De Mona Chollet, Olivier Cyran , Sébastien Fontenelle,& Mathias Reymond
Pocket (octobre 2010)
211 pages
Publié initialement par Les Editions La Découverte (2009)
Résumé
Vous les connaissez bien. Ils vous sont familiers. Ils livrent une chronique chaque matin sur une antenne de radio ; ils signent tous les jours un éditorial dans la presse écrite ; ils occupent
les plateaux des grandes - et petites - chaînes de télévision ; chaque année leurs nouveaux livres envahissent les librairies.
« Ils », ce sont les « éditocrates ». Experts en rien, ils ont des choses à dire sur (presque) tout et livrent à l'auditeur-lecteur-télespectateur-citoyen leurs commentaires creux ou délirants
sur le monde comme il va et comme il devrait aller. Sentencieux, ils racontent (à peu près) tous la même chose dans (quasiment) tous les domaines : vie politique, crise économique, problèmes de
société, questions internationales, etc. Pontifiants, ils répètent à tout bout de champ qu'ils sont « politiquement incorrects », mais sont les plus illustres représentants du conformisme
intellectuel.
À travers des portraits drôles et corrosifs, ce livre dévoile l'imposture de ces professionnels de la pensée-minute.
Les auteurs (source Wikipédia)
Mona Chollet, née à Genève en 1973, est une journaliste et essayiste suisse.Journaliste (Le Monde diplomatique), elle anime également le site de critique culturelle « Périphéries
».
Olivier Muller-Cyran, plus connu sous le nom d'Olivier Cyran est un journaliste indépendant allemand vivant en France.Il travaille pour divers journaux tels que Le Plan B, CQFD
et la critique des médias Acrimed. Olivier Cyran est aujourd'hui l'une des principales voix de la presse écrite indépendante en France
Sébastien Fontenelle est un journaliste et auteur français.Il écrit chaque semaine une tribune intitulée « De bonne humeur » dans Politis et, chaque mois, dans CQFD, une
chronique intitulé « Rage dedans ». Il tient également un blog hébergé sur le site de Politis et intitulé « Vive le feu »[1]. En outre il contribue au collectif Les mots sont importants.
Mathias Reymond est maïtre de conférences en sciences économiques
Mon avis
Prenez les armures , ça tire à boulets rouges...
Bon, j'avoue que lorsque j'ai choisi ce livre, j'aurais peut-être dû lire un peu plus attentivement le synopsis car je m'attendais à une sorte de manuel donnant des trucs et astuces pour parler
de tout en racontant n'importe quoi, (ce qui aurait pu m'être utile pour écrire certains billets......Booh, la vilaine)
Que nenni, ici quatre journalistes (les auteurs) démontent les discours de 10 de leurs confrères , ces éditocrates ou ces "professionnels de l’opinion" omniprésents dans les médias à travers
éditos, chroniques et autres tribunes, spécialisés dans le "comment parler de presque tout, en racontant vraiment n’importe quoi".
Sébastien Fontenelle passe au crible les discours de Bernard- Henri Levy, Alexandre Adler, Laurent Joffrin, Nicolas Baverez, et Ivan Rioufol..Pour Olivier Curan, deux cibles: Alain Duhamel et
Christophe Barbier. Mathias Reymond, quant à lui , s'en prend à Jacques Attali et Mona Chollet à Phillippe Val (je ne vais pas reprendre les CV de chacun ici mais vous les trouverez sur
Wikipedia)
Certes, le discours est argumenté, avec de nombreuses références à l'appui, la plume des auteurs est caustique à souhait (en particulier celle de Sébastien Fontenelle, qui signe la moitié de ces
portraits), .
Mais je me suis vite lassée de cet exercice et me demande si il n'y a pas une petite pointe de jalousie derrière tout ça .De plus, je pense que si les éditocrates cités envahissent tant nos
petits écrans, c'est aussi qu'on les invite à le faire. Et que leurs propos (qui se rejoignent souvent , comme par exemple, leur prise de position en faveur d'Israël, pour un bon nombre d'entre
eux), participe au "prêt à penser" délivré par les médias.Hors cet aspect là n'est pas abordé dans ce livre et c'est dommage.
Extrait (introduction par Sébastien Fontenelle , qu'on peut trouver également sur le site d'Acrimed 'Action Critique Média, ls site d'observation des
Médias"
"Les fabricants du consentement : voyage en éditocratie
Les éditocrates font partie de nos vies. Ils sont un élément familier de notre environnement quotidien, comme les placards publicitaires sur les murs de nos
rues, ou les platanes au bord de nos routes. Avec, cependant, cette différence de fond que les affiches et les platanes ne parlent pas. Les éditocrates, si.
Ils parlent même tout le temps, du matin au soir, du soir au matin, du lundi au dimanche. Et partout : dans la presse écrite, à la télévision, à la radio, sur
Internet. Ils ne se taisent jamais : c’est à cela, aussi, qu’on les reconnaît. Quiconque a fait le pari un peu fou de traverser toute une semaine sans se cogner sur Jacques Attali ou
Bernard-Henri Lévy à tous les coins de médias sait, pour avoir fait là l’amère expérience de l’échec, qu’un tel défi est impossible à relever.
