La fin d'une année, ce n'est pas seulement l'heure des tops divers et variés de toutes les productions du petit écran, c'est aussi l'heure de faire son bilan personnel de ses propres programmations. Après 2009 et une téléphagie quelque peu moribonde ou "en crise", je termine 2010 avec plus de certitudes. Ces derniers mois auront été à la fois l'occasion d'une renaissance grisante, riche en nouvelles découvertes, et une confirmation que certains cycles se sont bel et bien achevés et sont désormais derrière moi.
La téléphagie est ainsi faite avec ses passades, ses coups de coeur, ses illusions et ses déceptions... Pour ce 31 décembre, voici donc une réflexion plus personnelle et introspective, dans la lignée des précédents billets du genre, de la crise de foi téléphagique de fin 2009 à la question existentielle une crise, quelle crise ? de la mi-saison 2010. Dans cette optique, les captures d'écran du générique d'Episodes m'ont semblé on ne peut plus appropriées. Sauf que mon esprit de contradiction aidant, elles vont logiquement défiler à l'envers (et on va passer par l'océan Pacifique !).
Les balades téléphagiques de l'année 2010 : entre rupture, surprise et confirmation
En fait, je crois que la vraie rupture de 2010, cela aura été le fait que, contrairement aux deux années précédentes, j'ai cessé de m'entêter dans mes schémas traditionnels à écumer vainement les productions d'outre-Atlantique. J'ai préféré consacrer mon temps à d'autres petits écrans. J'ai bien tenté d'identifier les causes de ce désamour, mais aucun argument ne me paraît vraiment convaincant : les problèmes qualitatifs, les thématiques traitées, le format marathon interminable... Certes, il y a sans doute une part de lassitude dans tout cela. La conséquence d'une téléphagie compulsive depuis plus d'une décennie se perçoit lorsque le carcan d'une seule culture télévisuelle devient étouffant, où la reproduction des mêmes recettes, des mêmes schémas, finit par perdre tout charme pour adopter un parfum mécanique. Mais les raisons de cette fin de cycle sont à mon avis ailleurs.
Non, la télévision américaine n'a pas perdu en quelques années tout son attrait. Certes la rentrée de septembre n'a pas tenu ses promesses. Les grilles des grands networks US peuvent nourrir certaines insatisfactions. Mais le problème, ce n'est pas ce serpent de mer de la supposée fin de "l'âge d'or des séries US". Ce qui a changé, ce n'est pas le petit écran américain, c'est tout simplement moi. J'ai continué de grandir et mes goûts d'évoluer.
Non, je n'ai pas découvert de Graal téléphagique ailleurs. Je n'ai même pas effectué le tri qualitatif tant espéré au sein de mes séries dans une passion toujours trop chronophage. Je n'ai pas trouvé de télévision plus intéressante dans l'absolu. Ce n'est pas non plus une simple question de curiosité désintéressée qui me conduirait à vouloir multiplier les expériences sériephiles à travers le monde. Soyons franc, la curiosité internationale, c'est un moteur qui joue seulement à la marge dans mes programmes. Elle offre une mise en perspective salvatrice et rafraîchissante, mais elle n'est jamais une fin en soi. Elle intervient quand j'entrouvre les frontières de la Nouvelle-Zélande, de Hong Kong ou de Taïwan. Elle est aussi instigatrice : c'est sans doute elle qui m'a conduite un jour en Corée du Sud, ou qui m'a permis d'avoir des coups de coeur pour les pilotes de séries 30 ans après leur diffusion d'origine.
