Beignets de vacances aux Marquises ou comment délinéer la Nouvelle Polynésie

Par Teaki

 L'huile des beignets chauffe dans la poële et son odeur déclenche une rivalité inattendue entre ma tante et mon oncle. Chacun habite une des petites maisons de ce quartier de la vallée Pakiu où ma famille maternelle vit depuis des générations. En un temps record, nous voilà avec deux saladiers plein de petits beignets aux bananes dont ma tante a le secret. Elle est heureuse de nous faire plaisir mais regarde d'un mauvais oeil la concurrence de son beau-frère. Nous rions en disant à chacun avec le plus grand sérieux combien leurs beignets sont les plus savoureux.

Cette anecdote des Marquises m'évoque combien les petites choses du quotidien ont un reflet dans le grand monde. La bienveillance et l'envie de nous témoigner leur affection ont motivé ma tante et mon oncle pour un résultat plus que probant: deux fois plus de beignets fabriqués avec deux fois plus d'entrain et d'attention...J'ose un parallèle avec la vie politique polynésienne que j'observe comme une consœur de l'extérieur avec un point de vue forcément parcellaire mais qui va à l'essentiel (c'est surtout à l'aulne du recul que s'évaluent les actions politiques) En Polynésie, vu de l'extérieur, il semble y avoir autant de courants politiques que d'élus à l'assemblée et sans doute davantage. Vous pensez que j'exagère. Point du tout. Koenui. Parlez avec tout élu polynésien et vous constaterez qu'il a un temps suivi tel supposé leader puis tel autre d'un parti totalement opposé et désormais, il voudrait que sa place soit mieux prise en compte, encore un quart d'heure de conversation et il vous dit qu'il ne comprend pas pourquoi la vie politique polynésienne est si compliquée. Bien sûr, il y a des très bonnes volontés mais celles-ci sont noyées dans le brouhaha des vétérans, ceux qui ont fait leur vie politique, ceux dont on peut juger les actions.

Comme dans la guerre des beignets, tant d'ardeur à se faire remarquer ou à faire remarquer ses choix politiques, à nouer et dénouer des alliances pourrait créer une émulation bénéfique pour la Fenua. Pourquoi se battent-ils? Qu'est ce qui fait lever ces femmes et ces hommes politiques? Des indemnités d'élu mirobolantes? Un confort à conserver en justifiant sa place à force de tirades et d'effets d'annonces? La conviction que sa commune, son île, son archipel doit tirer son épingle du jeu plus vite et mieux que les autres car les budgets sont resserrés? Une grande idée de la Nouvelle Polynésie?

Le gouvernement actuel de Gaston Tong-Sang a le mérite de la stabilité ... alors que nous avons du changer tant de fois de gouvernements en 7 ans. Il faut un courage certain pour maintenir le bateau polynésien sur l'océan déchaîné de la crise. Gaston Tong Sang vient de confirmer que si l'on ne réduit pas nos dépenses, il faudra augmenter nos rentrées (taxe sur le sucré, l'alcool, augmentation des cotisations retraites,...). C'est basique. Tout gestionnaire de famille comprend cette nécessité. Ceux qui tirent sur l'ambulance auraient-ils de bonnes raisons de laisser le bateau couler. Si le bateau coule, plus de comptes à rendre, plus de réformes à porter, enfin l'opacité qui permettrait tous les abus.

En démocratie, on peut s'opposer, critiquer mais il faut être force de propositions sous peine de perdre toute crédibilité. Comme dans la guerre des beignets, faire mieux que son rival...ou en tout cas, y mettre toutes ses forces, son énergie.

Le Budget 2011 de la Polynésie passera mais quoiqu'il en ait couté en ténacité, il est une rustine sur une crevaison béante. Chaque jour, la Polynésie perd des emplois. La Crise? Bien sûr. La crise appuie là où cela faisait déjà mal. Une douleur que l'on niait parce que le reste fonctionnait.

Aucun polynésien n'a plus les moyens de garder les yeux fermés.

Au contraire, il faut les ouvrir, regarder les dysfonctionnements en face et surtout, ne pas fuir. Les prendre à bras le corps, trouver des solutions plus pérennes pour la Polynésie et rester vigilants.

L'ambition pour la Nouvelle Polynésie doit être l'éducation et la formation professionnelle. Deux domaines que je maitrise dans ma vie de chef d'entreprise et d'élue, deux domaines qui sont les mamelles de la Polynésie. 300 000 habitants...Avec un patrimoine naturel et culturel aussi riche, que ne sommes-nous prospères et confiants pour nos enfants? Que ne sommes-nous la vitrine de la France dans l'Océanie et bien au-delà? Quelle marche de l'escalier du progrès avons-nous manqué, nous, polynésiens, qui nourrissons une foi intense en Dieu et en notre prochain?

Que chaque polynésien bénéficie d'une formation et d'un emploi dans moins de dix ans semble une utopie mais je suis convaincue qu'il n'en est rien.

Au contraire, je pense que tout polynésien est capable de grands sacrifices s'il a une perspective de partage plus équitable du savoir et du travail. La Polynésie a besoin d'un Grand PLan d'Éducation et de Formation Professionnelle dont les premières idées pourraient être les suivantes :

les métiers de la santé, liés au bien-être, au tourisme, à l'artisanat, au bâtiment et à l'environnement doivent être les priorités de formation à Tahiti et dans les îles.

Osons la discrimination positive des polynésiens dans la fonction publique et assimilée. La parité est une méthode qui fonctionne bien pour amener les femmes à de hautes responsabilités tant au niveau politique que dans la Direction de grandes entreprises. Nous pouvons l'appliquer à la Polynésie. Par exemple, tout professionnel non polynésien recruté en tant que fonctionnaire ou assimilé doit avoir une mission de transmission de son savoir-faire et de tutorat à son futur remplaçant...polynésien. Tout poste vacant de courte ou de longue durée doit être pourvu de manière locale. Si aucun professionnel ne correspond au besoin, il devrait y avoir obligation de former du personnel local.

La langue est la colonne vertébrale de toute culture, de toute société. En Polynésie, le bilinguisme en langue natale et française tant au niveau de la lecture que de l'écriture devrait être un objectif de fin de cycle primaire. Le trilinguisme (espagnol ou anglais qui sont les langues des pays qui entourent la Polynésie) devrait être l'objectif d'éducation de fin de secondaire. Le polynésien est naturellement doué pour les langues car il est habitué à l'oralité et surtout à entendre plusieurs langues. Pourquoi ce potentiel est-il aussi gâché?

l'apprentissage dans les métiers de la vente et du commerce doit être beaucoup plus développé et encouragé par des aides à l'embauche dans les entreprises et des incitations à l'excellence du tutorat.

Voilà, ce sont quelques beignets qui ont le goût de l'ambition, de l'audace et du renouveau pour la Polynésie. Servez-vous. C'est bon pour le moral.

Que 2011 soit l'avènement des idées ingénieuses, économiques et pourvoyeuses de richesses pour notre Henua!

IA KOAKOA TATOU I TENEI EHUA HOU