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anatomie du chaos

Publié le 27 décembre 2010 par Hoplite

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Ceux qui fréquentent Hoplite depuis un moment connaissent mes idées sur la sécession ethnique/culturelle/religieuse/sociale qu’organisent méthodiquement nos modernes libéraux-libertaires par le biais d’un remplacement démographique de grande ampleur depuis plus de quarante ans, par la destruction des cadres sociaux, environnementaux, culturels, politiques, religieux ou philosophiques des peuples européens, par l’anomie galopante et la guerre de tous contre tous : les prémisses d'une guerre civile sous-tendue par les bouleversements induits par le capitalisme globalisé (ou néo-libéralisme).

Christopher Lasch ou JC Michéa qui, au-delà de la critique de la religion du Progrès™, décrivent une autre sécession à l’oeuvre, moins visible mais non moins dangereuse, qui est celle de nos « élites ». Par « élites », j’entends cette hyperclasse hédoniste et nomade, ces insiders, hommes politiques rafarinesques, sportifs thuramo-compatibles, journalistes jofrinesques, écrivains attalinaoïdes, sociologues woltoneux, dont le point commun est de vivre bien en étant à l’abri des conséquences désastreuses des politiques qu’ils promeuvent et qui font le malheur de beaucoup d'autres (le peuple, volontiers "populiste"), ces outsiders silencieux, en panne d’éducation, d’instruction, de repères, d’argent, de savoir et de sens…et de traditions (horresco referens).

« Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l'ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c'était la révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. Dans une mesure inquiétante, les classes privilégiées -les 20% les plus riches de la population, pour prendre une définition large- ont su se rendre indépendantes non seulement des grandes villes industrielles en pleine déconfiture mais des services publics en général. Elles envoient leurs enfants dans des écoles privées, elles s'assurent contre les problèmes de santé en adhérant à des plans financés par les entreprises où elles travaillent et elles embauchent des vigiles privés pour se protéger contre la violence croissante qui s'en prend à elles. Elles se sont effectivement sorties de la vie commune. Les mêmes tendances sont à l'oeuvre dans le monde entier. En europe, les référendums qui se sont tenus sur la question de l'unification ont révélé une faille profonde et qui va en s'élargissant entre le monde politique et les membres plus humbles de la société qui redoutent que l'UE ne soit dominée par des bureaucrates et des techniciens dépourvus de tout sentiment d'identité ou d'appartenance nationale. Une Europe gouvernée de Bruxelles sera de leur point de vue de moins en moins sensible au contrôle des peuples. Le langage international de l'argent parlera plus fort que les dialectes locaux. Ce sont ces peurs qui sont sous-jacentes à la résurgence des particularités ethniques en Europe, tandis que le déclin de l'Etat-nation affaiblit la seule autorité capable de maintenir le couvercle sur les rivalités ethniques. Par réaction, la renaissance du tribalisme renforce le cosmopolitisme chez les élites. » (Christopher Lasch, La révolte des élites, 1996)

Christopher Lasch a théorisé cette sécession élitaire, cette trahison de la démocratie, en 1996, dans un livre cardinal, La révolte des élites, qui fut bien sûr ignoré par tout le ban et l’arrière-ban de l’intelligentsia progressiste, notamment en France. Certaines vérités, certaines analyses, trop dérangeantes et anti-conformistes s’enterrant beaucoup plus facilement en les ignorant délibérément qu’en les affrontant. Jean-claude Michéa, dans une courte préface à cet ouvrage, dit l’essentiel :

