Observations sur l’instruction envoyée sur la Côte du Rhône pour parvenir à un règlement sur la fabrique des tonneaux et la vente des vins et pour remédier aux abus.
Il faudrait, pour obliger les habitants à ne pas acheter des tonneaux défectueux aux tonneliers qui habitent les montagnes du
Vivarais et sans les avoir fait vérifier, les condamner à 100 sols d’ amende pour chaque tonneau trouvé entre leurs mains piqué des vers ou avec des douelles de chêne du Vivarais, d’ un bois trop
vert ou passé au four, et rendre l’ inspecteur responsable, sauf, aux uns et aux autres, leur recours contre les tonneliers ou ceux qui leur auraient vendu le bois.
L’inspecteur serait nommé par chaque communauté de la Côte du Rhône.
Il ne faut permettre de faire des certificats de jauge qu’ à ceux qui auront prêté serment en justice et fait vérifier le bâton dont-ils se servent sur la matrice conservée dans l’ hôtel de ville
de Roquemaure, de façon que la mesure soit la même pour tous les lieux de la Côte du Rhône.
Il ne sera fait que des tonneaux de 8 et de 4 barraux; mais:
- I° Les tonneliers du Vivarais ne sauraient en fabriquer avec justesse.
- 2° Faute de tonneaux de châtaignier ou pour conserver les marchands, on se sert de tonneaux de chêne qu’on fait descendre de Lyon, quoique beaucoup plus chers, et surtout des demi-pièces appelées Lyonnaises, parce qu’elles sont plus aisées a voiturer et à placer dans les caves de Paris. On ne peut les faire fabriquer de 4 barraux parce que les règlements de Lyon veulent qu’on les fasse de 2 années et demie, ce qui va autour de 5 barraux, et les grands, 5 années, attendu qu’en Bourgogne on vend le vin à queue contenant 5 années. Ce qui fait que les marchands de vin de Bourgogne qui prennent beaucoup de vins de la Côte du Rhône veulent des tonneaux de cette mesure pour les faire passer à l’ étranger, en les vendant à tant la queue.
- 3° Ils ont un autre intérêt à ce que les tonneaux contiennent plus de 8 ou 4 barraux, de même que les marchands de Paris, parce que 2 demi-pièces qui contiennent 10 barraux ne leur coutent pas plus de voiture que si elles n’ en contenaient que 8, à cause des péages et autres droits qui se paient par pièces. Il ne leur en coûte pas davantage pour les reliages, commissions et autres frais, et, comme ceux de la voiture sont le principal objet, puisqu’ elle coute souvent pour Paris 3 ou 4 fois plus que le prix du vin, ils y perdraient beaucoup et le commerce des vins en souffrirait.
- 4° On ne pourrait opposer que l’on pourrait remplir pour Paris ou pour la Bourgogne les demi-pièces de 5 barraux et celles de 4 barraux pour Cette ou Bordeaux; cela ne peut pas être, parce que les marchands n’achètent les vins que lorsque les tonneaux sont pleins, et la destination n’est fixée qu’alors, de sorte que l’habitant ne peut savoir si son vin remontera ou descendra le Rhône.
- 5° Les tonneaux qui se sont vidés dans les caves sont aussitôt défoncés, et, après qu’on les a reliés une autre année, ils se resserrent de plus d’un quart de barral et ne pourraient plus être d’usage.
- 6° Les frais de descente des tonneaux de Lyon ne sont pas plus forts pour les tonneaux de 5 barraux que pour ceux de 4; ils sont de 6 livres pour les grands tonneaux et de 3 pour la demi-pièce.
- 7° Plusieurs marchands de Hollande, Flandres, pays de Liège, etc.…, demandent des tonneaux de 10 et 5 barraux, et c’ est dans tous les pays ou ils se servent des vins de cette Côte pour mêler avec les autres vins, et surtout les Bourguignons qui les achètent pour donner du corps a leurs vins et de la maturité, surtout dans les années de verdeur.
Il est nécessaire qu’ on fasse une différence des bons crus avec les autres, en y mettant une marque a feu comme on fait à
Frontignan. Il est notoire que les bons crus sont Roquemaure, Saint Geniez, Lirac,Tavel, Montfaucon, Orsan, Codolet et Saint Laurent.
Leur qualité s’augmente par le transport et ils sont de très bonne garde; aussi se vendent ils toujours beaucoup au-dessus de ceux des autres lieux voisins dont les vins sont d’une qualité
moindre et ne peuvent supporter le transport.
Cependant, l’ appât du gain les fait vendre souvent pour des vins de bons crus, ce qui est très capable de faire perdre la
réputation de ces derniers et de ruiner les marchands étrangers.
Il faudrait que l’on mit une marque a feu sur le fond de chaque tonneau des paroisses de Roquemaure et autres bons crus précités, qui porterait ces 3 lettres C.D.R. et le
millième.
La personne préposée serait tenue de mettre cette marque dans les caves avant de les sortir et avoir la possibilité de les jauger. Il faudrait défendre de faire porter dans l’ étendue des dites paroisses situées sur le Rhône, depuis Saint Etienne des Sorts jusqu’ a Villeneuve, des tonneaux qui ne seraient pas marqués de la marque particulière contenant le nom du lieu d’où ils viennent, autre que ceux-ci-dessus nommés, de façon que toute personne ait la faculté de saisir, dans les susdites paroisses et sur leur port, les tonneaux qui ne seraient pas marqués comme ci-dessus, ou de la marque de la Côte du Rhône, s’ ils en sont, ou de la marque de chacun des autres lieux dont les vins ne sont pas de la même qualité, à peine de confiscation du vin, des tonneaux, des chevaux et charrettes qui les transporteraient, et d’ une amende applicable, le tiers au dénonciateur, le tiers a l’ hôpital de Roquemaure, et l’ autre tiers aux pauvres de la ville.
L’arrêt porterait défense de contrefaire les marques sous peine de faux.
Les contraventions au règlement seraient jugées par les juges-consuls de Montpellier.