« Le moratoire, c’est la mort des PME et des ETI », a assené le virulent président du groupe Fonroch Energie, Yann Maus, lors de l’audition parlementaire sur l’avenir de l’industrie photovoltaïque le mercredi 22 décembre à l’Assemblée Nationale. Alerté par l’engorgement croissant de la « file d’attente » pour le rachat par EDF de l’électricité produite par les modules solaires, le gouvernement a décidé le 7 décembre dernier de suspendre pour trois mois le traitement de nouveaux dossiers. Une décision « hâtive, désordonnée et brouillonne », estime Yann Maus, également président de l’Association pour l’Industrie Photovoltaïque Française. « Il faut être responsable » rétorque Serge Poignant (UMP), député et président de la commission des affaires économiques à l’Assemblée, qui rappelle que les 4 Gigawatt concernés par la suspension représentent une dépense d’un milliard et demi par an, pendant vingt annuités pour l’Etat. Une aide publique que le Premier ministre considère excessive , d’autant plus en période de réduction budgétaire. Il est donc peu probable que le gouvernement se risque à affronter la colère des consommateurs qui devront régler l’addition en dernier recours. Sans compter que ces dispositions, prévues par le Grenelle de l’environnement, ont suscité l’apparition d’une véritable bulle spéculative, basée sur un cours artificiellement haut des prix d’achat de l’électricité.
Si les industriels peuvent à bon droit estimer qu’un marché a besoin de « stabilité » et de « visibilité » pour être pérenne, on peut leur objecter que fonder un modèle économique sur une subvention publique constitue là un pari bien incertain. De façon plus générale, cette polémique illustre les effets pervers qui découlent de l’intervention publique dans la sphère privée. En proposant des tarifs de rachats faramineux au regard des prix pratiqués sur le marché, l’Etat a pu accompagner le développement d’un marché et générer des investissements (100 millions d’euros depuis 2006 pour la société Photowatt, une PME de 750 salariés). Toutefois, il ne s’agit là que d’un marché purement fictif, étant donné les prix d’achat parEDF dix fois supérieurs à ceux pratiqués hors de cette réglementation. Certains n’ont sans doute pas manqué d’y voir la poule aux œufs d’or, permettant de faire de l’argent facile, tout en surfant sur la mode de l’écologie. Le dispositif a si bien fonctionné que le dépôt de projets demandant le rachat a explosé en 2009. Un marché parfaitement artificiel qui ne tient actuellement que grâce à la perfusion des aides publiques.
Pas de parité réseau avant…2018 !
« Malgré des efforts d’adaptation extraordinaires depuis deux ans, nos modules sont toujours 15 à 20 % plus chers que ceux produits en Chine », a reconnu Vincent Bes, de Photowatt. La filière du photovoltaïque est en retard en terme de rendement des modules et technologiquement dépassée par d’autres économies, à l’instar de celle de l’Allemagne, qui ont investi dans ces technologies depuis déjà 10 ans. Une stratégie économique qui semble d’autant plus improvisée que la France a fait le choix du nucléaire dans les années 70, un secteur dans lequel elle est l’un des leaders incontestés au niveau mondial. De l’aveu même des représentants de Total, Saint-Gobin, Photowatt ou Fonroche, la parité réseau (l’alignement du coût de production du kWh photovoltaïque et du coût d’achat de l’électricité au détail) ne se fera sans doute pas avant 2017 ou 2018. Autant dire une éternité au rythme où évoluent les techniques et les innovations. La pertinence d’un tel niveau de dépense pour développer une filière déjà dépassée de très loin par ses concurrents se pose donc. Les grands groupes y trouveront là un effet d’aubaine alléchant, tandis que beaucoup de petites PME et ETI s’y briseront les reins, comme ce fut le cas lors de l’éclatement de la bulle internet. Pour enfoncer le clou, le rapport Charpin, publié à la suite des travaux de la mission parlementaire sur la régulation et le développement de la filière photovoltaïque en France, a estimé que l’énergie solaire ne représenterait en 2020 que… 1,21% de la consommation brute totale d’électricité (prévision).
Mais les effets pervers vont peut-être plus loin que le simple gaspillage d’argent et l’on peut se demander si, en décidant arbitrairement de soutenir le photovoltaïque, l’Etat ne bloque pas l’émergence de technologies plus innovantes, plus adaptées au marché national, et pour lesquelles les entreprises françaises seraient en mesure d’apporter une véritable valeur ajoutée qui ne dépende pas d’aides publiques, destructrices de richesse par nature. C’est une leçon, hélas oubliée, qu’enseignait l’économiste Frédéric Bastiat. Il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Ce qu’on voit, c’est l’émergence d’une filière en France du photovoltaïque, qui crée des emplois, qui attire des investissements et qui crée du dynamisme économique. Ce qu’on ne voit pas, en revanche, c’est la gigantesque destruction de richesse qui aura été nécessaire pour soutenir ce marché artificiel, et tous les projets sans doutes plus innovants, plus adaptés à la demande qui n’auront pas pu voir le jour.
Le désastre du photovoltaïque espagnol.
Hausse des tarifs de l’électricité.
Energies vertes = pauvreté.
Le paradoxe de Friends Of The Earth.