« Profondément enracinés dans l’économie planétaire et ses technologies sophistiquées, culturellement libérales, c’est-à-dire, « modernes », « ouvertes », voire « de gauche », les nouvelles élites du capitalisme avancé, celles qui contrôlent le flux international de l’argent et de l’information, manifestent en effet, à mesure que leur pouvoir s’accroît et se mondialise, un mépris grandissant pour les valeurs et les vertus qui fondaient autrefois l’idéal démocratique. Enclavées dans leurs multiples « réseaux », au sein desquels elles « nomadisent » perpétuellement, elles vivent leur enfermement dans le monde humainement rétréci de l’Economie comme une noble aventure « cosmopolite », alors que chaque jour devient plus manifeste leur incapacité dramatique à comprendre ceux qui ne leur ressemblent pas : en premier lieu, les gens ordinaires de leur propre pays (on sait par exemple, que dans le monde de l’élite, situé « nulle part ailleurs », l’homme ordinaire ne peut apparaître que sous la figure moquée des Deschiens). Christopher Lasch a tenu à placer sa critique des nouvelles élites du capitalisme avancé sous le signe du « populisme », c’est-à-dire conformément au sens historique du mot, d’un combat radical pour la liberté,  et l’égalité mené au nom des vertus populaires. On sait à quel point, depuis quelques années, les media officiels travaillent méthodiquement à effacer le sens originel du mot, à seule fin de pouvoir dénoncer comme « fascistes » ou « moralisateurs » (à notre époque, le crime de pensée suprême) tous les efforts des simples gens pour maintenir une civilité démocratique minimale et s’opposer à l’emprise croissante des « experts » que le système a préposé à la défense médiatique de ses nuisances, s’empresseront de faire courir le bruit –pour affecter de s’en réjouir ou pour s’en lamenter- que ce livre est « réactionnaire ». Il n’est cependant pas interdit d’espérer que le lecteur intelligent puisse encore se faire une opinion par lui-même. »

Une précision s’impose concernant le terme de « libéralisme » que j’utilise régulièrement bien souvent pour en montrer les aspects obscurs et destructeurs, bien que célébré par la quasi-totalité des media occidentaux mais pas seulement. Ce mot fait référence chez moi à ce « néo-libéralisme », sorte de capitalisme globalisé devenant, mondialisation oblige, l’alpha et l’oméga des élites globalisées, occidentales ou pas.

Or, l’imposture fondamentale des thuriféraire du néo-libéralisme est de se vendre (le mot est de rigueur) comme les successeurs du libéralisme politique et économique théorisé par les grandes figures de la philosophie des Lumières : cette aberration, en forme d’impasse intellectuelle, éthique et morale est pourtant monnaie courante aujourd’hui et permet à tous les criminels de guerre (économique) du genre de Madoff, Goldman, Sachs, Friedman, Lehman, Volker ou Greenspan (liste non limitative) de faire passer une société malade de son hyperconsommation pour une geste libérale autrement complexe et nuancée des penseurs européens du libéralisme politique et économique des XVII et XVIIème siècles. Nul doute que Smith, Ricardo, Hume, Locke, Montesquieu et de quelques-uns de leurs –véritables- héritiers comme Constant ou Tocqueville ne pourraient reconnaître une seconde leur vision éclairée et subtile d’émancipation, de liberté et d’autonomie (dans un monde ou régnaient absolutisme et religion) dans l’hubris marchande et prédatrice d’un Bernanke ou d’un Friedman et de ses Chicago boys...

L’exploit de ces apprentis sorciers, outre le fait de pouvoir encore s’afficher comme les héritiers de penseurs authentique de l’autonomie et de la raison, est d’avoir su imposer leur doctrine « néo-libérale » que décryptent Pierre Bérard, Castoriadis, Michéa ou Lasch, à la planète entière, malgré les ravages, les prédations, les bouleversements incroyables que celle-ci produit partout. Or cette croyance (c’en est une, aucun fondement solide autre que la foi de ses fidèles) que l’homo oeconomicus est une créature rationnelle qui ne court qu’après son meilleur intérêt au détriment de toute autre aspiration, que la cupidité de chacun fait la richesse des nations, que le bien-être social découle d’une moindre intervention étatique dans la marche du marché (sorte de veilleur de nuit..), que les marchés s’autorégule sans nul besoin d’intervention extérieure –notamment étatique, que la spéculation est une activité naturelle et utile à la société, que les principes économiques sus-cités doivent s’appliquer à toutes les sphères des activités humaines, que le protectionnisme de marchés nationaux ou continentaux est une aberration dangereuse n’est que principes simplistes et hégémoniques érigés en dogme intouchable à travers l’enseignement économique, les media, les bureaucraties internationales et leurs relais utiles nationaux (les Sarkosy, Strauss Kahn, Con-Bandit, Barroso, etc.).


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