Tout a commencé par les équations de la relativité qui admettent des solutions d'énergies positives et négatives (+E et -E). C'est la conséquence immédiate de la relation bien connue entre masse, énergie et impulsion de la relativité restreinte :
E2 = p2+m2
A priori, une énergie négative est une monstruosité théorique inconcevable : cela serait le négatif d’un mouvement, non pas son inverse, dans l’autre sens, mais le moins mouvement situé dans l’au-delà du repos, un mort qui ne cesserait de mourir davantage en quelque sorte.
Cependant les physiciens ont essayé d'interpréter les solutions d'énergies négatives auxquelles rien d'observable ne semblait correspondre dans la nature, ce qui nous semble à l’évidence logique. Dirac a ainsi soutenu l'idée que « les énergies négatives remplissent un océan infini d'états, de telle sorte que seuls les trous à la surface de cette mer d'énergie négative sont observables, apparaissant sous la forme de lacunes d'énergie négative qui se propagent donc avec une énergie positive et une charge inverse ».
On reste abasourdi par ce raisonnement qui pourtant fut à la base de la justification sinon de la découverte des antiparticules. S’est opérée en effet une contorsion sémantique d’une admirable adresse gymnique. Il faut savoir que traditionnellement l’écriture codée de l’électricité s’effectue selon deux pôles, l’anode et la cathode dénommées arbitrairement le pôle positif, l’autre négatif. Mais ces deux sens du courant électrique sont positifs dans l’autre acception, celle de l’énergie effective qui s’oppose à l’énergie négative que l’équation précitée d’Einstein fait apparaître. Le tour de passe passe de Dirac est alors le suivant : à partir d’une mer d’énergie négative peut surgir une positron électriquement (+) qui est l’anti particule de l’électron (-). Cette superposition de concepts a permis d’effacer temporairement l’incongruité de celui d’énergie négative et de fonder toute la théorie de l’unification standard actuelle qui repose sur les particules virtuelles d’échange qui surgissent et disparaissent de ce vide quantique, nouvelle dénomination de la mer d’énergie négative de Dirac.
Mais à partir de cette ambiguïté fondatrice tout se complique puisqu’il s’agira de justifier par toutes sortes d'arguties théoriques :
1) Comment à partir de cette mer de non énergie ou de ce vide quantique peuvent bien surgir des particules dotées elles d’une énergie réelle.
2) Comment se débarrasser en conséquence dans les équations de cette énergie infinie que la mer de Dirac et ce vide quantique semblent contenir.
Ces difficultés inextricables sont illustrées par le morceau d’anthologie suivant :
" Désormais les objets fondamentaux solutions des équations ne sont plus des particules possédant une certaine énergie mais représentent l'opération qui consiste à créer ou annihiler des particules. L'ex solution d'énergie positive +E (resp. négative -E) doit désormais augmenter de E (inverser diminuer de E) l'énergie d'un état préalablement donné.
Mais augmenter (inver : diminuer) l'énergie d'un état peut à priori se faire de deux façons:
1) En y créant (inver : annihilant) une particule d'énergie positive
2) En y annihilant (inver. créant) une particule d'énergie négative
L'adoption de 2) reviendrait à admettre l'existence de véritables particules d'énergie négative. On adopte donc les solutions de type 1) en Théorie Quantique des Champs et on exclue d'autorité celles de type 2).
Bien qu'il semble que l'on ait ainsi définitivement résolu le problème des énergies négatives (l'ex solution d'énergie négative est désormais un annihilateur de particule d'énergie positive), il est en fait tout aussi injustifié de négliger la solution physique 2) qu'il l'était de négliger les solutions d'énergie négative avant la seconde quantification. Le problème devient encore plus incontournable si l'on réalise que l'inversion du temps pratiquée de façon la plus intuitive transforme une solution correspondant au choix 1) en une solution correspondant au choix 2) donc fait réapparaître les particules d'énergie négative que l'on voulait éviter. La théorie doit donc pour rester cohérente adopter une procédure très étrange pour l'inversion du temps : une transformation antiunitaire qui conjugue tous les nombres complexes laissant la combinaison iE des ondes planes invariante (iE ==> -i.-E), l'inversion de l'imaginaire pur i compensant celle de E de sorte que l'on peut considérer que l'énergie ne s'inverse pas dans ce cas. Une autre conséquence de cette procédure est que désormais l'inversion du temps n'agit pas de façon foncièrement différente sur les propriétés observables d'une particule de la combinaison de transformations C.P qui inverse simultanément la charge et le caractère gaucher ou droitier d'une particule. Ce T anti-unitaire parait par conséquent presque redondant par rapport à CP, ce que traduit dans un langage plus technique le fameux théorème CPT...etc etc…"
A l’évidence, nos théoriciens pataugent dans une boue conceptuelle dont ils n’arrivent pas à s’extraire et dont il faut en rechercher la cause dans les toutes premières origines, dans cette pseudo mer d’énergie négative de Dirac. Le problème est en effet le suivant : si quelque chose du genre particule peut surgir de ce vide ou produire des effets du genre particules virtuelles c’est que ce vide est en quelque sorte plein d’un quelque chose qu'il s’agirait de définir. Si par ailleurs on reconnaît sans l’admettre que la mer de Dirac est un plein d’énergie, encore faut-il que celle-ci ne reste pas à l’état de pur concept puisqu’une énergie n’a de sens que lorsqu’elle s’exprime dans le mouvement d’un objet. Et en définitive, toutes les contorsions obligées et les dérives de la physique ne viendraient-elles pas d’une conception erronée de la notion d’énergie ? Car peut-on concevoir une « énergie en soi », comme une essence éthérée, sans qu’elle ne se concrétise dans le même temps par le mouvement d’un objet ? Et si le vide est plein d’énergie, ALORS, il est plein d’un quelque chose auquel il faut accorder le statut d’existant.