Comme le suggère son titre, Le Quattro volte (Les quatre fois), le film de Michelangelo Frammartino se divise en quatre parties successives, formant un cycle semblable au cycle de la vie.
Le cinéaste italien commence par suivre un vieux berger calabrais. Il a les traits marqués par des années de labeur, le dos voûté, la respiration sifflante. Il est à bout de souffle, mourant…
Alors que le vieillard s’éteint, absorbé par l’obscurité, un chevreau de son troupeau voit le jour.
La caméra suit les premiers pas hésitants du petit animal, d’abord au sein du troupeau qui, livré à lui-même, a investi la vieille bicoque, puis seul, après qu’il ait perdu la trace de ses congénères dans le maquis.
Isolée de sa génitrice, la pauvre bête finira probablement par mourir de froid et de faim au pied d’un sapin majestueux…
Cet arbre a justement été choisi pour servir de mât de cocagne lors de la traditionnelle fête du village. Il sera abattu, transporté jusque sur la place de la bourgade puis, une fois la procession terminée, découpé en rondins…
… qui seront ensuite empilés, placés sous une meule de foin et lentement consumés pour être transformés en charbon.
Charbon qui sera utilisé comme source d’énergie pour aider les hommes à survivre. Charbon dont la fumée monte au ciel comme une âme qui rejoint Dieu.
Voilà un film d’une simplicité lumineuse. Il ne s’y passe pas grand-chose et en même temps, il montre des choses essentielles, la vie et la mort, le rythme des saisons, la cohabitation harmonieuse de l’humain, de l’animal, du végétal et du minéral, la beauté – et la cruauté – de la nature. Bref, la vie dans toute sa splendeur.
Le cinéaste capte ce spectacle envoûtant en plaçant toujours sa caméra à bonne distance des êtres qu’il filme, pudique et respectueux. Par la grâce d’un montage élégant, il donne un sens quasi mystique à cette succession de plans de toute beauté, qui captent le charme rustique de ces paysages calabrais.
C’est un cinéma assez radical, audacieux car totalement anti-commercial. Ce n’est pas vraiment un documentaire, mais ce n’est pas non plus totalement une fiction.
Ici, pas de scénario au sens traditionnel du terme, pas de héros et pas d’intrigue. Pas de dialogues, pas de musique ajoutée. Juste les bruits de la nature et des scènes du quotidien de la vie de Calabre.
La seule scène un peu plus construite que les autres est un beau morceau de bravoure burlesque façon Tati, un joli plan-séquence faisant intervenir un chien malin, une procession de villageois déguisés en légionnaires romains et une camionnette…
Bon, précisons tout de même que Le Quattro volte est une expérience qui ne plaira pas à tout le monde. Certains trouveront probablement l’oeuvre extrêmement ennuyeuse, car beaucoup trop contemplative.
Nous avouons d’ailleurs être allés voir ce film à reculons, effrayés par la perspective de passer 1h30 à regarder paître des chèvres ou à assister à lente consumation de bûches de sapin. Nous avions tort : c’est finalement beaucoup plus regardable que tous ces films d’auteurs prétentieux qui étirent inutilement la durée des plans afin de paraître originaux ou faire croire qu’il sont de véritables artistes… Ici, les images nous happent, nous éblouissent, nous touchent par leur poésie brute, sans artifices.
Nous faisons donc amende honorable en vous conseillant d’abandonner vos préjugés et de découvrir ce beau film, grand prix du dernier festival du cinéma italien d’Annecy.
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Le quattro volte
Réalisateur : Michelangelo Frammartino
Avec : Giuseppe Fuda, Bruno Timpano, Nazareno Timpan, un chien, des chèvres, un sapin…
Origine : Italie
Genre : la nature & les hommes
Durée : 1h28
Date de sortie France : 29/12/2010
Note pour ce film : ●●●●●○
contrepoint critique chez : Libération
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