J'ai relu ce poème de Michaux hier.
je pense qu'il y a dans ce texte une intuition puissante de ce qu'est l'éveil : une Présence où le moi se perd dans la démesure, un envol soudain vers la verticalité.
Mais pour Michaux l'éveil est une grâce, une chance, un gros lot.
Nous savons pourtant qu'il existe des chemins vers cette immensité. Il serait intéressant de voir si Michaux en avait connaissance.
jlr
"Mais Toi, quand viendras-tu ?
Un jour, étendant Ta main
Sur le quartier où j’habite,
Au moment mûr où je désespère vraiment ;
Dans une seconde de tonnerre,
M’arrachant avec terreur et souveraineté
De mon corps et du corps croûteux
De mes pensées-images, ridicule univers ;
Lâchant en moi ton épouvantable sonde,
L’effroyable fraiseuse de Ta présence,
Elevant en un instant sur ma diarrhée
Ta droite et insurmontable cathédrale ;
Me projetant non comme homme
Mais comme obus dans la voie verticale,
TU VIENDRAS .
Tu viendras, si tu existes,
Appâté par mon gâchis,
Mon odieuse autonomie ;
Sortant de l’Ether, de n’importe où, de dessous
Mon moi bouleversé peut-être ;
Jetant mon allumette dans Ta démesure,
Et adieu, Michaux.
Ou bien, quoi ?
Jamais ? non ?
Dis ; Gros lot, où veux-tu donc tomber ?"
Henri Michaux, LOINTAIN INTERIEUR, 1938