SORTIE sur les écrans le 9 février 2011
Avis : Ballet étourdissant d'une âme torturée en quête de perfection, Black Swan est un film parfait, complexe et vertigineux emmené par une mise en scène monumentale et une actrice aux frontières de la démence. Un chef d'oeuvre absolu, extrême et d'une beauté stupéfiante dont on ne ressort pas indemne. Question très sérieuse : l'un des meilleurs films de 2011 si ce n'est le meilleur, est-il déjà trouvé ?
Un film de Darren Aronofsky est toujours un événement. Black Swan n'échappe donc pas à la règle surtout qu'annoncé depuis longtemps comme un projet mystérieux, le film se faisait attendre. Pourtant, jamais nous n'aurions pensé prendre une telle claque... un tel K.O.
Un peu comme le faisait Nicolas Winding Refn avec son phénoménal Bronson, Black Swan est avant tout un film sur le processus de création, la manière de façonner un corps et un esprit aboutissant à une renaissance qu'elle soit heureuse ou tragique. Tel un parcours initiatique, un chemin de torture physique et mental, l'inspiration tutoie ici l'abnégation, l'auto-mutilation. Plus le film avance, plus Nina, le personnage principal apprend sa passion, sonde ses angoisses et explore son moi intérieur jusqu'au point de non retour. En s'attachant à suivre cette danseuse classique au New-York Ballet, Aronofsky suit au corps un personnage complexe, à multiple facettes. Qu'il s'agisse de la suivre en la filmant de dos parcourir des décors enfilés comme des poupées Russes, lors de scènes de danse enchanteresses, lors d'ébats intimes troublants... jamais la caméra ne quitte celle pour qui ce Black Swan semble être un écrin de luxe taillé sur mesure.
A la fois thriller et drame intimiste entre fascination et répulsion, ce qu'accompli Darren Aronofsky avec ce cinquième long métrage relève du pur génie. Monté comme un opéra hypnotique plongeant d'un rêve aux enfers, un ballet frénétique, le film s'emballe entre séquences divines et cauchemar absolu. Sorte de point de rencontre entre l'intimité d'un The Wrestler et la démence d'un Requiem For A Dream qui lorgnerait vers une crise identitaire à la Mulholland Drive, l'oeuvre de l'ami Darren tutoie le sublime et fini par surpasser l'excellence.
Probablement son meilleur film et son plus abouti (il faudra revoir le long métrage et le laisser mûrir pour s'en assurer), Black Swan multiplie les prouesses techniques, d'acteurs, de thématiques, de trouvailles et de mise en scène pour nous offrir un film parfait. Il n'y a rien à redire. Rien. Tout sonne juste, tout est si brillant, si virtuose qu'on frise l'insolence. Un pur bonheur.
La richesse du long métrage est sidérante. Constance des contrastes entre les symboliques (le noir et le blanc, la pureté et la tentation ténébreuse...) qu'il s'agisse de personnages comme d'éléments de décor ou de réalisation, effets miroirs lourds de sens, parallèle et faux semblants entre l'art et la réalité, ambiguité sexuelle... Darren Aronofsky ne lésine sur aucun détail et ne laisse rien au hasard. Tout a une place, tout joue un rôle si bien que chaque plan devient une source d'analyse. Pas forcément son film le plus accessible certes, mais pouvait-il en être autrement ? Pénétré avec finesse, l'univers du ballet classique est retranscrit avec réalisme et l'autorité parentale comme professorale qui en découle n'en n'est que plus saisissante.
Comme ses précédents long-métrages, le personnage principal est ici en proie a des addictions, des doutes, de sérieuses névroses condamnées par un prisme parental sévère, un mal être conflictuel en désaccord avec un rêve idyllique sans oublier une incapacité à lâcher l'affaire. Une obstination de tous les instants laissant peu à peu la folie s'immiscer dans la tête du personnage comme du spectateur à l'image de cette séquence terrifiante et furieuse de cauchemar voyant Natalie Portman basculer dans la folie comme hantée par ce cygne noir qui la ronge peu à peu.
Orchestré avec une précision minutieuse et une mécanique sans faille, Black Swan s'enchaîne et se vit comme un grand ballet de sens et d'émotions. Moins déchirant et fragile que The Wrestler mais encore plus maîtrisé et impressionnant, Black Swan laisse le souffle coupé.
Le cerveau martelé par la composition diablement lyrique de Clint Mansell qui s'envole littéralement et les yeux emportés par ce déluge surpuissant d'instants divins hypnotiques tiraillés par le cauchemar le plus abominable, c'est finalement cet opéra tant convoité par Nina qui prend forme devant nous au sein d'un New-York fantomatique. Une montée en puissance qui accroche pour ne plus nous lâcher avant de nous emmener au 7ème ciel, nous secouer et nous fracasser au sol avec violence lors d'une séquence finale absolument dantesque.
Mais Black Swan est avant tout un film d'acteurs et surtout d'actrice. Si Vincent Cassel est parfait dans son rôle de chorégraphe ambivalent, que Barbara Hershey horripile volontairement dans son rôle de mère tyrannique, que Wynona Rider effraie en muse has been et que Mila Kunis (surprenante) frappe fort en femme fatale aussi frivole que mystique c'est incontestablement Natalie Portman qui remporte tous les suffrages en ravageant tout sur son passage. Une présence écrasante qui vampirise l'écran et bouffe la concurrence. Tel un pantin désarticulé tour à tour commandé par la grâce ou par les ténèbres, Portman subjugue et déchaîne les enfers. Une performance scotchante et surréaliste qui ravage le coeur et les sens avant de tournoyer dans un ultime déluge de démence lors d'un dernier quart d'heure qui dépasse l'entendement.
Un ballet majestueux, un film passionnant qui magnifie tout ce qu'il dévoile, un sommet de numéros d'acteurs, un très grand moment intense de cinéma dont on ressort aussi secoué que ravi. Black Swan est un chef d'oeuvre instantané qui hante longtemps après la projection et qui fera date.
PHENOMENAL.
En partenariat avec Times Square.fr