Difficile de ne pas vous parler de la
dinde, de notre dinde de Noël !
Quelques semaines avant Noël, Olivia allant de bon matin faire ses emplettes chez Nature Basket (notre « Carrefour » de proximité, soit la plus grande surface la plus proche de chez nous, soit en réalité 80 m2, un rayon de yaourt qui propose 2 marques de yaourt, un rayon salade souvent vide…), bref chez Nature Basket, et de joie faillit tomber à la renverse en voyant une affiche indiquant que l’on pouvait commander sa dinde de Noël !
Il faut, hélas, vivre tous les jours à Bombay pour bien mesurer le caractère exceptionnel de cet avis ; au pays où les courgettes sont absentes un jour sur deux, les oignons en grève de livraison, les poireaux introuvables, dans ce pays où notre meilleur fournisseur de viande (notre pâtisserie) vient de nous annoncer qu’il ne vendrait plus de viande la semaine prochaine, bref dans ce pays où la culture last-minute transcende la science de l’organisation du temps, lire un pareil avis interpelle !
Flip, qui ce jour-là, était de la partie (en fait il était de l’autre coté de la vitrine et lisait l’affiche à l’envers ce qui montre entre parenthèse les précoces dispositions de ce labrador-dix heures par jour façon Rantanplan) s’exclama : « et une dinde de Turquie en plus ! ». Olivia dût lui expliquer que Turkey cela voulait dire dinde en anglais et non pas Turquie, de quoi renvoyer ses rêves babinesques sur un tapis volant.
Bref, Olivia s’enquiert de cet avis alléchant. « Oui, oui Mam, on vous confirme vous pouvez commander ici votre dinde ; elle sera prête le 23 décembre et il faut verser un acompte ». Olivia confirme son intérêt et le vendeur lui précise que ce sont de belles dindes ! Et, Olivia, emportée par sa générosité habituelle, et se disant qu’il y aurait certainement des amis à inviter le lendemain ou dans les jours suivants, en commande deux derechef-cuistot (d’heureux chefs cuistots).
Informé le soir même de cette histoire aussi rocambolesque qu’inattendue, mais prêt à entendre toute bonne nouvelle venant du cœur de la cité, je demande si deux dindes ce n’est pas une de trop ? Olivia me dit que le vendeur lui a dit que c’était de belles dindes qui faisaient au moins 4 kg ! Bigre ! Comparé à nos poulets hindous qui doivent friser les 743 grammes, je mesure l’écart.
Le 23 décembre, alors que nous déjeunons ensemble, Olivia a une fulgurante intuition prémonitoire et là on voit bien comment les femmes ont seules l’art de combiner leur intuition et leur sens pratique. Et si la dinde ne rentrait pas dans le four ? De fait, notre four est un four micro-onde qui cuit aussi normalement mais c’est plutôt un mini four qui doit mesurer, en hauteur sous plafond, une vingtaine de cm au maximum. Mais on a un plan B, la marmite. Oui sauf que dans la marmite on met tout juste deux poulets de 743 grammes, alors comment mettre une dinde d’au moins 4 kg. Nous connaissons bien le restaurant dans lequel nous déjeunons et nous demandons au patron s’il nous prêterait une très grande marmite le 24 décembre ? Voyant notre inquiétude et comprenant notre désarroi, il accepte ! Nous lui précisons que c’est juste au cas où…
Le soir même Olivia va chercher le colis. Quand elle voit la taille de la dinde, elle pense aussitôt à une autruche ! La bête, toute congelée, pèse 4,8 kg !!! Olivia essaye d’annuler la deuxième dinde mais c’est difficile et on lui demande de repasser le lendemain la prendre.
Bref le lendemain, nous avons décongelé la dinde. Elle a quand même mis 48h à décongeler ! Elle est prévue au menu du déjeuner de Noël.
Le 25 au matin, bien avant le Père Noël, je me lève pour la faire cuire. Mais impossible de la mettre dans le four. J’y arrive en appuyant à fond à la faire rentrer dans la marmite, mais elle occupe toute la place. Du reste dès qu’on verse une cuillère d’armagnac, le niveau du liquide monte de 3 cm !
Lorsqu’il faut la retourner, c’est le cauchemar ; je casse deux spatules en bois ! Finalement j’y parviens…
Au moment de la découper, je réalise que la dinde est copieuse et abondante. On passera l’après midi à chercher des recettes pour recycler la dinde et c’est ainsi que l’on découvrira la terrine de dinde aux poireaux et au fromage de chèvre (sauf qu’on n’avait pas de fromage de chèvre !).
Le lendemain, Olivia repasse chez Nature Basket car il faut honorer ses engagements et prendre la deuxième dinde. Olivia craint le pire et elle a raison. Mais elle ne perd pas connaissance quand le vendeur lui dit que la deuxième dinde fait 8 kg !!!! Et là se produit quelque chose qui tient du miracle. Le vendeur part chercher la dinde et, au bout de quelques minutes, revient avec l’air embêté et dit : « Je suis vraiment très désolé Madame, mais on ne retrouve pas votre dinde ! ». Olivia n’en croit pas ses oreilles et dit, l’air faussement serein, que ce n’est pas grave.
Une semaine après, on entame notre deuxième terrine de dinde aux poireaux et hier on a fait une salade César avec de la dinde et tout cela après avoir donné un kg de dinde à notre maid, ravie de ce cadeau.