Bibliothèque Fric-Frac 2010 par Le Fric-Frac Club

Par Fric Frac Club
Une bibliothèque prête toujours le flanc à l'interprétation. Ça n'est pas une si bonne chose en soi quand on y réfléchit cinq minutes. C'est un peu comme cette histoire d'habit et de moine, mais ça donne malgré tout une petite vue d'ensemble de ce qui fait, au final, notre identité de lecteurs, de ce qui définit une vision partagée de la littérature. La Bibliothèque 2010 du Fric-Frac Club n'échappe pas à la règle et on pourra en discuter jusqu'à l'année prochaine sans tomber d'accord... Est-ce que le Steve Erickson, aussi bon soit-il, mérite sa place ? CozmoZ est-il vraiment le meilleur livre français de l'année ? Est-ce que les romans posthumes rédigés sur fiches bristol comptent vraiment ? Bref ! C'est un peu ce qui nous plaît dans les listes de fin d'année, on trouvera toujours un moyen de les remettre en cause (qu'est-ce que Sorokine fout là ?). Alors on va glisser joyeusement sur l'analyse proprement statistique de ce top 2010 pour dire que, oui oui, comme l'année dernière on s'est charclés grave en coulisses, que, comme d'hab', les trois premiers incarnent une sorte de consensus pacifique, que c'est surtout après qu'ont commencé les bagarres de rue en vue de placer ses champions, oui, encore une fois, les Anglo-Saxons sont majoritaires même si au moins deux d'entre eux ne le sont qu'à moitié, mais on est aussi parvenus à mettre deux Allemands, un Espagnol, un Italien, un Belge – whaou ! - et deux Russes dont un demi, mort depuis un moment et qui, comme le Belge d'ailleurs, écrivait en anglais... Encore une fois, oui oui, il n'y a qu'une femme dans la sélection même si, juré, on a essayé d'en mettre plus et toujours très peu de français (un par an c'est quand même pas si mal). Quoi qu'il en soit et malgré tout ce qu'on pourra raconter voilà la crème de la crème pour cette année de lecture sauce FFC. Ils ne sont pas forcément dans le bon ordre mais les meilleurs livres parus cette année sont bel et bien là. Vous trouvez qu'il en manque ? C'est normal. On compte vous en reparler après les fêtes...
Allons-y Alonzo ! 1. Julián Ríos - Pont de l'Alma (Tristram, trad. Geneviève Duchêne et Albert Bensoussan) Diana trépasse, le mythe nait. Telle est la première métempsychose symbolique d'un livre de transmigration, de morts et d'histoires. Surtout d'histoires. Julián Ríos a toujours été un des grands artistes de la coïncidence miraculeuse, du mot ou du fait qui en appelle un autre. Cette recherche de sens derrière ce que le hasard feint d'avoir assemblé atteint ici son paroxysme, replaçant sans équivoque possible le complot et la conspiration au centre de l'expérience littéraire. Des liens secrets entre Céline et Diana à l'ombre portée par le pont de Mantes sur l'histoire de l'art de deux siècles, Ríos, dans une langue toujours splendide, propose un véritable cortège d'apparitions et de disparitions qui prend parfois des airs de grands bilans d'une des œuvres le plus fondamentales – et les plus incomprises – de la littérature universelle. Pont de l'Alma n'est peut-être pas son roman le plus flamboyant ; il se contentera donc d'être celui d'un écrivain au sommet de son art. Si Larva était sa bible des mots, son King James à lui, Pont de l'Alma est son Bardo Thödol. 