Ce vendredi 31 décembre, Nicolas Sarkozy avait l'embarras du choix pour ses voeux aux Français. L'année 2010 fut exécrable. Sarkozy, d'ailleurs, commença par la même formule qu'en décembre 2008 et décembre 2009 : « l'année 2010 s'achève. Je sais qu'elle rude pour bon nombre d'entre vous. » Les bouleversements du monde furent suffisamment accélérés ces quatre dernières années pour que le « président de la cinquième économie du monde », comme il aime le rappeler si souvent, puisse trouver quelques voeux cohérents avec les angoisses du moment.
Des voeux de justice ?
Le président français aurait pu, dès les premières polémiques l'an dernier, se saisir du sujet à bras le corps, annoncer une grande réforme politique - lui qui aime tant le terme -, promettre une révision complète des exigences de transparence politique. On connaît les mesures, inutile de tergiverser : interdire les donations aux micro-partis de personnalités déjà affiliées à une organisation financée ; interdire le cumul d'une activité rémunératrice à titre privée pour les élus de la nation ; garantir l'indépendance des magistrats y compris les procureurs pour tout ce qui concerne les instructions particulières.
On aurait pu comprendre que la violence et l'accélération des révélations l'avaient un temps troublé et tétanisé. Mais 6 mois et deux semaines après la publication des enregistrements pirates de l'affaire Bettencourt, la digestion devrait être terminée. L'indignation populaire apparaît si forte qu'il avait tout à gagner à un repositionnement nécessaire.
Ce vendredi, ses propos sur la justice faisaient sourire : « Le respect de la loi est intangible et on ne la bafoue pas. » L'année 2010 fut désastreuse. Dans l'affaire Woerth/Bettencourt, l'Elysée a manoeuvré pour freiner la recherche de la vérité. Dans l'affaire de Karachi, les obstructions furent tout aussi nombreuses. Contre des journalistes trop curieux, Sarkozy a lancé les services de renseignements, multiplié les menaces publiques. Que dire de son ministre Hortefeux, toujours en poste maisdéjà condamné pour injure raciste puis atteinte à la présomption d'innocence ? Que dire du projet de suppression du juge d'instruction sans garantie nouvelle d'indépendance accordée aux instructions ?
Des voeux d'équité ?
Conscient de la gravité de nos déficits publics, Nicolas Sarkozy aurait pu annoncer une vraie refonte de la fiscalité, de la suppression des niches fiscales bénéficiant aux revenus supérieurs et aux grandes entreprisesà la réintroduction d'une réelle progressivité de la charge de l'impôt comme des bénéfices sociaux. Son bouclier fiscal a démontré qu'il n'avait aucun impact contre l'expatriation fiscale. Et si les temps budgétaires sont réellement si difficiles, la rigueur nécessaire devrait être juste.
On aurait presque pu lui pardonner de n'avoir pas saisi l'occasion de l'élaboration du budget 2011. Les délais étaient peut-être trop court, la reprise trop fragile, l'équilibre entre rigueur et relance trop délicat à trouver. Mais pour 2011, il pouvait faire mieux. Et prouver qu'il comprenait que sa Présidence des Riches n'avait que trop durer, que son chantier en faveur de la dépendance n'était qu'un hochet insuffisant pour calmer l'amertume populaire. Il aurait pu promettre quelques mesures symboliques - les symboles comptent doublement en période de crise - comme la suppression de quelques privilèges d'Etat plus conséquents que la réduction du nombre de mètres carrés ou de véhicules dans la fonction publique. Vendredi, il a promis une année utile : « Nous allons donc continuer à réformer parce que c'est la seule façon de préserver notre modèle.»,
Des voeux de rassemblement ?
Depuis l'échec des élections régionales, et en préparation du scrutin de 2012, on nous avait promis, de petites phrases en fausses confidences, que Nicolas Sarkozy s'afficherait enfin comme le président de tous les Français, un vrai chef d'Etat rassembleur, protecteur de tous et surtout des plus fragiles. Au lieu de quoi, le Monarque a dérapé dans le discours xénophobe le plus primaire, et multiplié les réunions de pré-campagne. N'en déplaisent à celles et ceux qui l'on élu en mai 2007, Nicolas Sarkozy n'a jamais habité sa fonction. Il n'a jamais été été président de la République. Pour 2011, il aurait pu nous promettre, là aussi, un changement d'attitude.
Ni juste, ni social, ni rassembleur, Sarkozy a choisi ce vendredi 31 décembre d'apparaître inchangé, les promesses en moins. Il voudrait qu'on comprenne la difficulté de son action, qu'on excuse ses échecs en cascade, qu'on oublie qu'il est responsable de ses propres promesses. Il a osé affirmer qu'il serait le garanti de nos valeurs républicaines: « je ferai mon devoir en écoutant, en dialoguant mais, lorsque le moment sera venu, en prenant les décisions qui s'imposent dans un esprit de vérité et de justice. Je le ferai en respectant scrupuleusement nos principes républicains les plus chers ». Doit-on lui rappeler que la seule et unique rupture qu'il a imprimé au pays depuis son élection est justement avec les valeurs fondamentales du pays ? Il a promu, dans son discours de Grenoble, puis fait voter, dans la loi Besson sur l'immigration de l'automne dernier, la modularité des peines en fonction de l'ancienneté de naturalisation. De son discours de Dakar en juillet 2007 à la chasse aux Roms de l'été 2010, il a introduit une dimension discriminatoire dans la parole publique. Devant les Sages du Conseil Constitutionnel, il a récusé l'exigence de contre-pouvoirs. Il s'est attaqué à l'indépendance de la justice. Il a privatisé les moyens publics, y compris les services secrets, à son seul usage. Il a promu la confusion des intérêts publics et privés, du pantouflage de ses conseillers (cf. l'affaire Pérol) à la nomination avortée de son fils à la tête de l'Epad.
La préoccupation des Français est l'emploi. La menace du chômage, surtout de longue durée, est un épouvantail tout trouvé pour que rien ne change. La défense du pouvoir d'achat en moins, Sarkozy peut reprendre son argumentaire de 2007 sur « la revalorisation du travail », l'investissement et la flexibilité. Le développement de la précarité reste avant tout une arme de domination politique. Pour le reste, Sarkozy n'a pas compris, et ne comprend pas les critiques qui lui sont faites. Il n'a pas compris que son népotisme familial puisse choquer ; qu'un ministre viré qui retrouve automatiquement son poste de député sans élection puisse choquer; que les relations consanguines entre le Premier cercle de ses donateurs politiques et la gestion de l'Etat puissent révolter.
« L'année 2011 s'annonce comme porteuse d'espérance » déclara Sarkozy vendredi.
Très certainement.
Voeux du Président Nicolas Sarkozy aux Français pour 2011
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