Ainsi, la Cnil se déclare très réservée quant à l’utilisation du vote électronique à des élections politiques. Elle relève qu’il « présente des difficultés accrues (…) pour les personnes chargées d’organiser le scrutin et celles chargées d’en vérifier le déroulement ».
La délibération du 21 octobre de la CNIL relève que « alors que le vote électronique commençait seulement à s’implanter en 2003, lors de l’adoption de la première recommandation de la Cnil [abrogée par le nouveau texte], la commission constate aujourd’hui que les systèmes de vote électronique sur place ou à distance se sont développés et s’étendent désormais à un nombre croissant d’opérations de vote et de types de vote ».
La commission souligne que le recours à de « tels systèmes doit s’inscrire dans le respect des principes fondamentaux qui commandent les opérations électorales : le secret du scrutin sauf pour les scrutins publics, le caractère personnel, libre et anonyme du vote, la sincérité des opérations électorales, la surveillance effective du vote et le contrôle a posteriori par le juge de l’élection. Ces systèmes de vote électronique doivent également respecter les prescriptions des textes constitutionnels, législatifs et réglementaires en vigueur ».
D’ailleurs, on peut s’interroger : quelle possibilité de « surveillance effective du vote » les ordinateurs de vote laissent-ils aux citoyens?
La commission constate que « en 2009, pour la première fois, la possibilité de recourir au vote électronique pour une élection nationale, au suffrage universel direct, a été introduite par l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France. Devant l’extension du vote par Internet à tous types d’élections, la commission souhaite rappeler que le vote électronique présente des difficultés accrues au regard des principes susmentionnés pour les personnes chargées d’organiser le scrutin et celles chargées d’en vérifier le déroulement, principalement à cause de la technicité importante des solutions mises en œuvre. Au cours des travaux que la commission a menés depuis 2003, elle a, en effet, pu constater que les systèmes de vote existants ne fournissaient pas encore toutes les garanties exigées par les textes légaux. Dès lors et en particulier, compte tenu des éléments précités, la commission est réservée quant à l’utilisation de dispositifs de vote électronique pour des élections politiques. »
La CNIL fait ensuite une recommandation qui « a pour champ d’application les dispositifs de vote électronique à distance, en particulier par internet. Elle ne concerne pas les dispositifs de vote par codes-barres, les dispositifs de vote par téléphone fixe ou mobile, ni les machines à voter ».
Comme Thierry Noisette (via ZDnet), la formulation sur « les machines à voter », exclues de cette délibération de la Cnil peut paraître curieuse, puisque la suite du texte semble bien porter autant sur les machines à voter dans des bureaux de vote que sur les systèmes de vote par Internet – à un moment il est question de « se connecter à distance ou sur place au système de vote ». Il est vrai que dans la « fiche pratique » que la Cnil consacre au vote électronique, on trouve cette… : « Ce qu’on appelle le vote électronique c’est essentiellement le vote par internet. »
La recommandation de la CNIL porte sur les sécurités informatiques, le scellement du dispositif de vote électronique, l’existence d’une solution de secours, la localisation du système informatique central, la confidentialité des données, les procédés d’authentification de l’électeur, ou encore la surveillance effective du scrutin.
On peut être troublé par le point suivant : « La mise en œuvre du système de vote électronique doit être opérée sous le contrôle effectif, tant au niveau des moyens informatiques centraux que de ceux, éventuellement, déployés sur place, de représentants de l’organisme mettant en place le vote ou d’experts désignés par lui ».
Quels sont ces « experts » ou dans organisateurs ? En quoi tout cela est plus « moderne » et surtout plus efficace que des bouts de papier que quiconque sachant lire et compter pourrait vérifier ? …
A lire et relire, ce passage d’un commentaire du Conseil constitutionnel sur l’élection présidentielle de 2007 : « L’intrusion des machines à voter dépossède les citoyens de tout cela. Elle rend opaque ce qui était visible. Elle met fin à une ‘communion citoyenne’. Elle prive le corps électoral de la surveillance collective des opérations dans lesquelles s’incarne le suffrage universel. »