Il y a 195 millions d'années, le Steneosaurus régnait sur les océans du
Jurassique. Avec ses six mètres et sa dentition à la Julia Roberts, cet ancêtre du crocodile était du genre coriace. Pas assez néanmoins pour résister à la malheureuse chute
de météorite, qui devait avoir la peau de tous ses contemporains cuirassés. Quoique… À voir gambader Fabrice Santoro sur les terrains de tennis à trente-cinq ans passés, on est en droit de se
poser des questions. "Battling Fab", souvent qualifié de "crocodile" pour son aptitude à faire durer les matches sur terre battue au-delà du raisonnable, n'aurait-il pas hérité des gènes
du lointain saurien ?
On a vu plus glamour comme arbre généalogique, mais côté longévité rien à redire. Or, ce qui caractérise justement Santoro
l'immarcescible c'est son don d'étirer le temps pour avoir ses adversaire à l'usure. Souvenez-vous en mai 2004 à Roland-Garros. Six heures et trente-cinq minutes de match pour étouffer Arnaud
Clément dans l'ocre de la porte d'Auteuil. Record à battre. Pour le panache et les coups de génie on repassera, mais pour les tripes et l'endurance, chapeau l'ancêtre ! Le voir battre le record
du nombre de participations en tournois du grand chelem (62), jusque-là détenu par André Agassi, n'a donc rien de surprenant.
Mais la comparaison entre le "Kid de Las Vegas" et notre Hérode tricolore s'arrête là. Quitte à parler chiffres, autant
être exhaustif. Agassi a pris part à 61 tournois du grand chelem, y a disputé 253 matches pour 206 victoires. Santoro en a certes disputé 62, mais pour seulement 120 matches joués et 59
remportés. Sortez vos calculettes. À raison de 0,951 victoires par participation à l'un des quatre tournois majeurs du calendrier, le Français devrait encore enquiller plus de 38 saisons pour
espérer ne serait-ce qu'égaler le nombre de matches gagnés par l'Américain. Et on vous fait grâce des quatorze finales et huit victoires remportées par Monsieur Graf ! Santoro n'a donc pas fini
de jouer…Cela devrait l'emmener jusqu'à 73 ans au bas mot. Un truc de fou, à laisser ses os dans la terre battue et finir fossiliser dans le carré de service. Notez, ce serait les
paléontologues des siècles futurs qui seraient content. Trouver entier un squelette de Steneosaurus Santorus datant du XXIe siècle après J-C, c'est une découverte à vous ouvrir d'un coup
les portes de l'Académie des Sciences et du Tenniseum…