Il s’est toujours agi d’un sujet sensible. Puis l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing avait, le premier, levé le tabou.
Trois jours après le décès d’Omar Bongo, l’ancien président français avait, sans langue de bois, affirmé que la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1981 avait été financée par le président gabonais: « Moi j’étais président de la République à l’époque », avait-il raconté sur Europe 1. « J’ai appelé Bongo et je lui ai dit : ‘vous soutenez actuellement la campagne de mon concurrent’, alors il y a eu un temps mort que j’entends encore et il m’a dit: ‘Ah, vous le savez’, ce qui était merveilleux. A partir de ce moment-là j’ai rompu mes relations personnelles avec lui« *.
Propos évidemment démentis par Jacques Chirac, alors que ces accusations sont aujourd’hui reprises par le site internet Wikileaks, et par le quotidien espagnol El Pais. Ces informations auraient été communiquées à un ressortissant de l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun par un haut fonctionnaire de la BEAC (Banque des Etats d’Afrique Centrale). Omar Bongo aurait ainsi détourné à la banque dont le siège est situé au Cameroun la bagatelle de 30 millions d’euros pour son enrichissement personnel et celui de ses proches, sans oublier de financer les campagnes de Jacques Chirac mais aussi de Nicolas Sarkozy, et du PS.
L’info est tombée ce matin, et c’est sans surprise que les partis politiques français ont nié en bloc. Sans vouloir porter d’accusation (et en tenant compte de la présomption d’innocence), c’est le contraire qui aurait été étonnant, et même suicidaire. Dominique Paillé, porte-parole de l’UMP, s’est arrêté sur l’usage du conditionnel dans les notes citées pour décrédibiliser ces informations, tandis que le trésorier du PS, Régis Juanico, s’est contenté d’affirmer que seuls des noms du parti de droite étaient cités (la défense par la contre-attaque?). « Nous savons tous précisément qu’Omar Bongo a financé de nombreuses campagnes électorales à droite mais aussi à gauche, parfois, peut-être. On l’a entendu dire. Je crains hélas que cela soit un peu vrai, y compris concernant la gauche », avait quant à lui reconnu le député PS André Vallini*.
Tandis que ces notes révèlent en outre le placement par Philip Andzembe, gouverneur de la BEAC, de 500 millions d’euros au profit d’un placement à haut risque de la Société Générale, impossible de ne pas s’interroger sur l’actualité et la ténacité de la françafrique, que Nicolas Sarkozy avait toutefois prétendu vouloir faire disparaître.
Les secondes sans reportage consacrées par Harry Roselmack à ce sujet sur TF1 me fait penser qu’il est sans doute encore loin, le moment où la politique et les finances de l’Afrique (qui doit « prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu’il n’a jamais existé » dixit le discours de Dakar) bénéficieront d’une clarté salvatrice.