Pour ces fêtes de fin d’année évoquons le dessin animé “Fantasia” de Walt Disney. Vous souvenez-vous de la séquence de “l’apprenti sorcier” où Mickey est le domestique d’un magicien qui a le pouvoir de donner vie aux objets animés ?
Profitant du sommeil de son maître, Mickey s’empare du chapeau du magicien et ordonne au balai d’aller chercher de l’eau à sa place, mais le balai ne s’arrête plus. En désespoir de cause Mickey le brise en morceaux... lesquels deviennent une armée de balais qui tous continuent à chercher de l’eau et inondent la maison. La séquence se termine par le retour du magicien qui met fin à ces débordements et, d’un geste rageur, reprend son chapeau.
En écrivant cet article j'apprends que les studios Disney mettent en vente pour les fêtes un DVD du film "remasterisé" ainsi que "Fantasia 2000", le second volet de la saga, réalisé 60 ans après. Mais, je vous le promets, mon article n'a aucun rapport avec cet évènement commercial.
A ce stade de la lecture, je vous entends me dire : "Quel rapport avec le musée du Louvre ?"
Eh bien il y en a un, plus précisément avec cette vitrine du département des antiquités égyptiennes consacrée aux “serviteurs funéraires” (en égyptien chaouabti ou ouchebti).
Pour les anciens égyptiens la vie dans l’au-delà était à peu près équivalente à la vie terrestre. Les privilégiés qui souhaitaient conserver leur vie confortable se firent donc accompagner dans leurs tombes par des serviteurs sous formes de statuettes portant l’incantation suivante “Ô ce chaouabti, si je suis requis pour faire une corvée, présent diras tu”. Au début, chaque mort n’en avait qu’un dans sa tombe, au fil du temps leur nombre augmenta pour atteindre parfois plusieurs centaines pour un défunt.
Cette coutume frappa les voyageurs Grecs et Romains et des légendes se répandirent selon lesquelles les prêtres égyptiens avaient le pouvoir d’animer les objets. C’est ici qu’entre en scène Lucien de Samosate un écrivain du IIe siècle de notre ère. Né en Syrie il voyagea en Grèce et en Gaule et ses écrits lui valurent la célébrité. Puis il s’installa en Egypte où il occupa des fonctions administratives et juridiques. Écrivain satirique, Lucien de Samosate se moquait des travers de ses contemporains. Sceptique et rationaliste il plaidait en faveur de la raison, mais ne pouvait s'empêcher d'éprouver un malin plaisir à le faire sous forme de contes. Dans “Les amis du mensonge ou l’incrédule” il nous transporte dans le milieu des philosophes qu’il connaît bien. Au premier abord ces gens sont renommés pour leur sérieux et leur savoir, d’ailleurs ils portent tous la barbe et ont une mine sévère. Mais Lucien ridiculise leur tendance à croire au surnaturel et aux histoires les plus extraordinaires sans faire preuve d’esprit critique. :
“Lorsque dans ma jeunesse, je vivais en Egypte, où mon père m’avait envoyé pour m'instruire dans les sciences, il me prit l’envie de remonter le Nil. En remontant le fleuve, il se trouva parmi nous un citoyen de Memphis, l’un des scribes sacrés, homme admirable par son savoir et versé dans toutes la doctrine des Égyptiens. On me dit même qu’il était resté pendant vingt trois ans dans les sanctuaires souterrains, où Isis l’avait initié aux mystères de la magie. Je parvins à m’insinuer dans son amitié au point qu’il me communiqua tous ses secrets. A la fin, il m’engage à laisser les esclaves à Memphis et à le suivre seul, en me disant que nous ne manquerions pas de serviteurs. En effet, voici ce que nous faisions.
Lorsque nous arrivions dans une hôtellerie, mon homme saisissant un balai lui mettait un habit et, prononçant sur lui une formule magique, le faisait marcher. Ce domestique allait nous puiser de l'eau, faisait la cuisine, rangeait les meubles et se montrait en tout serviteur intelligent et actif. Lorsqu’ensuite il n'avait plus besoin de ses services, par un second enchantement, il le rendait à nouveau balai. Quelque désir que j'eusse d'apprendre ce secret, je ne pus l'obtenir de l'Egyptien. Un jour, cependant, caché dans un coin obscur, j'entendis à son insu la formule magique. C'était un mot composé de trois syllabes. Le lendemain, pendant que mon Égyptien était occupé sur la place publique, je prends le balai, je l'habille, je prononce les trois syllabes magiques et je lui ordonne d'aller puiser de l'eau. Il m'en apporte une amphore toute pleine. "En voilà assez" lui dis-je. Mais le voilà qui refuse de m'obéir; il continue d'apporter de l'eau et en remplit toute la maison. Je saisis donc une hache et le coupe en deux. Aussitôt chaque morceau de bois prend une amphore et va puiser de l'eau. Sur ces entrefaites l'Egyptien revient, devine aisément ce qui s'est passé, et change en bois mes porteurs d'eau, comme ils étaient avant l'enchantement."
Bien des siècles plus tard l'écrivain Allemand Johann Wolfgang von Goethe s'inspira de cette histoire pour composer, en 1797, un poème intitulé "L'apprenti sorcier". En 1940 Walt Disney s'en inspira à son tour en créant "Fantasia".
Il me reste donc, chères lectrices et chers lecteurs à vous souhaiter un joyeux Noël et une bonne année et je vous donne rendez-vous, pour un prochain article, le 7 janvier 2011.