Le premier mercredi asiatique de 2010 ayant été consacré à un bilan d'IRIS, c'est presque logiquement qu'Athena : Goddess of War va conclure l'année... Attendue comme le thriller de cette fin 2010 en Corée du Sud, cette série (à noter que cette étrange fascination pour les mythologies antiques ne semble pas prête de s'arrêter, puisque Poseidon débarquera sur les écrans en 2011) avait bénéficié d'une importante promotion. Spin-off d'un des dramas marquants de 2009, IRIS qui, à défaut d'avoir fait l'unanimité de la critique, avait fédéré une bonne partie du public, se concluant tout juste sous la barre des 40% de part d'audience, la série devait assumer cet héritage, tout en sachant se renouveler suffisamment pour ne pas sembler se contenter d'exploiter un filon s'étant révélé rentable.
En un sens, Athena ne dépareille pas : si IRIS m'avait globalement plu, elle m'avait aussi laissé d'importantes frustrations et certaines insatisfactions jamais corrigées. Les débuts d'Athena aussi explosifs qu'excessivement brouillons semblent reprendre le flambeau des points positifs comme négatifs. Si la série gagne progressivement en intensité - il lui faut quand même trois épisodes pour s'installer -, ces débuts laissent un même arrière-goût d'inachevé qui me fait dire que ce n'est sans doute pas encore pour cette fois que l'on aura un Gaiji Keisatsu coréen pleinement maîtrisé dans sa globalité.
Athena s'inscrit dans le même univers qu'IRIS, se déroulant plusieurs années après cette dernière, mais elle constitue cependant une histoire indépendante, ne partageant pas les mêmes protagonistes à l'exception du président occupant la Maison Bleue et des apparitions prévues en guest-star de Kim So Yeon et de Kim Seung Woo. Il y a donc bien quelques références à sa grande soeur, mais rien qui puisse empêcher de découvrir Athena sans avoir préalablement vu IRIS. Poursuivant dans une relative continuité thématique, elle lui emprunte quand même un enjeu similaire sensible, celui du nucléaire, reprenant le cours du programme nucléaire sud-coréen et des tensions que ce projet peut potentiellement générer vis-à-vis de ses voisins du Nord comme d'autres acteurs de la communauté internationale.
Athena débute sur des évènements qui se sont déroulés au Japon trois ans plus tôt : l'extraction compliquée du professeur Kim, un physicien qui va être une des figures déterminantes de ce programme. Tournant au désastre, les membres de l'équipe officieuse chargée par le gouvernement sud-coréen de rapatrier le scientifique furent alors quasiment tous exterminés, à l'exception du leader, Kwon Yong Gwan, par un mystérieux commando mené par Son Hyuk. Cependant le scientifique put être installé en Corée du Sud. Quelques années plus tard, le programme nucléaire de ce pays est sur le point d'être achevé et le professeur demeure l'objet de toutes les convoitises. Le NTS, service spécialisé du NIS, emploie toutes ses ressources à sa protection. Tandis que Son Hyuk, désormais à la tête de la section Asie de la Homeland Security aux Etats-Unis, fait tout pour empêcher ce projet qui tient à coeur au président sud-coréen d'être finalisé. Il a la surprise de retrouver sur sa route Kwon Yong Gwan qu'il avait épargné lors de leur précédente confrontation. Ce dernier vient d'être récemment nommé chef du NTS et n'en référe désormais directement qu'au président.
Parallèlement, Lee Jung Woo travaille comme agent de terrain au sein du NTS. Il fait par hasard la connaissance de Yoon Hye In lors d'une de ses missions, découvrant a posteriori qu'elle s'occupe de faire visiter le NIS à des classes d'enfants. Ce qu'il ignore, c'est que la jeune femme faisait également partie du commando étant intervenu au Japon, non sous les ordres de Kwon Yong Gwan, mais dans l'équipe de Son Hyuk. Cependant c'est un coup de foudre qu'éprouve Jung Woo en la rencontrant, décidé à mieux la connaître. Dans le même temps, les choses s'accélèrent sur le terrain autour du programme nucléaire sud-coréen. Les Russes, mais aussi les Nord-Coréens, se manifestent. Tandis que Jung Woo remonte la piste de terroristes en lien avec cette affaire, les supérieurs de Son Hyuk le pressent de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les Sud-Coréens d'achever leur programme. Tout cela les conduit dans une petite ville d'Italie, Vincenza...
