Synopsis :
Quand Julia apprend la mort soudaine de sa soeur Sara, tout semble clairement indiquer qu’elle s’est suicidée. Mais Julia n’arrive pas à accepter cette version des faits et commence à passer au crible les événements qui ont eu lieu les derniers mois avant le drame. La découverte d’éléments déconcertants, en désaccord avec la personnalité de Sara, et sa rupture de contacts avec son entourage, ne font que nourrir les soupçons de Julia quant aux circonstances réelles du décès. Décidée à résoudre l’énigme de cette ultime période, Julia devient l’objet d’une singulière menace qu’aucune autre personne autour d’elle, y compris son mari Isaac, ne semble percevoir, alors même que la maladie dégénérescente dont elle souffre prend le dessus, la plongeant petit à petit dans l’obscurité. La compréhension et l’amour d’Isaac avaient jusqu’alors eu raison des attaques de cécité de Julia, mais une série d’incidents inquiétants, et toujours plus violents, menacent son équilibre, l’enfermant inexorablement dans le monde des ténèbres, à la merci de la présence terriffiante qui s’y terre...
Critique :
Il faut bien admettre que le cinéma d’horreur Espagnol est ce qui se fait de plus intéressant et de plus original dans le genre, tant dans les histoires racontées que dans le traitement artistique qui en est fait. On se souvient sans mal du premier REC, véritable électrochoc produit avec de faibles moyens ou plus récemment de l’Orphelinat de Juan Antonio Bayona, film d’ambiance plus que film d’horreur à l’efficacité surprenante et au traitement visuel somptueux.
Alors forcément, lorsqu’une nouvelle production Del Toro, par la même équipe y compris l’actrice principale qui nous avaient offert le magnifique L’orphelinat, impossible pour nous de ne pas aller voir le prometteur « Les yeux de Julia ». Et, s’il faut reconnaître une qualité de fabrication et d’interprétation indéniable, le film s’avère légèrement décevant au regard des attentes que nous étions en droit d’avoir.
Comme dans L’orphelinat, les auteurs du film de genre Espagnol aiment mêler réaliste et paranormal, jouant de fausses pistes entre les deux pour que le spectateur ne sache jamais quel choix faire avant la révélation finale. Fantômes ? Paranoïa ? Un peu des deux ? C’est ce questionnement incessant et l’envie de connaître le dénouement qui fait la grande force du film, captivant le spectateur au point même de le frustrer à de nombreuses reprises.
Cette ambiguïté trouve son sens dans le handicap du personnage principal, une cécité oculaire progressive, s’aggravant à chaque pic de stress ou montée d’adrénaline.
Cette perte continue de la vue alors qu’elle cherche à lever le mystère sur l’étrange suicide de sa sœur jumelle est donc l’occasion pour le réalisateur d’introduire une zone de flou intéressante, naissant de la perte des repères de Julia et de l’introduction de personnages secondaires dont les véritables motivations restent inconnues. Malheureusement, s’il s’agit de la partie la plus intéressante, c’est également la moins cohérente par rapport au reste du récit. Privilégiant le ressenti grâce à des actions situées hors champs, il détruit seul son ambiance en affichant des morts violentes l’espace de quelques scènes, tombant comme un couperet comme pour se rassurer que nous sommes bien dans un film d’horreur. Ce retour à la facilité (qui fait mine de rien son effet) cache en réalité un mal plus profond qui gangrène le film, un manque un peu trop criant d’avancée scénaristique. Le spectateur se surprendra à devancer à de nombreuses reprises l’histoire finalement assez convenue.
On peut donc mettre en cause un scénario un peu trop minimaliste et roublard, finalement peu développé mais qui tend à nous le faire croire en multipliant les fausses pistes, parfois trop gratuitement (la scène du voisin un tantinet dérangé). Et lorsque vient la révélation finale, on se refuse à admettre « tout ça pour ça », mais l’on y pense très fort.
Rien à dire en revanche sur la réalisation appliquée, cherchant constamment à reproduire visuellement les sensations de cécité vécue par l’héroïne notamment par l’utilisation à bon escient de la vue à la première personne dans un univers alternant dans le gris cendre et le noir absolue. La photographie splendide aux allures désenchantées contribue à cette immersion dans l’univers de Julia qui assombrie au fil des jours.
Le seul bémol provient peut-être de l’utilisation du hors champs un peu trop poussif (relation directe avec un scénario qui traine en longueur) puisque le fait de ne jamais filmer le visage des protagonistes masculins tend à agacer sur la durée.
Impeccable également l’interprétation des acteurs aux physiques loin des canons hollywoodiens auxquels nous sommes habitués mais parfaitement en adéquation avec leur rôle, n’en faisant jamais trop, et qui ne manquent pas de charme.
Les Yeux de Julia est à ranger plus dans le genre thriller que dans le genre horreur. Guillem Morales offre aux spectateurs un film qu’ils ne sont pas venus chercher et c’est peut-être tant mieux. En s’affranchissant des éléments paranormaux, il surprend son public pour mieux se démarquer des précédentes réalisations ibériques mais force est de constater que le film ne va pas tout au bout de sa démarche et retombe à plusieurs reprises dans une démarche classique que l’on aurait souhaité ne pas avoir malgré le final cosmique teinté de poésie.