Faut-il acheter des cadeaux de Noël avec ses gains de poker? C’est la question à laquelle Yann Hamon répond, sur son blog Full Sentimental, hébergé par Libération. Une occasion pour nous de vous inciter à lire les blogs, de plus en plus nombreux et passionnants, consacrés au poker.
Le poker n’est pas seulement un jeu d’argent, comme peuvent l’être parfois le tarot ou le mah-jong. Au poker, l’argent sert à compter les points: en cash-game surtout, le résultat d’un coup est directement comptabilisé en euros gagnés ou perdus. L’emploi de jetons dans les parties live, comme l’utilisation d’un compte poker sur un site internet, conduisent à rendre cet argent virtuel. Ce que le bon sens condamne: les joueurs ne se rendent plus compte des montants engagés sur un coup ou une soirée, et les plus atteints peuvent perdre des fortunes sur un As malheureux à la rivière. Pour une fois, le bon sens à tort. Un joueur de poker à intérêt à séparer complètement l’argent du poker et l’argent réel.
Si évidemment on peut trouver un danger dans une trop grande virtualisation, pour bien jouer au poker il est impératif d’oublier la valeur réelle des jetons. Vous devez raisonner en cash game en termes de nombres de blinds, et pas en terme de valeur monétaire. Si le mouvement optimum sur un coup est de faire all-in pour 100BB, vous devez le faire que votre tapis vaille 2 euros ou 100000. Il convient donc de trouver la limite adaptée à votre budget: si vous jouez trop haut, vous allez passer trop souvent par peur de perdre une somme que vous jugez élevée. Si vous jouez trop petit, ça peut-être encore pire: vous risquez de suivre bien trop souvent car, après tout, ça ne vous coûte pas très cher.
Le poker est par ailleurs un jeu qui peut aller assez vite dans un sens comme dans l’autre. Il faut se méfier de cet aspect lorsque l’on débute. Lorsque vous perdez, le risque évidemment est de tenter de jouer plus pour se refaire, ce qui est dramatique au poker puisque cela vous amène à jouer à des limites plus hautes, donc contre des meilleurs joueurs, alors que vous perdez, donc que vous êtes dans de moins bonnes conditions psychologiques. Si cette idée vous traverse la tête, éteignez votre PC ou sortez en courant du casino. Vous économiserez alors beaucoup. Pour contenir les pertes, la meilleure méthode (en dehors de ne pas jouer s’entend) reste de vous fixer un budget, mensuel ou hebdomadaire, et de vous y tenir. Considérez cet argent comme perdu —l’équivalent d’une sortie quelconque, d’un budget tabac… L’idée étant de ne remettre de l’argent que lorsque vous êtes à sec, et donc d’arrêter relativement vite, soit parce que vous devenez un joueur gagnant, soit parce que vous en avez assez d’être un joueur perdant.
Lorsque vous gagnez une somme que vous considérez importante, la tentation est souvent de s’offrir un extra, de faire des cadeaux à des proches… Cette idée-là n’est pas excellente non plus lorsque vous débutez*. En effet, il n’y a réellement que deux solutions: soit vous êtes un joueur gagnant, et alors mieux vaut faire fructifier votre capital, et ne pas risquer de finir bêtement broke sur une série de sessions malchanceuses. Votre objectif est de progresser vers des niveaux de mises rentables, avec un capital-jeu suffisant, et alors de gagner réellement de l’argent. Soit vous êtes un joueur perdant qui a eu un coup de chance; dans ce cas, vous allez perdre votre capital restant à long terme. A ce moment-là, vous allez vous souvenir de votre gain précédent, probablement être tenté d’en remettre au moins autant… Ce sont les souvenirs de quelques soirées heureuses vite converties en restaurant, écran plasma ou nouvelle voiture qui font les gros perdants à long terme.
En conclusion, le principe de base pour une bonne gestion financière est le suivant: votre capital-jeu et votre compte en banque doivent être deux choses clairement distinctes. Ne faites pas de paris sportifs ou hippiques sur le site dans lequel vous jouez au poker. Si vous voulez vous offrir quelque chose avec l’argent du poker, faites le avec une partie de vos gains sur l’année, pas parce que vous venez d’avoir une bonne session.
PS: Joyeux Noël malgré tout, prochaine note en 2011. * L’exception évidente étant celle d’un joueur débutant qui, grâce à une chance exceptionnelle et peut-être un vrai talent brut, gagnerait une très grosse somme en tournoi. Dans ce cas, mieux vaut retirer une large part —75% au moins— de ces gains et considérer le reste comme du capital-jeu.
Source: Full Sentimental