2. Steve Erickson - Zéroville (Actes Sud, trad. Clément Baudé) Celui-là, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on ne l'a pas vu venir. On pensait la séance 2010 bouclée, quasi écrite, tranquille pépère ou presque, lorsqu'il a déboulé et dans l'année et dans le classement avec la vélocité d'un Poulidor encouragé par des cris enthousiastes qui résonnent encore dans les coulisses du Fric-Frac Club. Celui-là, c'est la surprise de l'année et on l'aime aussi pour ça. La séance Zéroville débute vitesse supersonique… Non. Le long métrage Zéroville ouvre, on pourrait dire « classiquement » mais on s'abstiendra de le faire – vous allez comprendre –, sur l'arrivée à Los Angeles d'un certain Vikar : crâne rasé, crâne tatoué des profils de Montgomery Clift et Liz Taylor dans Une place au soleil – vous avez compris – ensuite, ça n'arrête pas. Vikar, qui voue davantage qu'un culte au cinéma, attachant par son anachronisme décalé, tendre, drôle, sorte d'autiste cinémaniaque autodidacte, devenant monteur de génie en passe de délivrer « le vrai film du faux film », pourrait être un personnage de cinéma s'il n'était l'incarnation du cinéma des années 70, tout comme l'est Zéroville, gorgé d'Hollywood dans ses moindres recoins, structure incluse. Et s'il est un passage qui puisse ne serait-ce que tenter de synthétiser ce roman foisonnant, cultivé, drôle, vivant, réjouissant (plaisir garanti sur facture – selon un sondage interne au Fric-Frac Club), ce serait peut-être celui-ci : « Chaque plan, chaque angle de vue, chaque séquence est dans tous les temps, tous les temps sont dans chaque plan, chaque angle de vue, chaque séquence. Les scènes d'un film peuvent être filmées dans le désordre, pas parce que c'est plus pratique, mais parce que toutes les scènes d'un film ont lieu véritablement au même moment. Aucune scène ne mène vraiment à la scène suivante, toutes les scènes mènent les unes aux autres. (…) La continuité est un des mythes du cinéma ; au cinéma, le temps est circulaire, comme une bobine. » Et comme on l'aime vraiment bien, notre Poulidor, on enfoncera le clou avec la phrase de François qui, rendons à César ce qui appartient au Chef des Chums, l'avait lu en VO il y a deux ans de cela : « Mis à part 2666, ai-je lu un meilleur roman en 2008 ? Je ne pense pas. » Ça situe. 3. Reinhard Jirgl - Renégat (Quidam, trad. Martine Rémon) On s'est beaucoup écharpés en coulisses à propos du colossal Renégat, mais pas une seconde sur son envergure ou son importance - seulement sur son sujet, ce qui en dit beaucoup sur la taille de son corps : à droite, on évoquait Berlin, la grande balance de l'Histoire et la synthèse impossible, à gauche, on avançait plutôt la littérature pour la littérature, le zeitgeist, la crise du langage. Pour vous jouer la petite fiction du consensus, on a refusé de trancher (notre auscultation collective ne s'appelle-t-elle pas « Ce roman est dénué de toute part des choses » ?). Et l'on souligne ici, encore, les manigances fabuleuses de Reinhard Jirgl pour faire parler le langage écrit d'une manière inédite, à la fois bien plus ancienne et bien plus moderne que l'hyperfiction qui se joue tous les jours dans nos habitus de navigateurs. Dissociant absolument l'œil et la bouche, Jirgl redonne un coup de fouet fondamental à la part silencieuse de la littérature, et se consacre exclusivement au couple du lecteur et du livre de papier - parce qu'il sait qu'il ne les bousculera jamais mieux que dans ce face-à-face muet où se sont jouées les premiers actes de toutes les émeutes, tous les soulèvements du monde. 4. Oakley Hall - Warlock (Passage du Nord-Ouest, trad. David Boratav) Livre adulé par le jeune Pynchon, Warlock est le grand roman saturnien du western, élégie pour un monde qui se croit à son apogée et se rapproche en réalité de sa chute, sous les assauts du monde changeant. Warlock est le nom d'une petite ville du far west près de la frontière mexicaine ca.1880, où les hommes de pouvoir (de toutes sortes de pouvoir), hommes armés, notables, détenteurs officieux de la loi, patrons de mine ou de saloon, responsables militaires, s'affrontent au fil des journées et des pages ; c'est surtout, plus profondément, un livre sur la Loi, comment les hommes s'en emparent et la déforment selon leurs propres besoins égoïstes et avides. Warlock pouvait être un chant de gloire pour la figure du tireur d'élite ; c'est plutôt un Decline and Fall du western, son acte de glissement progressif vers l'obsolescence, le constat sans appel de sa turpitude occultée et de la rouille qui le rongeait dès l'origine, lorsque la légende de la frontière voit son inconnu se résorber. Livre extraordinairement lumineux, éblouissant et terrible, Warlock est un « crépuscule des vaqueros » placé sous le signe de la perte, auquel Oakley Hall donne la beauté simple et poignante d'une élégie pleine de fureur. 5. Iain Sinclair - London Orbital (Inculte, trad. Maxime Berrée)
