Nous nous installons dehors, dans les rayons presque transparents d'un pâle soleil d'automne et, curieuse, je l'interroge : «Je vous regarde travailler depuis hier, et je suis impressionnée par la façon dont vous traitez les choses ; est-ce que vous avez toujours fait comme ça ? » Elle rit, et m'explique : «Pas du tout ! Voyez-vous, avant, je faisais tout très vite et n'importe comment, surtout ce qui ne m'intéressait pas trop... comme la cuisine, par exemple ! Je fourrais les choses en vrac, j'essayais d'y passer le moins de temps possible. C'était vrai pour toutes les tâches ménagères, et aussi une grande partie de mon travail : j'attendais toujours d'avoir fini tout ça pour pouvoir faire quelque chose qui me plairait, discuter avec des amis, ou écouter de la musique, ce genre d'activités. Et puis un jour je me suis aperçue que je passais de plus en plus de temps, comment dire, absente, en quelque sorte, indifférente. mais que le temps s'écoulait et ma vie aussi ! C'était comme si je ne vivais plus que quelques heures par jour et que, le reste, j'attendais que cela passe.
Au début, j'allais très lentement, j'avais besoin de temps, même si ce n'était pas pratique du tout ! Puis, petit à petit, j'ai réalisé que si je suis dans l'état d'esprit juste, je peux travailler normalement, et même plus vite qu'avant car je suis complètement présente à ce que je fais. Et je suis heureuse de le faire. »
Elle se tait un instant, tourne la tête vers la forêt, et ouvre les mains en me prenant a témoin : « Oh, ça commence avec de très petites choses, juste ce qui est là devant moi, par quoi d'autre pourrais-je commencer? J'appelle cela "prendre soin du monde". »
Et nous, allons-nous essayer aussi de prendre soin du monde ?
Source : "la Vie" novembre 2010