2010 s’achève, dans la douleur. La crise économique oblige les peuples européens à naviguer en plein brouillard, sans garantie sur l’avenir de leur union, sur la solidité de leurs institutions, ni sur la survie de leur monnaie. La crise sociale accentue toujours l’écart entre les plus riches et les plus pauvres, installant l’injustice comme une norme. Et la crise morale s’installe partout, elle conduit, comme aux moments les plus troubles du siècle dernier, à l’exacerbation des nationalismes et à la recherche désespérée des boucs émissaires.
Cette triple crise est certes mondiale, et plus spécifiquement européenne. Mais elle est aggravée, en France, par ce mélange de désinvolture et de cynisme qui semble être décidément la marque du sarkozysme. La crise économique devient inextricable quand le déficit de l’Etat est multiplié par quatre en trois ans (2007-2010). La crise sociale devient insoutenable quand, dans le même temps, l’on donne à ceux qui ont (avec le bouclier fiscal ou la suppression des droits de succession) et l’on prend à ceux qui n’ont pas (avec les coups portés aux emplois aidés ou à l’allocation adulte handicapé). Et la crise morale devient insupportable quand elle est flattée par des débats artificiels et alimentée par d’hypocrites amalgames.
Donc, il faut changer. Il faut une autre politique pour la France, et seuls les socialistes peuvent l’incarner vraiment. Mais cela n’arrivera pas sans la confiance du peuple, qui se mérite, qui se gagne, qui se conquiert à force de travail et de persévérance. L’échec de Nicolas Sarkozy ne suffira pas à faire le succès de la gauche. La victoire des socialistes dépendra de leur capacité à être compris des Français. En d’autres termes elle dépendra de leur crédibilité.
Crédibilité politique, d’abord. Les socialistes doivent convaincre qu’ils peuvent, vraiment, dans la réalité quotidienne de la vie telle qu’elle est, avoir une influence sur le cours des choses. Cela suppose d’identifier les défis, et d’oser, sans œillères et sans tabou, inventer des solutions qui peuvent être radicales. C’est que j’appellerai le sens de la radicalité réaliste. L’utopie du possible : voilà ce qui nous manque encore, pour parler à un peuple qui a soif de changement mais à qui plus personne ne pourra raconter d’histoires.
Crédibilité économique, ensuite. Une seule question se pose, dès décembre 2010 : comment réussir de 2012 à 2017 ? Et pour cela, il faut avoir le courage de ne pas dire oui à tout par démagogie, ni non à tout par prétendu réalisme. Il faudra identifier des priorités et se donner des marges de manœuvre pour les traiter, en utilisant notamment le levier fiscal : les socialistes peuvent porter l’idée d’une véritable nuit du 4 août de la fiscalité, qui abolira les privilèges anachroniques, et qui renouera avec deux fondements de l’impôt- son universalité et sa progressivité.
Crédibilité démocratique, enfin. Attention à l’image que les socialistes donnent d’eux-mêmes. La période est grave, et nous devons nous comporter avec gravité, c’est-à-dire, notamment, avec sens du collectif. Il serait néfaste que les socialistes cèdent à ce mal français, qui consiste à réduire toute vie publique à des enjeux de personnes. Il y aurait dans cette attitude quelque chose d’immature, de profondément monarchique, et surtout de contraire à la culture politique de la gauche républicaine. Les socialistes, plutôt que de se perdre dans des querelles d’individus, doivent élaborer ensemble, dans un vrai esprit de responsabilité, des réponses à tous les enjeux qui intéressent directement les Français. Car la victoire de 2012 naîtra de la confiance retrouvée, c’est-à-dire de l’esprit de solidarité, de la patience, du courage et de l’humilité.
Ces trois exigences- crédibilité politique, économique, et démocratique- sont indissociables les unes des autres, et le défi de 2011 sera, pour les socialistes, de les porter toutes sans en écarter aucune.
Mon vœu le plus ardent, pour l’année qui s’ouvre, c’est, pour mon pays, que la gauche retrouve les moyens de la victoire. Je suis convaincu que c’est possible, et chacun devra y contribuer à la place qui sera la sienne.
A toutes et à tous, je souhaite une année 2011 pleine de projets, de réalisations, et de sérénité.
A bientôt
Bertrand Delanoë