Magazine Cinéma
Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Madeleine / Havre-Caumartin / Saint-Lazare
Spectacle musical
Avec Isabelle Georges (chant), Frederick Steenbrink (piano et chant), Jérôme Sarfati (contrebasse et piano), Edouard Pennes (guitare)
Ma note : 7/10
Présentation : Ce spectacle musical est un vibrant hommage à Norbert Glanzberg, un des plus grands compositeurs du 20è siècle à qui l’on doit des titres comme Mon manège à moi, Ça c’est de la musique, Les grands boulevards et, bien sûr, Padam Padam… Du jazz de Django Reinhardt à la comédie musicale, de la samba au gospel, autant de bulles d'oxygène et de bouffées de bonheur pour les spectateurs.
Mon avis : Voici un spectacle très intelligemment conçu et vivement mené autour de la vie et de l’œuvre d’un immense compositeur dont le nom est plutôt méconnu, mais dont certaines chansons sont gravées à jamais dans la mémoire collective. Norbert Glanzberg (1910-2001) est ici remis à l’honneur et ce n’est pas un des moindres mérites de ce spectacle car l’homme était d’un éclectisme rare en matière de musique. Classique, jazz, musique de film, musette, musique yiddish, variété… il excellait en tout. Et sa vie a été aussi rythmée et foisonnante que son œuvre…
Avant que le rideau ne se lève, nous sommes déjà alertés par une interprétation originale de Padam, Padam, clin d’œil appuyé au titre du spectacle. Le rideau se lève et on se prend en plein dans les mirettes le flash d’une superbe robe rouge écarlate qui m’a fait immédiatement penser à celle que portait Anny Duperey dans Un éléphant ça trompe énormément. Pétulante, tonique et sensuelle, Isabelle Georges supporte fort bien la comparaison. Ce rouge pétant ressort d’autant mieux que les trois musiciens qui l’accompagnent sont très élégamment vêtus de gris. Humour, émotion, rythme et élégance, voici peut-être les quatre mots qui résument au plus juste ce spectacle.
Après deux chansons, j’étais complètement séduit puis emballé par le trio de musiciens, par leur fraîcheur, par leur jeu, par leurs arrangements fouillés et originaux, et par leur fantaisie. Avec trois accompagnateurs aussi talentueux, Isabelle Georges n’a plus qu’à se laisser porter et se consacrer à la chanson avec un formidable confort.
En outre, nos trois garçons ne se content pas de s’amuser avec leurs instruments et de faire les chœurs, ils participent pleinement à l’histoire. Tour à tour conteurs et comédiens, ils commentent, présentent, illustrent et bruitent le parcours agité de Norbert Glanzberg. Car la grande et la petite histoire ne cessent de s’entrecroiser tout au long de ce spectacle, ce qui le rend encore plus intéressant. Enfin, Frederick Steenbrink, le pianiste, apporte souvent sa voix chaude et joliment teintée d’accent batave, en soutien d’Isabelle, voire même en solo, ce qui ajoute encore à la variété.
Ce spectacle est ponctué de nombreuses trouvailles, soit de mise en scène, avec des tableaux et des gags, soit au niveau des couleurs musicales et des interprétations, comme cet inattendu morceau a cappella façon beat box, ou cet épatant numéro de claquettes auquel se livre la jeune femme.
Ce spectacle est donc tout-à-fait emballant et, sur le plan purement musical j’ai été véritablement comblé. Pourtant, j’ai connu deux ou trois petites chutes de régime. Il y a ainsi au programme quelques chansons qui m’étaient totalement inconnues et qui, face aux nombreux « tubes » composés par le sieur Glanzberg, m’ont paru quelque peu insipides. Trop longues d’abord, je pense en particulier à la chanson de Lys Gauthy, à Sophie, et à la chanson écrite par Francis Blanche. Là, la naphtaline prenait le pas sur la menthe fraîche. Je pense – mais cela n’engage que moi – qu’il eût mieux valu n’en chanter qu’un extrait et faire la part un peu plus belle aux grands standards que l’on nous énumère à la fin. Et puis, si Isabelle Georges est parfaite dans la plupart des chansons, j’ai trouvé que, dans certains registres, sa voix, passant dans l’aigu, devenait linéaire et donc desservait l’interprétation (pas d’âme, pas d’âme). Enfin, mue sans doute par son excès d’enthousiasme et de plaisir, j’ai trouvé qu’elle tombait de temps à autre dans le travers de la pose un peu trop théâtrale.
Mais à part ça, le bonheur est entré dans mon cœur (et dans ma tête) sans y penser. Ces quatre-là sont tellement généreux – et talentueux – qu’ils nous procurent une heure et demie de grand plaisir et de joie de vivre. Et encore un immense bravo aux musiciens qui, en plus des airs de variété (dans tous les sens du terme), passent avec une aisance et une virtuosité sidérantes de Bartok à Django Reinhardt, de Chopin à Beethoven.