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« Ça y est, c’est les vacances de Noël… Et si on en profitait pour aller au cinéma ? Avec toutes les sorties de dessins animés et de films grand public, c’est le moment de se faire une toile en famille. En ce moment, la plupart des grosses sorties au cinéma se font en 3D. Depuis le succès d'Avatar, difficile de passer à côté du phénomène. Aujourd'hui, le mot d'ordre pour les studios est : la 3D.
Et comme c'est dans l'intérêt de toute l'industrie dominante du cinéma, mon petit doigt me dit qu'on va continuer à en bouffer de plus en plus. Pour les studios, c'est une assurance (bien mince) contre le piratage. Pour les distributeurs, c'est la garantie pendant encore une paire d'années d'un buzz positif dans les médias avant que la curiosité ne s'émousse. Pour les salles, c'est une marge supplémentaire non négligeable à chaque ticket. Les salles indépendantes qui avaient déjà du mal à s'équiper en Dolby Surround n’ont plus qu’à suivre ou à disparaître.
Je ne vois pas, pour l'instant en tout cas, la 3D comme un apport révolutionnaire au cinéma, c'est sympa pour une attraction au Futuroscope mais le but du cinéma est de raconter des histoires. Le passage du muet au parlant et le passage au tout numérique (chaîne de production et trucages) ont à mon avis bien plus modifié le cinéma que ne pourra le faire le port de grosses lunettes à 3€ la séance.
Ce n'est pas le seul problème de la 3D. Les tarifs suivent cette course au progrès de façon hallucinante. Déjà qu'une place à 7€90 (à Louviers) c'était bien cher payé et il faut rajouter 1,80€ (à Louviers) pour un film 3D ? Ne nous plaignons pas, à Paris, ce sont 12€ à 13€ la séance auxquelles il faut rajouter 3€ de location de lunettes. Pour ceux qui ont connu les francs, faites la conversion. Cela fait très mal au porte-monnaie quand on veut se faire un plaisir en famille et en plus il semblerait que les tarifs vont encore augmenter, du moins si la France s'aligne sur la tendance qui prévaut aux Etats-Unis.
Il y a évidemment des mobiles économiques dans cette diffusion de la 3D, la vente de projecteurs en est un des principaux. Il faut dénoncer par ailleurs les pressions qui sont exercées sur les propriétaires de salles pour qu’ils adoptent ces technologies. Parce qu’il y a de l’argent à se faire dans la vente des nouveaux projecteurs digitaux. Et puis un cinéma sans projecteur 35mm et sans bobines de film, est-ce toujours un cinéma ? Le métier de projectionniste est donc en passe de disparaître. Il n’y aura plus besoin de technicien spécialisé pour monter les bobines, utiliser et entretenir les projecteurs et faire vivre ce lieu secret, qu’est la cabine de projection. Un endroit magique d’où sort le faisceau lumineux mystérieux que tout enfant à tenter de saisir un jour. Un opérateur lambda qui lance le film sur un PC est bien suffisant.
Pendant ce temps, les constructeurs d'écrans, Sony, Samsung, Philips, LG... fournissent leur nouveau matériel ‘‘qui tue’’ pour avoir la 3e dimension jusque dans son canapé. Et puis pour les grands studios américains, il n’y a pas de petits profits. Pour voir un film en 3D dans son salon, exit le DVD, il faudra investir obligatoirement dans le Blu-Ray. Et où ces studios ont-ils unanimement décidé de fabriquer leur Blu-Ray ? Un peu d’imagination… Dans les pays à faible coup de main d’œuvre bien sûr. Pour l’Amérique du Nord, c’est le Mexique et pour l’Europe c’est la Pologne. Il y a certainement des travailleurs dans leur usine de DVD à Louviers qui ont du souci à se faire.
A chaque fois qu’Hollywood voulait gagner plus de fric, il s’est tourné vers la technologie : le son, la couleur, l’écran large, le cinérama, le son stéréophonique, et maintenant la 3D. Pourtant, il existe depuis des années un procédé révolutionnaire appelé MaxiVision48 qui double la qualité des films en passant de 24 à 48 images par seconde mais on ne le verra jamais car pour Hollywood il y a moins d’argent à gagner qu’avec la 3D.
Je ne suis pas totalement opposé à la 3D, bien entendu. A la Géode ou au Futuroscope, c’est sympa, mais il ne faudrait pas qu’elle devienne le standard d’Hollywood. Et puis reconnaissons, c’est un fait, que dans tous les cinémas qui ont des salles équipées en 3D la qualité et la diversité de la programmation sont en chute libre. Il est de plus en plus difficile d’y voir des films d’auteur. Le jour où un réalisateur comme Martin Scorcese utilisera la 3D, peut-être ferai-je l’effort d’aller en voir un. Mais ce n'est même pas sûr.
Alain Lefeez