Jacob Jordaens (1640/1645), Fest des Bohnenkönigs, Kunsthistorisches Museum***Jadis, en revenant de la messe de minuit, les villageois des campagnes qui s'apprêtaient à faire réveillon donnaient d'abord à manger aux bestiaux, afin de les associer à la fête, en mémoire du bœuf et de l'âne. Tout le monde sait avec quelle solennité la belle fête de Noël est alors célébrée, avec quelle impatience elle est attendue au sein des familles. Les enfants attendent avec crainte et curiosité la récompense d'une longue année de sagesse que le petit Jésus doit glisser cette nuit-là dans leur soulier. Ce soulier-là, c'est la conscience de l'enfant. Combien n'osaient pas le mettre dans la cheminée, tourmentés par le souvenir d'une espièglerie récente, et d'autres ne le risquer qu'à demi. Nous connaissions également le roi de la fève, fête de famille dont chacun avait sa part, même le pauvre inconnu frappant à la porte et venant réclamer au nom d'un pieux usage le quartier de gâteau auqueil il avait droit de par Dieu.
Quant à l'Epiphanie, elle est de toute ancienneté. Fêtée quelque temps avec la solennité de Noël, ce fut vers le IVe siècle que l'Eglise l'en sépara, en fit de la fête de l'Adoration des rois une fête tout à fait distincte. Ce qui le prouve, du reste, c'est que le célèbre Julien l'Apostat, vers le milieu du IVe siècle, se trouvant à Vienne, n'osa pas manquer d'assister à l'office de ce jour, bien que déjà son cœur se fût détourné de la foi chrétienne. Mais il gardait cependant encore, aux yeux de la foule, une piété d'apparat.
Malgré les ténèbres historiques entourant les mages, ces saints voyageurs, la légende a suppléé au silence des livres sacrés. Elle les appelle Balthazar, Melchior et Gaspard. Un ouvrage attribué à Bède, Extrait des Pères, nous donne ainsi le nom des trois mages, et de plus leurs traits et leurs costumes, décrits avec un soin minutieux. Melchior est un vieillard chauve, à longue barbe, vêtu d'une robe couleur d'hyacinthe. Gaspard est jeune, porte une robe orangée et un manteau rouge ; le manteau est bariolé de dessins divers. Nos artistes avaient besoin que la légende leur vînt en aide ; aussi leur a-t-elle servi beaucoup, et c'est à peu près ainsi que tous nos peintres ont représenté cette adoration des mages.
De Noël à l'Épiphanie, « Histoire anecdotique des fêtes et jeux populaires au Moyen Age » 1870