Songes de Mevlido d'Antoine Volodine

Par Jouy23

« Ainsi que Mevlido l’avait redouté et prédit, les poules mutantes avaient envahi Gateway Street et elles en occupaient la totalité sans laisser libre la moindre surface. La troupe qu’elles formaient était grisâtre, continue, indifférenciée et agressive. Par malveillance, mais aussi par l’effet d’une bêtise collective obstinée, la multitude interdisait le passage. Les corps gloussaient jusqu’à hauteur de genoux et résistaient. Il était pratiquement impossible de se frayer un chemin là-dedans sans combattre. Cornelia Orff s’engagea avec véhémence dans les épaisseurs cancanantes et se mit à donner de violents coups de pied devant elle. Elle brandissait le pliant qu’elle avait jusque-là porté en bandoulière et elle s’en servait d’une façon brouillonne, un peu comme un épéiste débutant défend sa vie avec un cimeterre. Elle provoquait des mouvements de panique, des envols hystériques, et, quand les volatiles refluaient vers Mevlido, la plupart agitaient leurs ailes rabougries au niveau de sa poitrine ou de son visage, au milieu d’épouvantables odeurs de fiente et de peau granuleuse. En quelques secondes, Mevlido fut noyé dans un nuage de plumes et de pilons hostiles. Il lâcha la main de Maleeya et commença à boxer en aveugle. Ses poings rencontraient des carcasses filantes, à la morphologie incompréhensible et chaude... » Editeur: Seuil
En effet, « Songes de Mevlido » d’Antoine Volodine nous frappe, nous percute, et bouscule nos frontières. Les frontières entre les songes et la réalité, la vie et la mort, l’amour et la haine, l’animal et l’humain, sont déplacées et s’entrecroisent comme pour mieux nous perdre. Antoine Volodine nous décrit un futur noir, de guerres et de catastrophes écologiques. Les illusions perdues du XX ème siècle, échec des utopies révolutionnaires et globalisation du capitalisme sont mises en exergue et prédisent la fin macabre de la race humaine. L’ écriture est brillante et poétique… Magistral ! *****