Le dernier numéro de L'Hebdo de l'année 2010, un numéro double, spécial, grand format, est l'exemple typique du média de gauche qui ne se positionne en politique intérieure suisse que par rapport à l'UDC, obligée de tenir Congrès en plein air, faute de salle, en Pays de Vaud [la photo provient d'ici]. Que deviendrait le magazine bien-pensant sans elle ?
A tout seigneur tout honneur, dans son éditorial ici, Alain Jeannet cite deux fois le plus grand parti politique suisse.
Il se demande d'abord, faussement naïf :
"La question musulmane marquera-t-elle les prochaines élections fédérales ? L'UDC va-t-elle, en 2011, surfer sur la vague antiminarets ? Et lancer, par exemple, une initiative pour l'interdiction de la burka ?"
A propos de l'arrivée en 2011 de Roger de Weck à la tête de la SSR [la Société suisse de radiodiffusion et de télévision, étatique], qu'il considère comme un "journaliste talentueux", il écrit :
"Il lui faudra à la fois piloter la convergence des radios et des télévisions, réaffirmer le rôle du service public et expliquer aux sceptiques en quoi cette institution reste un ciment essentiel de la maison helvétique. Tout ça, en année électorale, sous le feu des scuds de l'UDC, qui voit en cet Européen convaincu l'ennemi à abattre."
L'Hebdo publie un sondage ici, réalisé par MIS Trend, sur le thème "En 2011, à quoi rêvent les Suisses ?". 11 questions sont posées, qui ne sont pas sans rappeler par leur incongruité les "Tu préfères" de Pierre Palmade et Gérard Darmon. La 10ème question - sur 11 questions ! - est relative à l'UDC :
"Rêvez-vous pour 2011 à une Suisse avec...
... moins d'étrangers ? 30,6%
... moins d'UDC ? 49,5%"
Le commentaire de Christophe Passer se passe de ... commentaires :
"On ne peut que constater le score étonnant obtenu par le "moins d'étrangers" : il n'est en effet pas question ici d'étrangers délinquants, clandestins ou mal intégrés, mais juste d'étrangers."
Pour le journaliste il s'agit d'une "xénophobie molle infusée depuis des années dans la population par les répétitives logiques de moutons noirs, même si ça ne passe pas partout : la moitié des Suisses, presque les deux tiers des jeunes et des Romands rejettent l'UDC, ce qui constitue un score plutôt haut."
Rejet qu'on ne retrouve pas tout à fait dans les votations gagnées par l'UDC...
En fait, à questions idiotes, réponses idiotes.
Le même Christophe Passer est l'auteur d'un article intitulé "Roger de Weck - Un courage pour la Suisse" ici. Dans cet article le journaliste est la voix de son maître Alain Jeannet. A propos de la nomination de Roger de Weck à la tête de la SSR, il fait cet amalgame :
"Cette nomination d'un grand éditorialiste parfaitement bilingue fut accueillie comme une heureuse surprise par beaucoup, sauf du côté de l'UDC, où l'on se méfie de l'homme d'esprit et de l'européen."
Il s'agit d'instiller l'idée qu'à l'UDC on se méfie des gens d'esprit tout autant que des européistes...
Bis repetita placent. Plus loin, à propos justement de l'européisme de Roger de Weck, il écrit encore :
"Un attachement continental sincère, qui construit aujourd'hui encore la détestation hargneuse qu'ont pour lui les ténors UDC."
A L'Hebdo il est tabou de critiquer l'européisme... Vous aurez noté l'opposition polémique entre "attachement sincère" et "détestation hargneuse", entre gentil et méchants en quelque sorte.
Dans un article sur l'entreprise, l'éducation, la famille ici, Sylvain Menétrey se fait le chantre du "soft management" qu'il oppose à l'autoritarisme. C'est l'occasion pour lui de donner au passage un petit coup de patte à l'UDC :
"L'autoritarisme est devenu ringard, quoi qu'en disent les partisans du tour de vis à l'école et ailleurs, comme l'UDC ou Nicolas Sarkozy."
C'est confondre allègrement autorité et autoritarisme... Tout en nuances...
Terminons par la chronique de Chantal Tauxe sur "Le crépuscule des miliciens" ici. Celle qui voudrait bien "laisser l'UDC à son conservatisme castrateur" en fait un éloge qui se veut assassin. Elle reprend les arguments éculés, et faux, de l'argent et du professionalisme, ce qui permet d'éviter de reconnaître qu'une grande partie de la population vote pour l'Union démocratique du Centre surtout, et avant tout, parce qu'elle la voit et la sait proche de ses réelles préoccupations :
"C'est désormais un passage obligé aux lendemains des votations gagnées par l'UDC, que de dénoncer la disparité des moyens qui ont déterminé le résultat. L'UDC dispose de plus d'argent. L'UDC mène campagne de manière plus professionnelle [...]. L'UDC est professionnelle. Les autres partis, fidèles à la tradition suisse, ne le sont pas."
Comme on le voit l'UDC est la cible préférée de l'hebdomadaire de gauche qui ne rêve que d'une chose : que le centre droit fasse alliance avec la gauche, contre l'UDC.
Le "magazine de référence en Suisse romande" ne se rend pas compte que, ce faisant, il rend surtout le plus grand des services à la dite UDC en lui donnant une importance encore plus grande qu'elle n'a en Suisse romande, qui ne peut que la ravir et qu'elle ne pourrait même pas imaginer dans ses rêves les plus fous...
Francis Richard