Ici et là, on a pu voir relayées la même éphéméride, la même fiction : le Britannique Iain Sinclair, ex poète ombrageux, éditeur sauvage et receleur de livres rares, ami intime de Chris Petit ou J.G. Ballard, n'en a tellement plus pu des coups de scalpel infligés par les bureaucrates au tissu organique du Greater London qu'il a décidé de circonscrire son gros corps émasculé en parcourant à pieds toutes les communes, tous les espaces jouxtant les deux côtés de la M25. Ce qu'on a moins lu, c'est la manière dont le livre s'inscrit dans un monumental projet littéraire étendu sur plusieurs livres et plusieurs décennies, où fiction et érudition sont les deux faces d'une même pièce, cette fameuse « fictionalisation de non-fiction autobiographique fictionalisée » qui assomme les rares exégètes de Sinclair qui essayent encore, en vain, d'y voir plus clair. Inculte avait pourtant vendu le mèche en choisissant de qualifier London Orbital de « roman ». Tant pis, tant mieux, lisez-le comme vous voulez. Mais lisez-le. 6. Paul Verhaeghen - Oméga Mineur(Cherche-Midi, trad. Claro) On attendait Paul Ver­haeghen et son Oméga mineur depuis un bon moment déjà. Pas seulement en raison du trajet quasi chaotique, presque incroyable ayant conduit ce roman jusque sous nos yeux hexagonaux – l'auteur est belge, a écrit en néerlandais, puis traduit Oméga mineur en anglais avant que Claro ne s'empare de cette version pour la translater en français ; parcours à tout le moins atypique, digne d'un match de rugby, éveillant l'intérêt. Et ce passage de relais, de langue à langue, n'est peut-être, voire certainement pas étranger au fait que le 7e et suivant de ce top 13 soit justement un passeur, le passeur. Passons. Oméga mineur traverse le XXe siècle à l'aide de récits, de voix narratives et d'époques entremêlées au fil des chapitres, de fictions complexes, érudites, etc etc. Encore un roman monstre, un roman monde ? Oui. Doté de l'ambition déraisonnable de récapituler l'expérience humaine, toute l'expérience humaine, en mélangeant fiction et réalité ? Oui encore. Oméga mineur, comme l'a très justement écrit Axel C., « C'est finalement toute l'histoire, hésitant à s'enfiler son propre H majuscule. (…) l'étude du point de rencontre entre le présent et l'histoire, la mémoire. » Et c'est précisément là que réside son étrange pouvoir d'attraction, de séduction dédaléenne sous une apparente opacité. Sa force. Et la puissance de son écho. Essai transformé. 7. Claro - CosmoZ (Actes Sud) Le vingtième siècle, un zoo de la douleur humaine. Dans CosmoZ, les animaux internés ressemblent étrangement à certains des personnages les plus iconiques de la culture populaire. Balancés hors de leur féérie littéraire dans un monde qui n'en a jamais assez de jouer avec le feu de la destruction, Dorothy et ses amis sont à la recherche de L. Frank Baum et ne trouvent qu'explosions et mitraille, camps, asiles et usines. Un choix nous est présenté : soit homme de paille, soit homme de fer. Homme sans mémoire ou sans cœur, image éloquente du siècle où le progrès triomphe. Sans aucun doute le meilleur livre de Claro, cette manière d'anti-utopie est le chant assourdissant d'un demi-siècle dont, peut-être, seule l'amitié peut sauver. 