Seulement, je reste aussi une passionnée naturellement casanière, qui aime savoir et comprendre l'univers téléphagique dont je pousse la porte. Le tout est de trouver le bon équilibre. Ma téléphagie en 2010 est à l'image de la ligne éditoriale de ce blog. Les instruments et ressorts pour vivre cette passion sont toujours là, mais l'équation d'ensemble a considérablement évolué. Aujourd'hui, j'ai d'autres attentes. Je recherche quelque chose de différent par rapport à la manière dont j'ai pu nourrir cette passion au cours de la décennie précédente. Ne réduisez pas cela à un simple "besoin d'exotisme". Il y a quelque chose de plus structurel derrière, un désir de grille de lecture différente, de constructions narratives qui ne vont pas engendrer les mêmes ressentis, les mêmes saveurs. Ca n'a pas de sens de les placer en confrontation tout simplement parce que derrière ces termes génériques de "séries" ou de "divertissement", ce sont des codes différents qui sont à l'oeuvre. Les grilles de lecture de chacune de ces productions ne peuvent se superposer.
2010 aura donc été internationale, pleine de voyages téléphagiques. Pour autant, la téléphage casanière que je suis aura trouvé plus particulièrement ses marques dans deux pays. Sur ce point, s'il y a du classique prévisible, j'avoue que mes goûts conservent encore une bonne part de mystère. Même pour moi.
La surprise : La téléphagie, ça évolue quand même sur des voies bien impénétrables...
Si on peut admettre facilement le désintérêt relatif pour la production américaine, ou encore le renforcement logique d'une anglophilie qui n'a fait que croître depuis 2002 (date de mon dernier été anglais), en revanche, il reste une bien étrange énigme : comment ai-je fait pour atterrir en Corée du Sud ? Quels atomes crochus pouvais-je avoir avec cette production particulière ?
Honnêtement, a priori, nous n'étions pas faits pour nous rencontrer. Parmi mes récurrentes allergies téléphagiques déclarées, on trouve tout d'abord une détestation traditionnelle toute particulière des histoires d'amour. Je n'aime pas non plus vraiment les comédies. Et le mélange des deux genres me fait normalement fuir le petit comme le grand écran. De plus, je raffole de dialogues écrits à 100 à l'heure et de pitch minutieusement finalisés. Bref, des affinités qui seraient plutôt à l'opposé des principales caractéristiques des k-dramas. Je dis toujours pour caricaturer que ces derniers m'ont permis de découvrir que j'avais un coeur, et même des instincts "fleur bleue" qu'aucune série américaine n'avait jamais réveillés. Ce n'est pas si éloigné de la réalité. Les séries sud-coréennes que je chéris touchent en moi une sensibilité qui n'avait jamais jusqu'à présent été sollicitée.
Pour tout vous dire, la première fois que j'ai découvert la télévision sud-coréenne, c'était lors de mon cycle japonais. Un été, il y a quelques années. Le premier k-drama que j'ai lancé, je m'en souviens comme si c'était hier, il venait de sortir, il s'agissait de A love to kill. Et vous savez quoi ? J'ai détesté. Comme rarement. Je ne vous parle pas seulement de la qualité de la vidéo très médiocre des épisodes sur lesquels j'avais mis la main. Il y avait la langue aux sonorités beaucoup plus confuses pour mes oreilles que le japonais, conséquence de quoi le courant ne passait pas vraiment avec les acteurs... Mais surtout, il y eut le coeur du problème : le scénario et sa construction complètement illogique pour mon cerveau de téléphage occidentale. Avec le recul, ça me fait sourire, mais c'est bien simple, je n'ai absolument rien compris aux trois premiers épisodes que j'ai eu la patience de regarder. Le synopsis que j'avais sous les yeux était le seul élément tangible me permettant d'appréhender l'histoire. Et honnêtement, on aurait pu me raconter n'importe quoi, le rapport entre le résumé et le premier épisode semblait relever d'une dimension ésotérique. Un jour, il faudra sans doute que j'y rejette un oeil, juste pour voir comment ma perception a évolué. Je crois qu'on y trouvait pourtant un certain nombre d'élément narratifs classiques : cette habitude de commencer par une navigation entre flashforward et/ou flashback, l'amour impossible, le drame, une façon particulièrement alambiquée de poser les enjeux, etc.
