Les atlas géopolitiques fleurissent de nos jours : la chose est doublement logique, car on voit mal comment tenir un discours géopolitique pratique sans cartes, tandis que les cartes, représentations pas aussi neutres qu’on le croit trop souvent, ont besoin d’être mises en perspective pour justement décrypter leur langage.
Ces atlas doivent donc répondre à un triple impératif : celui d’une cartographie de qualité, celui des textes explicatifs ajoutant une réelle plus-value, celui enfin d’une vue d’ensemble assez synthétique pour donner à l’ouvrage une unité de vue et de ton.
Disons d’emblée que l’Atlas géostratégique du Proche et du Moyen-Orient répond parfaitement à ces critères, ...
... et qu’on a honnêtement du mal à lui trouver des défauts. Le titre donne à lui seul le ton : en précisant « Proche et Moyen-Orient », les auteurs distinguent ce qui est usuellement regroupé dans un vaste conglomérat. Ils précisent que si les limites de la région ont pu évoluer dans l’histoire, ils s’en tiendront à la zone s’étendant « des confins de ce qui fut l’Empire perse à ceux de ce qui fut l’Empire ottoman ». La guerre froide a fait de la région une zone de clivage ; la notion plus récente de grand Moyen-Orient, « englobant tout, (...) a fait long feu ». C’est que « le facteur énergétique est et sera de plus en plus central », n’en déplaise aux tenants d’approches plus ethniques ou religieuses, qui n’expliquent finalement pas assez la dimension « géostratégique » de la région.
Les cartes, tout d’abord : admirons tout d’abord leur unité de conception, avec une charte graphique cohérente au long de l’ouvrage et des légendes appropriées. Les cartes « illustrent » les thèmes choisis, et répondent au texte qui leur fait face. Elles sont claires et parlent immédiatement, tout en donnant des informations assez nombreuses pour ne pas être « plates », si l’on m’autorise cet adjectif paradoxal s’agissant d’une carte : cela signifie que le premier abord est efficace, mais que cette limpidité apparente permet un approfondissement toujours éclairant : ces cartes autorisent deux niveaux de lecture. Le texte, justement, met en perspective les faits et les explications, dégageant les grandes tendances. Le style est clair et direct : il donne les informations, mais également dégage les tendances et trace des perspectives. Le principe du livre (un thème sur une double page, avec un texte et une carte, plus éventuellement quelques données chronologiques ou chiffrées) permet d’obtenir un outil documentaire très solide : le but d’un atlas n’est-il pas de servir de références ?
L’unité de l’ouvrage vient justement du découpage retenu, et des thèmes choisis : une partie historique (du démantèlement de l’Empire ottoman à la création de l’Etat d’Israël), une géographique (intitulée « forces profondes »), une politique, qui dresse la fiche des Etats de la région, avec notamment les découpage administratif de chacun. L’ouvrage évoque ensuite la période vaquant de la guerre froide à la décolonisation puis décrits les conflits ayant éclaté depuis 1980. Les deux dernières parties traitent des « dossiers d’aujourd’hui » (au hasard : Israël-Palestine, la présence américaine, la Russie, le nucléaire, le terrorisme, chrétiens d’Orient, démocratie, ...) puis des « scénarios de crise » plus prospectifs (par exemple avenir d’Israël, cohésion du Liban, le pouvoir égyptien face aux islamistes, etc.).
Signalons enfin la commodité de l’ouvrage : son format italien (en paysage), sa couverture cartonnée, son papier de bonne facture, son prix modique enfin sont autan de raisons qui incitent à le conseiller : incontestablement, c’est une référence destinée à agrémenter un fond de bibliothèque géopolitique. En fait, c’est immédiatement ce qu’on appelle un classique.
Atlas géostratégique du Proche et du Moyen-Orient, Pierre Valaud, Xavier Baron
Perrin et Presses de l’université Saint-Joseph (Beyrouth 2009 et Paris pour l’édition française), 175 pages, 26 euros
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O. Kempf