul (en ne remboursant pas sa dette) risquerait de connaître le même sort que s’il sortait de l’euro en convertissant sa dette dans sa monnaie d’antan, drachme ou autre. Quoique, le pire n’est jamais sûr. Les marchés financiers pourraient lui savoir gré d’affronter la réalité en face.

3/ Seule solution : la restructuration générale des endettements publics ?

Parce qu’il faudra bien affronter cette réalité un jour ou l’autre et prendre acte que les dettes publiques sont devenues excessives, insoutenables même, en grande partie pour cause de lâcheté politique pendant trois décennies, mais aussi du fait des plans de relance budgétaire massifs mis en place à partir de 2008 pour contrer les effets de la crise financière. Une crise financière qui soldait une période d’euphorie financière qui a surtout profité aux établissements financiers et aux détenteurs de capital (actionnaires, propriétaires fonciers etc).

Les mesures prises par les pays de la zone euro pour mettre à contribution les détenteurs des dettes souveraines qui seront émises à partir de 2013 ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Si l’on ne veut pas se condamner à une décennie de vaches maigres pour le plus grand nombre avec les risques politiques que cela comporte (surtout dans un pays comme la France où privilèges et inégalités mettent suffisamment à mal la cohésion sociale), il est à craindre que la seule solution consiste à ce que les Etats concernés (des Etats-Unis à la Grèce) décident collectivement de raboter une partie de leur dette publique. Cet "haircut" comme disent les anglo-saxons pourrait se faire à hauteur des déficits publics supplémentaires générés par la crise économique et financière née en 2008.

Ce qui aurait pour effet de faire solder les comptes par les bénéficiaires de l’euphorie financière de la décennie précédente, établissements financiers et détenteurs de capital et ne serait que justice. Plutôt que de faire supporter comme actuellement à des contribuables et assurés sociaux qui n’ont rien demandé les conséquences des errements passés d’une minorité. Plutôt que de rogner sur les dépenses d’éducation, d’investissement, de recherche.

Cette restructuration des endettements publics ne peut être décidée que collectivement, au niveau de l’eurogroupe ou peut-être du G20. Elle n’est pas sans risque compte tenu de l’appauvrissement des banques et des patrimoines qu’elle implique. Et la restructuration est à double tranchant en ce qu’elle peut inciter les gouvernements à retomber dans la facilité des déficits publics et de l’endettement. C’est pourquoi elle ne pourra s’accompagner que d’engagements à l’égard des créanciers mis à contribution, sous forme notamment de règles budgétaires encadrant strictement les cas de déficit public.

Mais cette restructuration des endettements publics sous forme de décote pour les créanciers apparaît inéluctable à terme. Ce ne serait pas la solution la plus juste pour ceux des pays qui auront fait les efforts nécessaires pour rester vertueux. Mais cela ne fera pleurer personne et si cela peut éviter que l’Histoire ne bégaye, ce sera un moindre mal.

Allez bonne année 2011 quand même…

Original post blogged on b2evolution.