Ils font partie du paysage, et certains sont là depuis très, très, très longtemps : on est pris de vertige, quand on réalise que l’homme n’avait pas encore
marché sur la lune quand Alain Duhamel a écrit sa première chronique, en… 1963.
Loin – très loin – des contingences des petites mains du journalisme, les éditocrates se sont érigés en crème de l’aristocratie médiatique, en élite au sein de
l’élite, soigneusement cadenassée. Où l’on n’entre que par cooptation, après avoir montré patte blanche. Après s’être coulé dans le moule d’une complète adhésion aux dogmes de l’époque. Après
avoir pieusement psalmodié, parmi d’autres mantras, qu’il n’y a aucune alternative à la loi absolue du marché - celle du renard libre dans le poulailler de la concurrence « libre et non faussée
»…
Car on ne naît pas éditocrate. On le devient à force d’application, au prix de l’abandon de toute velléité de penser par soi-même et d’une soumission absolue à
l’air du temps. L’itinéraire d’un Philippe Val, passé en quelques années de la direction de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, où il moquait avec délectation les « amis de Bernard-Henri »
(Lévy), à celle de France Inter, où il se compte au nombre des bons amis de « Bernard-Henri », est à cet égard exemplaire.
Omniscients, les éditocrates ont un avis sur tout (et l’obsession de le faire partager au plus grand nombre). Ils peuvent, avec la même assurance, disserter un
jour de la crise financière – péripétie incontestablement regrettable, mais qui ne saurait au fond remettre en question l’excellence du modèle capitaliste –, puis le jour d’après de la
disparition de Michael Jackson ou de l’urgente nécessité d’économiser l’eau du robinet, puis encore, le surlendemain, de la guerre d’Afghanistan – d’où les troupes d’occupation de l’OTAN ne
sauraient se retirer sans exposer l’Occident à de pénibles périls.
Interchangeables, les éditocrates parlent surtout d’une seule et même voix, pour dire tous (presque) la même chose. Et pour cause : par-delà d’éventuelles
nuances dans l’expression de leurs opinions – question de forme –, ils sont, au fond, d’accord sur (presque) tout, dans un unanimisme qui transcende les appartenances politiques. Quand l’un,
Laurent Joffrin (de Libération), dénonce par exemple l’« État obèse », un autre, Ivan Rioufol (du Figaro), prétendument calé à l’autre extrémité de l’échiquier politique, fustige quant à lui l’«
État-mamma ». En vrac, ils stigmatisent le « modèle social français » (évidemment) coûteux et inefficace, les « privilèges » de toutes sortes (surtout ceux des fonctionnaires) - et gémissent, dès
que sa population met un bout d’orteil dans la rue, que la France, rongée par d’ancestrales passions révolutionnaires, est « impossible à réformer ».
Ils se répondent, dans un même chœur, pour déplorer des entraves à l’esprit de libre entreprise qui n’existent que dans leurs imaginations.
Et ainsi de suite : quand l’un, Nicolas Baverez, qui a conseillé Nicolas Sarkozy, observe, choqué, que le Parti socialiste français « n’a pas fait son Bad
Godesberg [3] », un autre, Bernard-Henri Lévy, qui a conseillé Ségolène Royal, déclame, comme en écho, qu’il faut pour le Parti socialiste français, « plutôt vite que tard, […] un vrai Bad
Godesberg, un Bad Godesberg bien solennel [4] ».
Et tous de tomber d’accord, à l’heure où le chef de l’État français – Nicolas Sarkozy, tel qu’en lui-même - juge qu’il y a tout de même « trop de musulmans en
Europe [5] », pour considérer que l’islam pose en effet de sérieux problèmes à l’Occident. Ce qui leur donne souvent l’occasion de tirer la « sonnette d’alarme » et de clamer à tout bout de champ
que « la République est menacée par le communautarisme ». Frissons garantis…
Bien évidemment : les éditocrates s’érigent en prétendus « briseurs de tabous », en courageux pourfendeurs du « politiquement correct » et de la « pensée unique
», alors même qu’ils sont les plus éminents représentants du conformisme intellectuel et politique le plus étroit.
De fait, par une permanente réinterprétation des mêmes psaumes, par la récitation, jour après jour, des mêmes vraies-fausses évidences, par le développement
obsessif des mêmes clichés mensongers, ils fabriquent, en permanence, du consentement [6] : ils entretiennent un public captif dans la résignation, dans l’acceptation passive d’un système où le
salarié ne trouve pas forcément son compte, mais dont eux-mêmes n’ont, certes, guère à se plaindre.
Pour ce faire, ils biaisent continuellement la réalité, la tordent et la contrefont au besoin, pour mieux la faire entrer dans leur cadre idéologique : les
éditocrates tiennent le fait vrai pour quantité négligeable. Mais ils sont leurs propres arbitres et jouissent par conséquent d’une totale impunité. Ils peuvent donc, très librement, raconter
n’importe quoi, se ridiculiser même, lorsque, découvrant soudain les menus travers du capitalisme financier, ils font mine de brûler – à très petit feu, il est vrai – ce qu’ils ont toujours adoré
: jamais cela ne les disqualifie. Puis ils ont pour eux cet atout, qui les protège des affres du doute : ils ne connaissent pas la honte. De sorte qu’ils continuent à « donner le la » du
prêt-à-penser médiatique."