Relations Vatican - monde musulman
L’intérêt des USA pour le dialogue interreligieux
Washington a suivi les développements liés au discours du pape Benoît XVI en septembre 2006.
La relation du Vatican avec le monde musulman intéresse les Etats-Unis au plus haut point. Peut-être parce que le gouvernement américain cherche lui-même à redéfinir son propre rapport à l’Islam, mis à mal par la «war against terror», le Saint-Siège a accaparé les regards de l’Administration américaine. Et c’est avec un intérêt accru que les Etats-Unis ont suivi les développements liés au discours prononcé, en septembre 2006, par le récemment élu pape Benoît XVI. A quelques jours de sa première visite officielle en Turquie, le cardinal Joseph Ratzinger s’adresse à l’université de Ratisbonne, en Allemagne.
Son discours, intitulé «Foi, raison et université - Souvenirs et réflexions» fera scandale. Et pour cause, il y cite les dires de l’empereur byzantin Manuel II, qui lient Islam et violence. «Il a expliqué que le prosélytisme par la violence est inacceptable pour les chrétiens, mais pas nécessairement pour les musulmans. La réelle citation inclut une référence acerbe au prophète Mohammed. Cette référence, une très petite partie de la conférence, suscite des réactions enflammées dans le monde musulman, ainsi que quelques explications contrites de Rome et des commentaires considérables», peut-on lire dans un câble diplomatique daté de septembre 2006. Et l’ambassadeur américain au Vatican de commenter : «Pour l’instant, il est clair que le souverain pontife a créé une controverse non désirée, avec des implications potentiellement dangereuses et nuisibles. L’on pense que le pape, un universitaire retiré et studieux de nature, n’avait tout simplement pas imaginé que sa référence historique pourrait causer de telles brûlures d’estomac.
Tandis que certains blâment les médias ou les semeurs de troubles musulmans, l’on pense surtout que cette tempête aurait facilement pu être évitée», estime-t-il. Toutefois, l’ambassadeur ne semble pas pencher pour la thèse de l’inadvertance. Car il est évident que dans le monde d’aujourd’hui, impossible que l’on eut pu supposer qu’une telle référence, «par le pape! », qui dit que le prophète Mohammed était «mauvais et inhumain», passerait inaperçue. «Benoît XVI est connu pour être quelqu’un de méticuleux. Il se prépare pour une importante visite à Istanbul. Son évocation de Manuel, un empereur dont la vie a été définie par le combat avec les Ottomans qui ont détruit son empire quelques décennies plus tard, doit avoir été délibérée. De même, la décision de citer les paroles précisément, – plutôt qu’une paraphrase plus douce – est importante», analyse le diplomate. Ce qui pourrait faire comprendre que le pape, qui s’oppose farouchement à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, a délibérément choisi une voie «moins diplomatique et plus évangélique, avec une forte volonté de dire des choses politiquement incorrectes».
Retenir les leçons
Avis partagé par l’ambassadeur, qui souligne que «Benoît XVI a très probablement soigneusement choisi ses mots et ne répugnait pas à ce que ses dires soient interprétés comme du scepticisme envers l’Islam. Mais il n’avait sûrement pas l’intention de mettre le feu aux poudres entre chrétiens et musulmans», estime-t-il. Et l’Administration US entend bien retenir la leçon de la bévue pontificale. «De notre point de vue, un quelconque commentaire du gouvernement quant à cet événement doit souligner que les propos du souverain pontife ont été mal interprétés. De même, insister sur notre profond respect de l’Islam», conclut l’ambassadeur.
Dans un autre câble, daté de décembre 2009, l’on apprend aussi l’étendue de l’intérêt porté par les Etats-Unis au dialogue interreligieux initié par le Saint-Siège. Canaux que le gouvernement US voudrait intégrer, en s’engageant avec le Vatican à promouvoir «la compréhension et l’action interreligieuses», car «les dialogues ne peuvent qu’aider à prévenir et à aplanir les malentendus et les tensions entre les populations». Toutefois, pour l’Administration américaine, une grande question reste posée : «Comment traduire les hauts principes moraux que les religions majeures apportent à la table du dialogue en actions concrètes ?».