A propos de Octubre de Daniel et Diego Vega Vidal 3 out of 5 stars
A Lima, Don Clemente, un usurier vieillissant vit dans la routine et le rituel de ses activités. Mais un jour, en rentrant chez lui, il découvre sur son lit un bébé qu’il a eu avec une prostituée…
C’est un drôle de film, Octubre, un conte moderne tragique et loufoque sur fond de misère sociale. Une chronique de Lima en forme de fable contemporaine sur l’amour, marquée par une économie de moyens, une épure dans sa mise en scène qui renforcent le trait de son étude de caractère, le portrait psychologique d’un usurier enfermé dans sa morne existence et hargneux dans les affaires.
Les plans sont d’une simplicité désarmante, caméra fixe frontale plantée tantôt devant la chorale des personnages venus demander contre un gage de l’argent à Don Clemente tantôt devant l’usurier lui-même, dont le visage impassible et fermé en dit long sur son intransigeance dans les transactions. On est en octobre, à Lima, mois des processions religieuses et des liesses populaires. Loin de l’effervescence, du tumulte, la vie de Don Clemente semble réglée comme une pendule jusqu’à l’arrivée de ce bébé, élément déclencheur et prétexte pour que l’usurier sorte peu à peu du huis clos de sa maison dont il ne sort jamais sauf pour aller coucher avec des prostituées qu’il fréquente assidument.
Avec la description de la maison vétuste et triste de Don Clemente, aux murs vides et lézardés, au silence lugubre, on est vraiment dans un théâtre filmé. L’arrivée inopportune du bébé comme de celle de Don Fico, un client de Don Clemente qui a sorti illégalement sa femme malade de l’hôpital pour venir se cacher avec elle chez l’usurier sonnent comme des coups de théâtre qui se succèdent et provoquent peu à peu des changements bien sûr dans le comportement de Don Clemente, mais aussi dans sa psyché.
Mais c’est surtout l’arrivée de la « nounou », Sofia, à qui Don Clemente demande de s’occuper du bébé, qui va tout bouleverser. Sofia est une catholique fervente mais une vieille fille qui, tombée peu à peu amoureuse de Don Clemente, doit essuyer les sauts d’humeur, non seulement son hostilité mais aussi une certaine méchanceté qui semble la faire encore plus s‘accrocher à lui.
Les plans sur le visage de Sofia, baignant dans la fumée d’encens, cernée par les chants populaires sont beaux, qui traduisent bien l’émulation et la ferveur des fêtes religieuses à Lima. En contrepoint de cette agitation, Don Clemente, parti à la poursuite impitoyable de la prostituée qui lui fait un enfant « dans le dos », reste silencieux et fermé. De même qu’il ne « lâchera » pas les clients qui lui doivent de l’argent, il ne s’arrêtera pas non plus avant d’avoir retrouvé la mère de sa fille.
Ces péripéties qui s’enchainent sonnent comme une suite de catastrophes mais font peu à peu faire prendre conscience à Don Clemente qu’il mène une existence routinière. En le faisant sortir de sa maison, qu’il ne quittait que pour aller au bordel, le film glisse ainsi habilement d’un huis clos à une chronique sociale des bas fonds et des quartiers ouvriers de Lima, où la misère est montrée dans toute sa crudité et son épouvante. C’est le prétexte aussi pour montrer l’évolution de Don Clemente, au départ mutique et décidé à poursuivre sans pitié la mère de son enfant et ses débiteurs mais qui peu à peu abandonne la partie, comprenant peu à peu qu’il est coincé dans une existence de « condamné ». Il n’est jamais trop tard pour changer.
Ce n’est pas un grand film peut-être, mais une chronique sentimentale assez rondement menée et bien ficelée (en 1h20 à peine) pour qu’on soit résolument optimiste quant à l’avenir des frères Vega, dont c’est le premier long métrage. Prometteur donc…