La fille de l’auberge
Elle approchait du lit, soutenant
dans les deux coupes de ses mains
des seins très lourds
façon d’offrande aussi
la plupart du temps l’homme riait
grassement
avant de la culbuter à lui
on la disait facile
on ne voulait pas trop savoir
ce que devait coûter la pension pour l’enfant
maladif, dans un village de la côte
à cause du bon air
elle,
devait vivre ici, la fille de l’auberge
la bonne à se faire, dans ce pays de ciels bas corbeaux
de brûlis, d’hommes tronçonnés par la peine, de femmes
à force mauvaises
Mais quand elle se relevait au petit matin
secouant ses cheveux dans un geste d’élégance
innée, puis qu’elle se dirigeait
vers la cuvette, avec ses bas roulés sous les genoux
ses seins ballants
douloureux
l’homme parfois
était pris de tendresse
et il lui venait comme un tressaillement d’âme
la vision un instant entraperçue
d’une beauté les dépassant tous les deux -
(Jean-François Dubois)