Posté par Rémi Begouen le 26 décembre 2010
‘Je suis Pinpanicard, roi des papillons, roi des Patagons’… fut le ‘cri de guerre’ de mon prof de math (en 4°) qui, pas plus haut qu’un vulgaire Tsarko, sautait parfois d’un bond sur son bureau pour déclamer cela en nous interdisant de rire (il fut paraît-il interné en asile psychiatrique…).
A la même époque, j’entendis parler d’un ‘oncle d’Amérique’, parti faire fortune en Patagonie. Pas à la chasse aux papillons, mais à l’élevage des moutons : tels sont mes tout premiers contacts avec l’Argentine.
Plus tard, j’ai bien sûr appris que l’Argentine était le pays le plus ‘blanc’ de l’Amérique Latine (les autochtones Patagons ont disparu, laissant leur nom à cette vaste région – de même, les autochtones Caribéens d’Hispaniola ont disparu, laissant leur nom à Haïti !). Ensuite, ce fut plus politique : un jeune sous-lieutenant me confia, à la fin de la guerre d’Algérie, qu’il allait ‘poursuivre sa mission occidentale dans l’armée argentine’, sic ! Il était connu pour ses convictions pro OAS, moi (sous-off) pour l’inverse, il fallait donc qu’il fut bien bourré pour me dire ça… mais j’ai depuis appris ‘les exploits’ de ces cinglés d’officiers fascistes français en Amérique, en général, et en particulier en Argentine… Ouf ! J’ai depuis, à Genève vers 1982, eu un génial ami Argentin : ce beau gosse était guitariste et chanteur de rue, réfugié clandestin. Je contribuais à lui trouver de ‘vrais faux papiers’…espagnols ! Aujourd’hui, la (relative) démocratie argentine reconnaît qu’elle a eu aussi des esclaves noirs (bien moins que le Brésil !), qu’elle a exterminé presque tous ses autochtones – elle en protège les derniers -, ceci après bien des décennies de dénégations et de dictatures, sous une forme ou une autre… L’important reste sociologique : l’Argentine (rêvant de l’exploit des USA ?) se ressent ‘européenne’ d’origine, et effectivement les ancêtres de ses citoyens furent espagnols, italiens, allemands, britanniques, français, etc. ou membres de diverses diasporas, juives d’abord, puis peu à peu asiatiques (Japon, Chine) et surtout moyen-orientales (Liban, Syrie, Palestine…). Et l’important est surtout le présent et l’avenir : un laboratoire de contre-pouvoirs, tel est le sous-titre du très beau petit livre (20 E), format à l’italienne, créé en 2006 par les ‘Éditions Alternatives’ : ‘L’Argentine Rebelle’, de la journaliste Cécile Raimbeau et du photographe Daniel Hérard, tous deux excellents. Il paraît qu’existe sur ce thème un bon film documentaire, mais je n’ai pu en trouver trace, avis aux amis chercheurs de compléter cette lacune !
Il n’est pas possible ici d’entrer dans le détail de cet ouvrage si riche. J’en donne d’abord la table des matières pour un survol rapide, puis l’éloquente quatrième de couverture :
- Avant-propos : la résonance des casseroles
- Introduction : Pour comprendre la crise et les rebellions qu’elle nourrit… (1- De la dette au pillage, une économie ruinée -2- Petit glossaire très argentin) - 1° partie : Quand les élus ne représentent plus… (1- L’Argentinazo -2- Révolutionner la démocratie) - 2° partie : Quand le pouvoir d’achat chute… (L’économie de bric et de troc) - 3° partie : Quand les services publics disparaissent… (1- Les utopies voyagent en bus -2- les habitants de Don Orione se sauvent des eaux) - Cahier photo (en noir et blanc, plus de 60 pages, presque la moitié du livre !) - 4° partie : Quand les usines ferment… (1- Zano passe sous contrôle ouvrier -2- Un palace aux mains des travailleurs) - 5° partie : Quand les chômeurs n’ont rien ou si peu… (1- Les chômeurs prennent le ciel d’assaut -2- Être toujours rebelle) - Conclusion (ces autres mondes possibles…)
- Quatrième de couverture :
«Parce que l’on reproche souvent aux altermondialistes d’être plus adroits à contester joyeusement qu’à construire, les auteurs de ce livre ont voulu raconter comment des rebelles argentins apportent des solutions innovantes à des problèmes concrets.
Quand les élus ne les représentent plus, des citoyens organisent la démocratie directe dans leurs quartiers. Quand le pouvoir d’achat chute, l’économie se fait de bric et de troc. Quand les usines ferment, les licenciés refont tourner leurs chaînes de production sans patron…
Ces expériences argentines proposent des réponses qui peuvent également intéresser les vieilles démocraties doutant de leur avenir, confrontées à la crise de représentativité, à la baisse du pouvoir d’achat, à l’augmentation du chômage…
En textes et photos, voici donc l’histoire de la rébellion de citoyens qui nous ressemblent, en réaction à des crises qui nous menacent. »
Vision menaçante, prémonitoire de la France, de l’Europe, en 2011-2012 ?