C’est un excellent et gros bouquin, une histoire universelle qui prend ici à témoin l’époque des grands bâtisseurs ; les cathédrales mettaient alors des années et des années à voir le jour , tandis que ces seigneurs et autres puissants se querellaient à coups de lourdes épées et de poison léger. L’Eglise n’était pas en reste, bien au contraire, avec ses divins complots, changeant de camp et de politique, comme de religion, histoire d’asseoir une autorité tout aussi sans appel que celle de la noblesse alliée.
Dans l’ouvrage de Ken Follett, on s’évade de page en page, en imaginant très bien le décorum et l’ambiance du moment. Le romancier en rapporte soigneusement les échos et les rumeurs et le tableau qui s’en dégage, est d’une telle précision, et d’une vérité toujours présente, que son adaptation cinématographique relève du même défi que celui des artisans arc-boutés pendant des années sur leur ouvrage.
Avec de très gros moyens, notamment dans la reconstitution des lieux, Sergio Mimica-Gezzan a tenu de bout en bout ce pari insensé au-delà de mes espérances. Quand on se rappelle le gâchis que fut l’aventure de «Dieu et nous seuls pouvons, » (au cinéma ce sera « Justinien Trouvé, ou le bâtard de Dieu » de Christian Fechner, je craignais beaucoup d’une production qui exigeait beaucoup plus que la saga de la famille Pibrac, bourreau de père et en fils. Un excellent livre de Michel Folco, qui peu à juste titre regarder avec envie son collègue Follett dont l’œuvre accouche d’une série TV d’excellente facture.
Matthew MacFadyen, un père prieur aussi déroutant que celui du livre
Tout en conservant l’esprit du roman, le caractère de ses protagonistes et un décor ad hoc, le cinéaste y ajoute beaucoup de sa personnalité, dans une mise en scène qui sans révolutionner le genre impose un véritable regard sur cette époque triviale et sans pitié.
Le fil du récit qui là encore respecte à la lettre celui de l’écrivain, donne à la fois le ton et le rythme du quotidien de ces bâtisseurs qui allaient de ville en ville afin de proposer leur service. Tom, (Rufus Sewell ) l’un d’entre eux, et peut-être le plus ingénieux, arrive ainsi à convaincre le prieur d’un monastère incendié du bien fondé de sa requête. Sur des bases architecturales alors inconnues, il imagine un édifice qui rivalise d’audace et de modernité.
Tom, le bâtisseur tente de trouver la bonne pierre...
Le diable ne doit pas être étranger à un tel projet, et la compagne de l’artisan, une sorcière aux yeux d’une justice inique qu’elle doit fuir avant d’assumer sa vengeance. Jalousies, convoitises, basses et hautes querelles, alimentent ainsi les intrigues de cette série palpitante qui en nous racontant l’étonnante histoire de ces hommes bâtisseurs, restitue parfaitement leur époque et cette grande Histoire qui allait bâtir le XII è siècle.
Le roi Stephen, un monarque pitoyable . Mais l'acteur ne l'est pas
Dans l’ensemble, le casting tient bon la barque. Avec peut-être une préférence pour Eddie Redmayne , le fils de la sorcière, dont le rôle est de se révéler à lui-même avant de s’imposer au regard des autres. Il le fait avec justesse et naturelle, tandis que quelques nobliaux en rajoutent parfois dans la morgue et l’insouciance que leur confère leur position.
Mais c’est peut-être leur méchanceté qui m’égard et dieu sait ici que l’interprétation des méchants est parfois plus aisée à contrôler. Dans le rôle de l’évêque fourbe et corrompu, Ian McShane , a trouvé camail à sa portée. Le roi Stephen sous les traits de Tony Curran, n’est pas mal non plus.
Ils vous emportent tous dans la contemplation d’une imagerie chevaleresque, où la belle se refuse à son amant désigné et comploteur, tandis que se languit dans l’ombre un amoureux transi. Un raccourci caricatural d’un film qui ne l’est pas.