A ce titre, le cadre constitue peut-être le premier atout formel de ce drama, signe également de son budget. A défaut d'avoir vraiment compris où se situait Alger sur une carte de l'Afrique, les scénaristes ont cependant pu déplacer l'action en Italie où s'est déroulée une partie du tournage. La série profite donc pleinement de ce décor de carte postale. Elle dispose d'un budget conséquent et entend le démontrer à l'écran. Pour cela, elle n'hésite pas à faire étalage de ses moyens, même en sacrifiant à certains artifices narratifs un brin forcés. Les rêves JamesBondiens de Jung Woo offrent ainsi un exutoire parfait aux scénaristes. Sonnant un peu creux, ils ont quand même le mérite d'afficher la couleur mais aussi une certaine prise de distance vis-à-vis de cette image d'Epinal du monde l'espionnage. En fait, les scénaristes semblent un peu à la croisée des chemins, adoptant une certaine ambivalence pour jouer sur tous les tableaux : conscients des clichés que ces scènes véhiculent, ils souhaitent aussi profiter de l'attrait qu'elles exercent fatalement sur l'inconscient d'un téléspectateur facilement charmé par ces éléments d'action très classes.
Le contenu même d'Athena reflète d'ailleurs sur certains points cette même ambiguïté, jonglant avec un cahier des charges aux exigences très diverses. En effet, tout en n'hésitant pas à mettre en scène des passages d'action musclée et à poser des enjeux géopolitiques majeurs, Athena n'entend pas non plus renier son identité de drama sud-coréen. Elle s'efforce donc de replacer à l'occasion ses personnages au coeur de son propos, n'oubliant pas que c'est cette marque de fabrique plus portée vers l'émotionnel qui conduit prioritairement les téléspectateurs devant les séries de ce pays. Des romances potentielles qui s'esquissent, marquant les débuts hésitant d'un triangle amoureux, sur fond de trahison programmée et d'agents aux loyautés variables, jusqu'aux vengeances de sang, prix à payer pour des actes passés, les ingrédients sont là. Mais l'introduction de cette dimension plus humaine dans cet apparent thriller d'espionnage policé s'opère de façon assez peu naturelle. Parachutés maladroitement entre des scènes aux enjeux autrement plus importants, ces moments se mêlent aussi parfois aux storylines en cours, aboutissant à un étrange toutélié où l'enchaînement des coïncidences apparaît finalement trop peu crédible pour que le téléspectateur puisse y croire et s'y impliquer.
C'est sans trop de succès que la série recherche un point d'équilibre entre ces deux sphères, au cours de ces premiers épisodes, ne parvenant d'ailleurs pas à capitaliser sur un éventuel développement de l'affectif vis-à-vis de personnages auxquels on ne s'attache pas vraiment pour le moment. Le temps et le démarrage véritable de l'histoire permettront peut-être de gommer ces problèmes de mise en place initiaux. Mais IRIS avait souffert d'un même problème narratif qui est sans doute plus structurel. Je pense que cela tient surtout au fait que ces séries empruntent volontairement à leurs consoeurs occidentales certains codes scénaristiques - y trouvant notamment leur inspiration pour tous les aspects relatifs à l'espionnage -, tout en essayant de préserver ce qui fait la particularité des dramas sud-coréens. Or la conciliation de ces deux priorités ne va pas forcément de soi et est plus difficile qu'il n'y paraît. Au final, la dimension sentimentale fragilise quelque peu la solidité d'une histoire où certaines grosses ficelles auraient été clairement dispensables.