Il n'y eut donc pas ce vertige de la nouveauté face à un nouvel horizon téléphagique. Si je m'offris quelques incursions dans la péninsule du Matin Calme dans les années qui suivirent, si je savais que les k-dramas existaient à portée de clic, cela ne dépassa jamais le stade de la découverte "le temps d'une parenthèse". Et puis... Peut-être ai-je moi-même changé au fil des années. Est arrivée la fin de l'année 2009, et ce blog a été le témoin privilégié de cet étrange bouleversement. Objectivement, j'attribue la responsabilité de tout cela à The Legend et Story of a Man. A un degré moindre, peut-être aussi IRIS et Beethoven Virus. Reste que j'ai alors mis le doigt sur un engrenage inattendu. Cela aurait pu être une lubie passagère, c'est devenu une sorte de coup de foudre à retardement pour une télévision qui semble désormais naturellement installé dans mes moeurs télévisuelles.
Comme tout dans la téléphagie, cela obéit à un cycle. Mais le simple fait que cette année, j'ai suivi naturellement des k-dramas que je jugeais objectivement juste moyens, alors que dans le même temps, je n'éprouvais aucune envie d'attaquer la saison 3 des Sons of Anarchy ou la dernière de Friday Night Lights résume à mon sens parfaitement l'inversion qui s'est opéré dans mon ordre des priorités.
La confirmation : Les voyages, c'est bien. Les voisins, aussi.
Certes, j'ai passé du temps en Corée du Sud. J'ai exploré plus avant le Japon avec des découvertes qui m'ont vraiment très très enthousiasmé (Hagetaka reste pour moi LA révélation de l'année). Je me suis baladée en Asie, en Océanie. Mais le pays où j'ai le plus naturellement pris mes quartiers n'est pas à l'autre bout du monde. Il n'est même pas sur un autre continent. Car si son cousin américain m'a lassé, le petit écran anglais continue, lui, d'exercer sur moi une fascination non démentie. En ayant de mettre en retrait les séries venues d'Outre-Atlantique, 2010 aura été une année de consécration pour la télévision britannique : j'ai enfin pu la placer tout en haut de mes priorités, après avoir passé les 5/6 dernières années à tergiverser.
Et elle aura été à la hauteur. Pensez que c'est une télévision qui vous propose des nouveautés brillantes comme Downton Abbey et Sherlock, une dose de science-fiction avec Doctor Who, du fantastique prenant et diversifié avec Going Postal ou Misfits, des comédies sympatiques comme Rev ou Whites, des polars stylés comme Luther, des legal dramas historiques comme Garrow's Law, des fictions chaleureuses et inclassables comme The Indian Doctor, le tout saupoudré de mini-séries plus ou moins abouties, mais qui réservent parfois de plaisantes surprises et dans lesquelles on s'investit facilement pour une poignée d'épisodes... Et bien, voilà bien le petit écran occidental que j'ai envie de suivre !
Les séries britanniques ont un style qui leur est propre. Je ne saurais trop précisément le caractériser. Il est difficile de généraliser, mais on y croise souvent une écriture plus directe, un style plus brut. L'exercice de comparaison que permet le simple visionnage de la bande-annonce du remake de Shameless, qui débute dans quelques jours sur Showtime, est suffisamment représentatif : il y a quelque chose de moins alambiqué, moins consensuel, de plus vrai et déglingué dans l'original. Au final, c'est sur une impression diffuse de proximité mêlée d'authenticité que nous laisse cette télévision.
Ainsi, après avoir un peu déserté mon petit écran - notamment un semestre de 2009 de quasi-sevrage -, j'ai retrouvé cette année un équilibre téléphagique. J'ai non seulement de longues listes de programmes que j'ai envie de découvrir, mais j'ai aussi désormais la certitude que je n'ai plus "besoin" des Etats-Unis pour continuer à vivre ma sériephilie pleinement... Par sa dimension internationale, par sa diversité, mais aussi par les rencontres et les échanges qu'elle aura permis au sein de cette vaste et si diversifiée communauté de passionnés sériephiles, c'est plus de perspective et de recul face au petit écran que 2010 m'aura apporté.
En résumé, je termine l'année sur une note d'optimisme... En espérant que 2011 poursuive sur cette voie !