Brève: Recours en Conseil d’État (Qué pasa?)

Publié le 30 décembre 2010 par Tnlavie

Dr Jean Canarelli ordre national des médecins

La question est sur toutes les lèvres aujourd’hui;)
Que diable signifient les conclusions du Conseil d’État qui statuait sur les recours en annulation portés d’une part par le SNMB et son président le Docteur Claude Cohen, d’autre part par le Conseil National de l’Ordre des médecins par le Dr Jean Canarelli?
Que se passe-t-il? Dans le plus grand silence, au moment de la trêve des confiseurs où traditionnellement rien ne se passe, l’ordonnance serait-elle annulée? Les communiqués de presse parus aujourd’hui sont pour le moins sybillins!
La réponse est finalement simple, mais mérite d’être explicitée. Remerciements au Dr Jean Canarelli représentant l’ordre des médecins, qui nous a précisé la réalité des choses.
Sur le volet du recours contre l’assouplissement des règles de détention du capital, le Conseil d’État a donné raison aux deux plaignants et annule en conséquence l’article L6223-5 du CSP introduit par l’ordonnance et revient aux règles antérieures de détention du capital qui empêchaient l’investissement de tout acteur dès lors qu’il pouvait y avoir une situation de conflit d’intérêts.

« Art. L. 6223-5. − Ne peuvent détenir directement ou indirectement une fraction du capital social d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale privé :
« 1o Une personne physique ou morale exerçant une profession de santé autorisée à prescrire des examens de biologie médicale, une activité de fournisseur, de distributeur ou de fabricant de dispositif médical ou de dispositif médical de diagnostic in vitro, une entreprise d’assurance et de capitalisation, un organisme de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoire ou facultatif ;
« 2o Une personne physique ou morale qui détient une fraction égale ou supérieure à 10 % du capital social d’une entreprise fournissant, distribuant ou fabriquant des dispositifs médicaux ou des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, d’une entreprise d’assurance et de capitalisation ou d’un organisme de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoire ou facultatif.

Sur le volet du positionnement du COFRAC, le jugement du Conseil d’État positionne le tribunal administratif comme recours après l’avis du COFRAC sur l’accréditation afin de fluidifier les conséquences du retrait ou de la non-obtention de l’accréditation.

Enfin, le Conseil d’État reconnaît la prééminence du code de déontologie et de l’éthique médicale dans les décisions prises par les professionnels de santé sur les autres impératifs qu’ils pourraient être amenés à rencontrer dans leurs structures d’exercice (en clarifiant notamment la notion de devoir d’alerte, considérant que l’alerte relève pour les biologistes médicaux d’un impératif déontologique ayant force de loi).

Les deux plaignants sont déboutés sur les autres points de contestation, mais le jugement rendu par le Conseil d’État clarifie un grand nombre de zones d’ombres soulevées par le texte de l’ordonnance du 13 Janvier 2010 portant réforme de la biologie médicale.
Voici un extrait du jugement:

Considérant, en second lieu, qu’il résulte des travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de l’article 69 de la loi du 21 juillet 2009 que le législateur a entendu refuser d’habiliter le Gouvernement à apporter tout assouplissement aux règles relatives à la détention du capital des sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale ; que le 5° de ce même article habilitant le Gouvernement à prendre toute mesure visant à éviter les conflits d’intérêts ne saurait être interprété comme l’autorisant à réduire, par rapport à l’état du droit antérieur, les interdictions de détention d’une participation au capital social d’une société exploitant un laboratoire ; que les dispositions de l’article L. 6212-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance attaquée, prévoyaient qu’un laboratoire d’analyses de biologie médicale pouvait être ouvert, exploité ou dirigé par (…) 7° Une société d’exercice libéral à responsabilité limitée, une société d’exercice libéral à forme anonyme ou une société d’exercice libéral en commandite par actions dans les conditions prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ; que l’article R. 6212-83 du code de la santé publique, issu du décret du 17 juin 1992 pris pour l’application de la loi du 31 décembre 1990 à laquelle renvoient les dispositions précitées, interdit toute participation directe ou indirecte au capital de ces sociétés à certaines catégories de personnes physiques ou morales, et notamment à une autre profession de santé ainsi qu’aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de droit privé ;

Considérant, d’une part, que l’ordonnance attaquée a implicitement abrogé les dispositions précitées de l’article L. 6212-1 ; que, d’autre part, les dispositions précitées de l’article L. 6223-5, que l’ordonnance a introduit dans le code de la santé publique, ne font pas obstacle à ce que désormais les professionnels de santé qui ne sont pas autorisés à prescrire des examens de biologie médicale, ainsi que les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de droit privé, puissent détenir directement ou indirectement une fraction du capital social d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale; qu’ainsi, les dispositions de l’ordonnance attaquée, rapprochées de celles précédemment en vigueur de l’article L. 6212-1 du code de la santé publique doivent, dès lors, être regardées comme assouplissant les règles encadrant l’actionnariat de ces sociétés en méconnaissance de l’habilitation consentie par le législateur ; que les requérants sont dès lors fondés à demander, dans cette mesure, l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
(….)

D E C I D E :
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Article 1er : L’ordonnance du 13 janvier 2010 est annulée en tant qu’elle n’interdit ni aux professionnels de santé qui ne sont pas autorisés à prescrire des examens de biologie médicale, ni aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de droit privé, de participer directement ou indirectement au capital d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale.
Article 2 : L’Etat versera au CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS et au SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES une somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes du CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS et du SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, au SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES, au Premier ministre, au ministre du travail, de l’emploi et de la santé et à la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Confortant la décision de la cour de justice de l’union européenne rendue le 16 décembre dernier qui statuait sur la nécessité d’ouvrir les capitaux des laboratoires de Biologie Médicale, le conseil d’état statut aujourd’hui sur les règles d’assouplissement de détention du capital qui s’étaient glissées dans l’ordonnance. Serions-nous en train de voir les premiers rayons de lumière filtrer au travers des nuages qui ont obscurci la biologie médicale française ces 5 dernières années? Il se pourrait fort bien que oui.