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TOUS LES GARCONS AIMENT MANDY LANE (All the boys love Mandy Lane) de Jonathan Levine (2006)
Publié le 01 janvier 2011 par Celine_dianePrécédé d’une réputation solide et enfin distribué en France par l’éditeur Wild Side, All the boys love Mandy Lane commence en terrain connu (le lycée, les pom-pom girls superficielles, les sportifs obsédés, les geeks amoureux), grignote les attentes, laisse le poisseux s’immiscer, pour finir par brutalement abattre son vent nouveau, violent, entre poésie de l’horreur et mélancolie adolescente. Soit au milieu de tous : Mandy Lane (Amber Heard), un ange blond et intouchable, une cousine des sœurs Lisbon en puissance, figure texane vierge et inaccessible, symbole de toute l’époque Sofia Coppola, froide, à distance, désirée, sublimée. Invitée à passer un week-end dans un ranch, proie innocente parmi les prédateurs assoiffés de sa chair, c’est le début des problèmes. Quelqu’un, dans l’ombre, se met à zigouiller tout le monde. Ambiance 70’s (Bobby Vinton en fond sonore, imagerie cradingue, et références au ciné de Hooper et Craven), thématiques universelles (transformations du corps, hormones en folie, recherche identitaire) et considérations modernes (le spectre du massacre de Columbine qui plane sur le film) sont au programme de cette œuvre hybride absolument réjouissante, sorte de slasher élégiaque surpuissant, vitaminé au spleen et à la colère. Jonathan Levine (Wackness) joue constamment sur deux tableaux : d’un côté le film de genre, de l’autre le film indé, du sang et des mots, du meurtre dégueulasse sur de l’image arty. Le film surprend, parce qu’il ose un reversement de situation convaincant, pas de twist vide et vain mais une réflexion formidable sur la notion de perception, ou comment le regard transforme l’objet. L’objet, ici, étant cette mystérieuse Mandy Lane, reine dramatique, catalyseur de toutes les pulsions, incomprise, incompréhensible, sorte de Carrie contemporaine, nourrie à l’estime de soi. Fille-énigme qui constitue tout l’intérêt de cette sensible descente aux enfers, qui (s’)éclate en morceaux de puzzle sous nos yeux, laissant le soin à tous (réal, copains de classe, spectateurs) de s’épuiser à comprendre ses arcanes. Sexualité refoulée ? Produit dégénéré d’une génération infâme ? Beauté diaphane sacrifiée ? Tout y est compilé, envisagé, étreint, avec sadisme, lyrisme, érotisme- tout à la fois.