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L’art d’écosser les haricots de Wieslaw MYSLIWSKI

Par Lecturissime

 

art d'écosser haricots

♥ ♥ ♥

Un grand roman philosophique

« L’imagination est le terreau de notre existence. » (p. 249)

L’auteur :

Wieslaw Mysliwski est un écrivain majeur de la littérature polonaise qui a reçu par deux fois le prix Nike, la récompense littéraire la plus prestigieuse en Pologne, une fois pour son roman L’horizon (1997) et une autre fois en 2006 pour L’art d’écosser les haricots. Ce roman est le premier traduit en français.

L’histoire :

Le narrateur, vieux gardien d’un village de vacances, reçoit un jour la visite d’un inconnu qui souhaite lui acheter des haricots. Pendant qu’ils écossent ensemble, le maître des lieux raconte, dans une sorte d’improvisation savante, les évènements et les rencontres qui ont marqué sa vie.

Orphelin de guerre et simple électricien sur les chantiers staliniens, musicien autodidacte, saxophoniste dans un groupe de jazz à l’étranger, le héros de cette épopée fait défiler un demi-siècle d’histoire polonaise et européenne.

Ce que j’ai aimé :

-   La dimension philosophique est très présente dans l’oeuvre de cet auteur. Rien n’est certain pour le narrateur, tout est sans cesse soumis à interrogations dans ce monde mouvant qui n’offre aucune certitude. Tout est sujet à philosophie : le monde existe-t-il vraiment ou est-il l’objet de notre imagination ? Quel est le rôle exact du hasard par rapport au destin ?  

-   Le narrateur apparaît comme un héros universel sans identité précise, comme si la guerre avait anéanti en lui toute possibilité de se connaître soi-même.

« C’est vrai que se trouver soi-même n’est pas chose facile. Qui sait si ce n’est pas la plus difficile des tâches que l’homme doit accomplir sur cette terre ? » (p. 275)

Les mots qu’ils prononcent le dessinent au fur et à mesure, il acquiert une identité à travers son récit :

« Est-ce seulement possible de raconter quoi que ce soit ? Les choses racontées ne sont au fond qu’un récit, rien d’autre. Cela n’a strictement aucun rapport avec ce qui a été, qui est, ou qui sera. Elles mènent leur propre vie. Au lieu de se figer à jamais, elles vagabondent, se déploient, s’éloignant de plus en plus de ce qui a été ou de ce qui sera. C’est peut-être leur façon d’atteindre la vérité, qui sait ? (…) Nous vivons dans le récit. Le monde n’est qu’un récit. » (p. 69)

-   Aussi le pouvoir des mots et par extension le pouvoir de l’art sont mis ici en avant. Cet homme simple, paysan, va se construire dans et par l’art. Le pouvoir de l’imagination est immense.

« Les livres, m’avait-il confié un jour, alors que je l’avais rejoint en haut de l’échafaudage, sont le seul moyen pour l’homme de ne pas oublier son humanité. Lui, en tous cas, n’aurait pas pu exister sans livres. Selon lui, les livres, c’était aussi un monde, celui que l’homme se choisit et non celui qui le voit naître. » (p. 152)

« Le passé, ce n’est que notre imagination, et l’imagination a besoin de nostalgie, elle s’en nourrit. (…) Et pour en revenir au passé, il est toujours là puisque nous le recréons indéfiniment. C’est notre imagination qui le crée, c’est elle qui fonde notre mémoire, lui donne ses marques, lui dicte ses choix, et non pas l’inverse. L’imagination est le terreau de notre existence. La mémoire n’est qu’une fonction de l’imagination. » (p. 249)

Ce que j’ai moins aimé :

-   Pas très gai…

Premières phrases :

« Vous êtes venu acheter des haricots ? Chez moi ? Alors qu’on en trouve dans n’importe quel magasin. Mais entrez, je vous en prie. Vous avez peur des chiens ? Il ne faut pas. Ils vont juste vous renifler. C’est parce que vous venez pour la première fois. Non, ce n’est pas moi qui leur ai appris. Ils font ça naturellement. Allez savoir pourquoi. Un chien, c’est insondable, comme un homme. Vous avez un chien ? Vous devriez. On peut beaucoup apprendre d’un chien. Assis, Rex ! Assis Laps ! Ca suffit. »

Je remercie les Editions Actes Sud pour cette belle plongée introspective.

L’art d’écosser les haricots, Wieslaw MYSLIWSKI, Traduit du polonais par Margot CARLIER, Actes Sud, novembre 2010, 383 p., 23.80 euros

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