Depuis la dernière guerre, le monde n’est plus qu’un désert de poussières et de cendres balayé par des vents radioactifs et empoisonnés, où les grandes villes de jadis forment quelques îlots de vie. Dans ces dunes stériles, un nomade du wasteland trouve les restes d’un robot de type inconnu : de passage en ville, il les vend à Mo, un soldat qui profite de sa permission de Noël pour offrir cette ferraille à sa copine sculpteuse, Jill. Mais alors que Mo doit s’absenter, la machine se réveille soudain et attaque Jill…
Il y a des récits éternels. Ainsi, la légende du Minotaure narre l’aventure d’un jeune homme, Thésée, enfermé dans un labyrinthe avec un monstre et qui doit tuer ce dernier pour survivre. Dan O’Bannon en tira le scénario du film comique Dark Star (1974) que John Carpenter commença à tourner pendant sa dernière année d’étude en cinéma. Puis O’Bannon participa au scénario d’Alien, le huitième passager (Ridley Scott ; 1979) qui, à y regarder de près, n’est jamais qu’une version plus sérieuse de Dark Star. Par la suite, l’immense succès international d’Alien amena le cortège d’imitations basées sur le même concept d’une poignée de gens pris au piège avec une créature malveillante dont ils doivent se débarrasser pour voir le jour prochain.
Toute la différence entre Hardware et des ersatz à petit budget tels que Mutant Aquatique en Liberté (Sean S. Cunningham ; 1989) ou bien Leviathan (George P. Cosmatos ; même année) ou encore, dans une certaine mesure, Starship Troopers 2 : Héros de la Fédération (Phil Tippet ; 2004), et outre l’aspect cybernétique peut-être emprunté à Saturn 3 (Stanley Donen ; 1980), tient dans son esthétique. Or, c’est bien l’apparence qui transmet une atmosphère et une ambiance, et donc au final un ressenti dont découle une interprétation, c’est-à-dire une idée – ou du moins ce qui s’en rapproche le plus dans une œuvre artistique sur un média visuel. Et ici, cette atmosphère est justement celle d’un monde à l’agonie…
Mais au contraire d’Alien ou de Mad Max (George Miller ; 1979), qui ne faisaient qu’effleurer le genre cyberpunk, ou plutôt qui ne faisaient que partager quelques traits avec celui-ci, ce qui reste assez différent, Hardware l’embrasse à pleine étreinte. Dans cet avenir, tout est foutu : le climat, la civilisation, la technologie, la nature humaine,… Le monde se meurt lentement et seul l’instinct de survie le plus élémentaire empêche de s’en rendre compte, d’accepter cette idée, de s’y résoudre ; seule la pulsion la plus primaire permet d’altérer cette perception du monde qui pourtant ne laisse aucune place à l’interprétation.
Alors on lutte et on se débat pour éloigner ce danger qui nous menace, tout en sachant très bien au fond de nous que ça ne sert à rien et que cette réalité puante finira bien par reprendre le dessus un jour. On est comme Jill prisonnière de son appartement dont les dispositifs de sécurité en panne l’empêchent de sortir pour fuir cette machine folle qui veut la tuer sans même savoir pourquoi elle la prend pour cible. Ainsi va la mort ici, qui punit sans même nous laisser savoir pourquoi elle nous frappe – comme une dernière injustice, une ultime insulte…
Il y a bien une raison pourtant, au contraire des autres œuvres citées plus haut et dont les « créatures » se voulaient le fruit d’accidents de la nature ou bien de la science, et dont les protagonistes principaux croisaient la route par hasard – c’est-à-dire une autre forme d’accident. Et cette raison ici s’inscrit tout à fait dans la logique de ce monde devenu bien trop petit pour les survivants de la guerre totale qui l’a dévasté en laissant trop peu de place pour tous. Sous cet aspect au moins, Hardware se réclame de la dystopie.
Mais ce propos demeure malgré tout embryonnaire, car c’est l’action qui prime dans ce film, juste après l’introduction à son univers dans son premier quart. À travers le combat de Jill pour sa survie, et les efforts de tous ceux qui tenteront de lui venir en aide, assez vainement d’ailleurs, le récit présente surtout ce que beaucoup d’autres dans cet avenir de cauchemar devront affronter une fois leur tour venu.
Après tout, seul le roi Minos pouvait être certain de ne jamais affronter le Minotaure…
Notes :
Le réalisateur, Richard Stanley, écrivit un script pour un projet de séquelle, intitulé Hardware 2: Ground Zero, qui devait sortir en décembre 2009 mais dont le tournage n’a jamais été commencé. Les curieux peuvent néanmoins télécharger ce scénario au format .pdf sur Between Death and the Devil, le site non officiel de Richard Stanley. Sur le même site peut aussi être téléchargée la première version du scénario de Hardware par Richard Stanley.
Plusieurs stars du rock apparaissent dans ce film : Iggy Pop, qui reste invisible puisqu’il incarne l’animateur radio connu sous le nom d’« Angry Bob » en lui prêtant sa voix ; Lemmy Kilmister, de Motörhead, joue le rôle d’un chauffeur de taxi aquatique ; Carl McCoy, des Fields of the Nephilim, interprète le nomade qui trouve la carcasse du robot M.A.R.K-13 au début du film.
Bien que la version cinéma ne le précise pas, Hardware est une adaptation du court comics SHOK! Walter’s Robo-Tale, de Steve MacManus et Kevin O’Neill, paru dans 2000 AD, dont le ton est bien plus léger que celui du film. Une action en justice permit aux auteurs originaux de se voir crédités comme ils le méritaient.
D’autres éléments de la culture rock apparaissent sous la forme d’extraits d’un clip vidéo de GWAR bien qu’on entende à ce moment-là le morceau Stigmata (1988) de Ministry. Un autre morceau de la bande originale du film est de Public Image Limited.
L’édition DVD française d’Hardware, de qualité de transfert pour le moins douteuse, a pour titre Genetic Warrior mais reste difficile à trouver et chère ; une édition R2 en est néanmoins disponible en anglais.
Ce film présente des extraits du film Salò ou les 120 Journées de Sodome réalisé par Pier Paolo Pasolini (1922-1975) et sorti en 1976.
Hardware, Richard Stanley
Palace Pictures, 1990
93 minutes