Qu’est-ce que cet atelier rouge qui donne le titre à ce roman? C’est le lieu central, le cœur de l’action, à New York, un soir de novembre au milieu d’une grande pièce dont les murs sont peints en rouge sombre , trois personnes sont réunies et parlent..Trois hommes du XXe siècle exilés de Russie dans leur enfance, trois artistes célèbres, trois adultes qui ont choisi le suicide pour mourir. Ce sont les peintres, Mark Rothko, Nicolas de Staël et l’écrivain Romain Gary.Ayant tant de points communs ils ont beaucoup à se dire. Ils ne se sont pas vraiment rencontrés de leur vivant ou si peu mais leur passion pour l’art et pour leurs origines communes les réunit dans cette œuvre de fiction qui pourrait être aussi une forme de dialogue théâtral, un échange de réflexions sur tout ce qui les a intéressés dans leur vie. Ils ne se ressemblent pas, l’un, Rothko semble plus arrogant, l’autre, de Staël, beaucoup plus tourmenté.. Gary, le plus bavard, n’est là qu’en observateur mais finit par se livrer, lui aussi.
L’atelier rouge, c’est aussi le tableau de Matisse, l’autre grand exilé russe qui est peut-être leur seul véritable admiration commune.
Enfin l’atelier, c’est aussi celui de Rothko dans lequel, à 70 ans, il s’ouvrit les veines, scène première du roman.
"Comment vous décrire la scène ? Un homme est allongé sur le sol, une vaste nappe rouge foncé a coagulé autour de lui. On dirait qu’il a fait sous lui une mare de peinture rouge".
Ce pourrait être aussi l’atelier de Nicolas de Staël, à Antibes d’où il se jeta dans le vide ou ce dernier tableau inachevé: "Le concert"
Romain Gary qui leur a survécu pour un moment encore est là qui voudrait comprendre et qui s’interroge à son tour.
Rouge l’atelier, rouge le sang, rouge leur couleur préférée ! La couleur rouge les poursuit! Ce que j’ai aimé le plus dans ce petit livre, c’est l’évocation de tous ces peintres qui étaient ou pas de leurs amis, tous ces Russes établis en Europe ou en Amérique qui se sont illustrés par leur audace et leur génie artistique, si pleins de vie, tous et si désespérés! Ce n’est pas tant un roman que j’ai eu l’impression de lire qu’une mise en scène vibrante d’hommes passionnés et passionnants qui auront marqué leur siècle de leurs œuvres novatrices. L’atelier rouge de Sylvia Tabet (éditions Dialogues, roman, janvier 2011, 128p)
Merci à Laure-Anne et aux éditions Dialogues pour l'envoi de ce livre En ont parlé aussi: Clara, Hambreellie