Cela ne signifie pas pour autant qu'Athena ne mérite pas le détour et une chance de grandir, car son explosivité et les enjeux forts qui s'esquissent laissent entrevoir un potentiel indéniable qui ne demande qu'à être exploité. L'ensemble est perfectible et dispose à l'évidence d'une bonne marge de progression. D'ailleurs, il faut noter qu'à partir du moment où l'intrigue paraît véritablement lancée et les ingrédients mis en place, il se dégage de l'ensemble une intensité nouvelle incontestablement prenante qui sait retenir l'attention du téléspectateur.
Sur la forme, la réalisation reprend les ingrédients qui avaient fait l'identité visuelle d'IRIS. La photographie se veut sobre, sans le côté chatoyant que l'on croise traditionnellement dans les comédies romantiques. Les scènes d'action, que ce soient les fusillades ou les combats, se partagent tant bien que mal entre le désir évident de démontrer toute l'explosivité inhérente à la série et celui, plus anecdotique, de paraître réaliste. La bande-son se compose de plusieurs chansons déjà bien en place. Si leur emploi ne s'avère pas toujours des plus adroits, cela est dû aux difficultés du scénario de jongler entre le genre action et la nécessaire dose de romance, qui l'amène à passer sans transition de l'un à l'autre, au moyen justement de la soundtrack, de façon pas toujours très équilibré.
Enfin, le casting apparaît incontestablement comme une des forces de ce drama, qui pourra amender quelques faiblesses narratives. Si IRIS mêlait des révélations coups de coeur et des acteurs que je ne supporte (vraiment) pas, le casting d'Athena est plus homogène. Venu du grand écran, surtout connu en France pour le film Le Bon, la Brute et le Cinglé, Jung Woo Sung est une valeur sûre qui s'installe peu à peu dans un personnage à l'écriture un peu trop hésitante au départ. Face à lui, on retrouve Cha Seung Won qui m'a plus que marquée dans ce drama coup de coeur que fut City Hall. Je serais tentée de dire que c'est celui qui s'en sort le mieux dès ses premières scènes, bénéficiant sans doute du fait qu'il entre immédiatement en action. Il prend pleinement la mesure d'un personnage déjà défini dès le départ. L'actrice Soo Ae (Love Letter) complète le triangle qui s'esquisse, plus à l'aise dans ses scènes d'action que dans son travail au NIS. A leurs côtés, on retrouve une autre actrice que j'apprécie beaucoup depuis The Legend, Lee Ji Ah (Beethoven Virus), mais aussi d'autres figures très familières du petit écran sud-coréen, comme Kim Min Jong (The Return of Iljimae, A man called God), Choi Si Won (Oh! My Lady), Lee Bo Young (Harvest Villa), Yoo Dong Geun (Dandelion) ou encore Lee Jung Gil (IRIS).
Bilan : Auteur de débuts poussifs et relativement brouillons, que viennent obscurcir certaines grosses ficelles narratives oubliables, Athena n'est probablement pas ce thriller d'espionnage qui aurait appris des erreurs d'IRIS que l'on aurait pu espérer. Pour autant, face à un ensemble rythmé efficacement porté par un casting des plus solides, le téléspectateur se surprend à vouloir laisser le temps à la série de s'installer, sentant le potentiel indéniable sous-jacent. Signe que l'introduction se termine, les enjeux commencent à se concrétiser au cours d'un troisième épisode plus prenant, qui est notablement le premier à se terminer sur un vrai cliffhanger.
Après cette entrée en matière pas forcément des plus convaincantes, il faut espérer que l'écriture s'affine et murisse à mesure que l'intrigue se développe. De toute façon, vous connaissez mon penchant pour les histoires d'espions... Je serais donc au rendez-vous.
NOTE : 5,75/10
Une bande-annonce de la série :
Une chanson de l'OST :