8. Shelley Jackson - La mélancolie de l'anatomie (José Corti, trad. Bernard Hoepffner) Sang, cancer, fœtus, cheveux, cœur, etc., titres intermédiaires et éléments centraux, accumulent les sens et amènent le corps, dans son existence la moins polluée (la plus seule, disons, hors d'un éventuel esprit) à s'exprimer plus loin que sa propre présence ou que son habitude. Retournés de leurs buts, de leurs mécanismes presque, mués en entités autonomes mais souvenantes, les organes et autres présences (le sommeil, par exemple) deviennent les figures à la fois de leur lieu originel et d'une beauté comme imprévue, venue d'endroits a priori sans accords, de ces secrétions ne nous appartenant plus vraiment ou de ces modifications gluantes dont on ne sait que faire. Calme et élégant, évoluant jusqu'aux coins de son réel en séduisant par des approches dont on n'imaginait que peu l'efficacité et la souplesse, difficiles à mettre en mots rapides, La Mélancolie de l'Anatomie fait surprendre à partir du connu, fait vaciller les perceptions intimes et doucement fait se fondre le charnel et l'idéel dans des couches d'autre. 9. Vladimir Sorokine - Roman (Verdier, trad. Anne Coldefy-Faucard) C'est sous les atours de la plus parfaite simplicité que s'annonce Roman de Vladimir Sorokine, bien loin de l'image de déjanté et de dynamiteur de la littérature et de la langue russes que le lecteur français pouvait avoir jusqu'à présent de son oeuvre. Ici un jeune homme aux velléités artistiques retourne dans son petit village d'enfance pour s'y installer, retrouve ses parents, ses voisins, ses anciens amours dans un bucolisme exacerbé qui doit tout aux grands maitres du genre de la tradition russe, autant Tolstoï que Tourgueniev, Gogol ou Tchekov. Sorokine réinvestit les tropes (et les clichés) de cette littérature canonique comme autant d'étapes et de passages obligés du récit, innervant l'ensemble d'une tension permanente, au départ indécelable si ce n'est dans un subtil jeu d'allusions symboliques avant qu'elles ne deviennent elles-mêmes enjeu du récit. On se noie dans les grandes conversations sur l'âme russe, (cliché : tout roman russe dépeint l'"âme russe"), on se perd dans des repas gargantuesques (cliché : le russe est un bon vivant et passe son temps à table, à boire du thé et de la vodka), et des scènes prodigieusement écrites et d'aucuns diraient banales (une scène de bains vient à l'esprit) où l'on pourrait croire qu'il ne se passe rien et que tout n'est que surface, avant une transformation finale du récit qui, dans la puissance déployée et la fermeture d'un ensemble que l'on croyait tourner en roue libre, force l'admiration (cliché journalistique, ici vérifié et vérifiable) et provoque une persistance rétinienne rarement vue dans la littérature contemporaine. 10. Giorgio Vasta - Le temps matériel (Gallimard, trad. Vincent Raynaud) On a tous eu des jeux d'enfants, des jeux plus réels que le réel. Ceux de ces petits loups que sont Nimbe et ses deux camarades sont terribles. Dans une Italie au bord de l'implosion - elle vit en 1978 le traumatisme qu'est l'assassinat d'Aldo Moro et qui porte ses séquelles jusqu'à aujourd'hui - trois petits mecs de onze ans vont mettre le monde qui les entoure sans dessus dessous. La jeunesse, dans ce roman d'apprentissage ou de formation qui est en fait un roman de désapprentissage de l'enfance et de déformation de l'âge adulte, est évoquée avec une terrifiante justesse, plaquée sur les non moins terrifiantes années de plomb italiennes. Récit d'amitié autant que fiction sociale et politique, roman aux traits philosophiques porté par un lyrisme puissant (qui dans l'original mêle l'italien et ses patois), Le Temps matériel est un coup de maître de la part d'un auteur de quarante ans (qui n'est pas un novice puisqu'il exerce le métier d'éditeur) livrant son premier roman.
