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RCI : échanger du temps contre le temps

Publié le 29 décembre 2010 par Egea

On ne peut qu'être frappé par la sorte de course de lenteur qui se déroule en Côte d'Ivoire. Essayons donc une analyse stratégique, qui vienne compléter ce que j'en ai déjà dit, et les billets de l'ami Romain (ici et ici), actuellement en reportage par là-bas.

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Pour cela, utilisons les trois facteurs d'un calcul stratégique.

1/ Dans une manœuvre, le stratège échange couramment contre l'adversaire des facteurs dont il dispose pour en obtenir d'autres qu'il n'a pas. L'opératique serait alors la combinaison de ces échanges. Les facteurs sont : les forces, le temps, l'espace.

2/ L'espace : Les choses sont assez simples : Gbagbo tient Abidjan et le pays cacaoyer, Ouattara tient le reste. Par rapport à la démarcation qui a séparé la Cote d'Ivoire depuis huit ans, on constate que la région de San Pedro a voté ADO : mais elle est enclavée, et LG doit logiquement la contrôler. Il a donc toute la RCI économique. ADO n'existe pas au sud (Blé Goudé parle drôlement de République hôtelière du golf) mais tient les bastions du nord et, plus important, il a de solides appuis à Yamoussoukro, qui est la capitale politique du pays, mais aussi symbolique. Il reste que l'administration y reste encore fidèle à LG. Il y a donc une sorte d'égalité, plutôt à l'avantage de L. Gbagbo.

3/ L'espace, bis. Il reste qu'il n'y a pas que le pays. Et là, l'avantage est clairement à Ouatarra. Ce n'est pas seulement l'Occident qui soutient ADO, ce n'est pas seulement "la communauté internationale" symbolisée par les Nations-Unies (Russie et Chine se sont joint au consensus), c'est surtout l'Afrique qui est derrière Ouatarra. Là est la nouveauté, et LG a beau dénoncer un complot international animé par la France et les États-Unis, le plus surprenant dans l'affaire est l'unanimité africaine. Il y a quelque chose de vraiment changé sur le continent. Et LG paraît très bloqué dans son pays (interdictions de visas, blocage de l'avion présidentiel, ...). Avantage ADO.

4/ Les forces : pour l'instant, LG tient les forces régulières, et il a de plus un certain nombre de mercenaires. ADO ne dispose que des Forces Nouvelles du nord, et il est probable qu'une partie de la troupe se rallierait à lui sans problème. L'avantage est donc clairement à LG. Même si Outarra peut espérer se renforcer dans la durée : soit en réarmant les FN, soit en bénéficiant d'une éventuelle force ouest-africaine, à supposer que celle-ci se réunisse, ce qui prendra plusieurs semaines. Au moins peut-il espérer prendre Yamoussoukro, pour marquer symboliquement son emprise : mais ce serait annoncer les hostilités, et ADO ne veut pas être celui qui les déclenche. Pour l'instant, du moins.

5/ Mais les forces, ce ne sont pas seulement les armes, c'est aussi l'argent. De ce point de vue-là, l'ancien directeur adjoint du FMI a de puissants réseaux. Et la décision de la BCEAO d'accorder la signature à ADO lui donne un incontestable avantage. Certes, Gbagbo a des revenus cachés : cela suffira-t-il à tenir dans la durée ? Oui, si les exportations reprennent leur cours.

6/ Vola donc nos deux acteurs essayant de bouger le troisième facteur. Gbagbo se dit que comme à l'habitude, la réalité du pouvoir prévaudra. Qu'il lui suffit de tenir pour que, de guerre lasse, la Real-Politik prenne le dessus et qu'on normalise sa situation dans la durée, de guerre lasse. Bref, en ne commettant pas l'irréparable, en échangeant du temps, il compte regagner des forces et de l'espace.

7/ ADO a toujours joué le temps, depuis le début, et ça ne lui a ps mal réussi. Grâce au temps, en ne commettant pas l'irréparable, c'est-à-dire une guerre civile qui serait aujourd'hui à son désavantage, il renforce sa position extérieure et opère un lent basculement des forces (armées et financières) et, ensuite, de l'espace (unanimité extérieure désormais acquise, en espérant retrouver la souveraineté sur l'ensemble du territoire ivoirien). Bref, il échange du temps contre des forces et de l'espace, lui aussi.

8/ Les deux protagonistes ont donc la même stratégie : ils échangent du temps contre d'autres facteurs. Cela durera jusqu'à ce que l'un des deux se rende compte qu'il est en train de trop céder : alors, il rompra l'équilibre en faisant jouer un des deux autres facteurs.

C'est pour l'instant encore un jeu de patience....

O. Kempf


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