Sylvie GRANOTIER – La Rigole du diable : 7+/10
(sortie : le 5 janvier 2011)
Voilà un excellent roman de suspense, dont le style sec, précis, presque distant nous plonge, paradoxalement, dans les pensées les plus personnelles du personnage central, la jeune avocate Catherine Monsigny, dont nous suivons l’évolution tortueuse intérieure.
Inscrite au Barreau de Paris, la jeune femme de vingt-six ans travaille au sein d’un prestigieux cabinet d’Avocats, celui de Maître Renaud, un véritable ténor du barreau. Elle-même est encore jeune mais elle est douée. Au début du roman, elle se voit confiée sa première grande affaire : commise d’office dans une affaire de meurtre, elle devra, pour la première fois de sa carrière, plaider devant les Assises, ce qui lui fera une expérience extraordinaire.
Catherine veut saisir sa chance et se plonge corps et âmes dans le dossier – pourtant fort mince – et entend défendre la femme accusée du meurtre de son mari coute que coute. Et le dossier n’est pas gagné d’avance : Myriam Villetreix, née N’Bissi, est accusée d’avoir empoisonné son époux Gaston ; elle-même, originaire d’Afrique, est arrivée en France où elle a travaillé au sein d’une famille qui la traitait en esclave (et dont elle tait le nom), puis elle s’est enfui et s’est marié avec Gaston, un homme qui cherchait tout simplement une femme, pour ne pas être seul. Un mariage à la limite du mariage blanc mais qui semblait conclu dans le but de durer.
Seulement, lorsque Myriam, une femme de peau noire, arrive dans un petit village de la Creuse le choc des cultures est énorme, l’intégration de la nouvelle arrivante, si différente, ne se fait pas aisément.
Et deux ans plus tard Gaston est retrouvé mort. Empoisonné. La seule qui avait un motif et l’opportunité est Myriam, qui nie farouchement.
C’est donc dans la Creuse, devant la Cour d’Assises de Guéret, que Catherine Monsigny devra plaider. Un lieu où la presse ne viendra pas, trop loin de Paris. Elle-même devra accepter de multiples allers-retours entre Paris et Guéret pour s’occuper de cette affaire, mais Catherine est prête.
Seulement, sa vie personnelle est bouleversée et risque de mettre en péril la préparation du procès !
Des souvenirs douloureux refont surface et vont changer la donne. Car le passé de Catherine est difficile : lorsqu’elle n’avait que quatre ans, sa mère a été sauvagement assassinée en sa présence. Hors de sa vue, mais qui sait ce que la fillette a enfoui au fond de son âme – et qui rend ses relations avec les hommes si compliquées ? Le coupable n’a jamais été trouvé, le dossier fait partie des affaires non résolues.
Pourquoi est-elle assaillie par son passé juste maintenant, au pire moment ? Elle imagine que c’est parce que le meurtre de sa mère a eu lieu dans la Creuse, elle retourne en quelque sorte sur les lieux des crimes.
Elle décide de se mettre, parallèlement, à la recherche de son passé, pour savoir qui était sa mère, une femme dont son père ne lui parle pas et qu’elle ne connaît que grâce à une seule et unique photo, celle d’une jeune femme souriante.
Comme si cela ne suffisait pas, elle fait la connaissance d’un homme qui l’intrigue et l’attire bien malgré elle, Cédric Devers, la quarantaine mais paraissant une belle trentaine. Cédric est l’un de ses clients de Paris qu’elle avait défendu avec brio devant le Tribunal Correctionnel. Cet homme, qui est donc loin d’être convenable, ne quitte pas ses pensées et semble d’ailleurs l’observer, ce qui ajoute à la méfiance que Catherine éprouve à son égard.
Seulement, avec son charme et ses yeux à se noyer, un comportement imprévisible …. Cédric ne quitte pas les pensées de Catherine.
C’est donc l’esprit bien préoccupé qu’elle devra préparer l’affaire essentielle pour son avenir ! Des sentiments étranges et déroutants l’empêchent de se concentrer sur son procès mais elle s’accroche.
Ce livre est moins le récit dune jeune avocate face à sa première affaire de meurtre, qui est, somme toute, assez secondaire, que le récit de Catherine à la recherche de son passé et, par la force des choses, de l’assassin de sa mère.
Bien que le style de Sylvie Granotier – bref, précis, net, distant – ne soit pas l’écriture que je préfère (attention, je n’aime pas plus les phrases qui se déroulent sur quatre lignes et dans lesquels la principale préoccupation est la recherche du verbe), je dois admettre qu’elle maîtrise les mots et qu’elle jongle à merveille avec la langue française. Je me suis laissée prendre. Des mots choisis avec soin, un contrôle absolu de la syntaxe qui semble ne pas laisser de liberté à son héroïne - le style la maintient prisonnière autant que son passé !
Donc, une écriture très appropriée à l’intrigue, les deux s’emboitent parfaitement.
Je m’interroge néanmoins, curieuse : l’histoire écrite par un autre auteur aurait-elle gagnée en légèreté et fluidité ou alors totalement perdue tout intérêt ? Je penche pour la seconde hypothèse.
Ce qui me fait dire que j’ai apprécié ce livre !
Le suspense n’est pas nécessairement à couper le souffle, c’est plus l’ambiance qui fait avancer le récit. La jeune avocate devra gérer beaucoup de choses en même temps et le lecteur, avec elle, oublie de plus en plus le procès en cours.
Un livre qui reste néanmoins plutôt féminin, malgré le détachement du style.
« La Rigole du diable » devrait enchanter les fans de Sylvie Granotier mais également ceux qui aiment les livres de suspense qui ne sont pas fondés sur l’action « physique » (pas de poursuites en voiture ni de combats à l’arme blanche ou à l’arme à feu).
Sans être psychologique, l’intrigue reste centrée sur Catherine.
L’ensemble nous permet donc de passer un bon moment.
Bien qu’il soit un peu trop « maîtrisé », à mon goût (tout personnel).
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