La littérature italienne contemporaine doit compter avec Giorgio Vasta. 11. Edgar Hilsenrath - Le nazi et le barbier (Attila, trad. Jörg Stickan et Sacha Zilberfab) Ecrivain allemand né en 1926, au parcours aussi burlesque et tragique que ceux de ses personnages - et pour cause, la part autobiographique y tient son importance -, Hilsenrath se voit considéré en Allemagne avec un bon paquet d'années de retard (à partir des années 80 pour une oeuvre commencée vingt ans auparavant), une oeuvre qui va à contre-courant de la pensée correcte qui n'admet alors pas trente-six manières de parler du passé récent de son pays et surtout pas du tabou holocauste juif. En France, c'est avec un retard encore plus grand qu'on (re)découvre Hilsenrath et sa fable grotesque à l'humour et au style mordants, dans une énergique nouvelle traduction : Le nazi et le barbier, à l'instar du Dictateur de Chaplin, continue à faire frissonner et provoque d'immenses éclats de rires. A le lire, on comprend qu'une certaine censure, la morale d'une époque l'aura empêché de publier dans son pays un pareil texte dans les années 70.
Nous sommes les petits-enfants de nos grands-parents Hilsenrath, ils ont connu le XXe siècle comme nous ne le connaîtrons jamais : la chronique de Papy Hilsenrath n'a pas d'égal. 12. Vladimir Nabokov - L'original de Laura (Gallimard, trad. Maurice Couturier) Longtemps, la Laura de Nabokov est restée ce beau mythe inaccessible, belle endormie inconnue et inachevée, blottie hors de portée des yeux profanes dans l'obscurité d'un coffre-fort, quelque part en Suisse. On en a maintenant la preuve, son prestidigitateur n'avait rien perdu de son agilité à manier les mots comme des jouets merveilleux, chaque phrase achevée devenant une girandole explosive rouge de plus dans ce bouquet final mélancolique. 138 index cards d'abord très élaborées, puis en informations éparses, bouts de phrases incomplètes, ébauches de directions, comme si l'histoire de Laura, et de son mari qui tente de s'effacer lui-même par un étrange processus mental, s'effilochait inexorablement, allant vers une conclusion qu'on sait pourtant inexistante. Dernière fiche reproduite, une liste de synonymes pour « effacer » : efface, expunge, erase, delete, rub out, wipe out, obliterate. Pour la dernière des dernières fois, avec son sourire malicieux, le magicien russe nous retire le tapis de sous les pieds, nous confrontant, sans l'avoir prévu, au mystère de sa création, secret qu'il a emporté avec lui dans ce au-delà (ou plutôt, ce par-delà) agnostique qu'il n'a cessé de scruter dans son écriture. 13. Rodrigo Fresán - Le fond du ciel (Seuil, trad. Isabelle Gugnon) Avec Le fond du ciel, Fresán apporte une nouvelle pierre à son Palais du Facteur Cheval romanesque, mais une pierre précieuse qui vient couronner l'édifice, et briller en texte de grande retenue et de maturité, à la suite de précédents romans toujours gloutons et excessifs. Histoire d'amitiés et d'amour, histoire de fins du monde, histoire de romanciers et de romans secrets et recherchés, histoire de soldats et de guerres... la constante de la multiplicité de récits et de la digression, couplée à l'inspiration pop - ici, la science-fiction, son histoire et ses codes littéraires comme matière romanesque - reste une marque de fabrique de l'Argentin. Contrairement à ses autres romans, Le fond du ciel est plus "classique", moins nerveux, certainement plus mûr et plus émouvant, en tout cas pas un roman de genre (ni s-f, ni po-mo, ni parodique), nous voilà face à du solide Fresán. Un tournant dans son oeuvre vers une direction qui ouvre de nouveaux horizons. Parlant d'horizon, pour avoir un aperçu du panorama Fresán, il faut noter la publication cette année de Vies de saints et la réédition de Mantra. Avec ces trois titres on aura alors un aperçu d'une des oeuvres les plus intéressantes que l'Argentine nous donne à lire. ------------------------- Photographie : Dan Swenson