Il est réapparu ! Alléluia ! Nicolas Sarkozy était visible mardi dernier. Il visitait un hôpital tout neuf en Avignon, avec «
Carla ». A force de prendre du recul, Nicolas Sarkozy s'est « monarchisé. » Aux personnels médicaux qui l'écoutèrent quelques minutes, il leur parla respect. La preuve qu'il
comprend, même Carla lui a dit que l'hôpital, c'était important. Le président des Riches, devenu pauvre monarque, voulait s'expliquer « franchement » et « clairement ». Et
faire oublier la pagaille qui règne à l'UMP, la polémique sur le moratoire photovoltaïque et les menaces judiciaires qui se précise à l'encontre de son ancien proche et trésorier Eric Woerth.
Attention, le Monarque se déplace avec Carla.
Mardi 20 décembre, Nicolas Sarkozy a tenu son dernier conseil de ministres avant le réveillon de Noël. Il a exigé que
« la transparence la plus totale » soit faite dans l'affaire du
Mediator. On se souvient qu'il avait décoré lui-même Jacques Servier, patron-fondateur du laboratoire pharmaceutique fabricant le médicament incriminé, d'une légion d'honneur en juillet 2009. Le
jour même, il s'était rendu dans la ville d'Avignon, « à la rencontre des personnels de santé ». La photo retenue pour illustrer le déplacement sur le site internet de la Présidence de
la République le montre de dos, entouré d'infirmiers et personnels médicaux quasi-enthousiastes. Que s'est il donc dit lors de cette rencontre pour provoquer une telle liesse populaire
inhabituelle en Sarkofrance ?
L'intervention fut brève, d'une dizaine de minutes. Point d'estrade, le propos se voulait « improvisé », Sarkozy est
à la hauteur de son assistance, et les deux caméras d'Elysée.fr à sa hauteur. Nicolas Sarkozy était venu avec Carla, une initiative étonnante pour un déplacement politique. Le lieu avait été bien
choisi, l'hôpital vient d'être rénové par un plan d’investissement de 58 M€. Il n'est pas allé à l'hôpital Tenon, à Paris. Les journalistes sont tenus à l'écart de la visite. On n'aura droit qu'à
ces images officielles.
« Oh la, je ne savais pas que vous seriez aussi nombreux et aussi nombreuses... » commença Sarkozy, faussement
modeste, debout aux cotés de Carla Bruni, dans une salle du centre hospitalier Henri Duffaut. « Bon... Mesdames et messieurs... compte tenu de la chaleur ambiante » (rires) «...
et du fait que vous êtes debout, je ne vais pas faire un long discours, je voulais juste vous dire quelques mots et vous expliquer la raison de notre visite avec Carla et les
ministres.»
Ah ! Cette familiarité si répétitive ... Carla est là, à ses côtés.. Sarkozy remercie ses ministres et la maire
d'Avignon.
La sincérité, ou l'amnésie version Sarkozy
« Je veux vous parler franchement de l'hôpital et de la santé. Rarement un président de la République est venu autant de
fois visiter les hôpitaux. Pourquoi je le fais ? Je le fais pour deux raisons. La première est parce que le personnel hospitalier, médical et non médical, du grand professeur à la sage femme, de
l'administratif aux services actifs, je suis frappé, et les Français doivent le savoir, par votre dévouement et par votre compétence. Et pour tout dire, je n'aime beaucoup la façon dont souvent
on parle dans les médias de l'hôpital et de la santé. (...). je trouve qu'on ne rend pas hommage, assez, aux trésors de dévouement du personnel hospitalier.»
Nicolas Sarkozy, ce mardi, était tout miel : « La visite d'un président de la République et d'un ministre de la santé, ça
sert aussi à mettre en valeur le travail des un million cent mille personnels qui se dévouent dans les hôpitaux de France.» On oublierait ses annonces de 2008, quand il voulait « pointer du doigt les plus mauvais résultats » des hôpitaux
français. En 2010, Sarkozy ne clive plus, il veut rassembler.
Mais Sarkozy voulait expliquer, à sa façon, la rigueur budgétaire. Evidemment, il ne venait pas commenter le
maintien du bouclier fiscal ou des niches fiscales, la hausse du forfait hospitalier à charge des patients, la faible contribution des hauts revenus ou du capital à l'effort national, ni même son
hostilité encore récemment réaffirmée contre la création d'une nouvelle tranche supérieur de l'impôt sur le revenu. Non, ce mardi, Sarkozy voulait expliquer (1) qu'il y avait des bons et des
mauvais hôpitaux, (2) que la santé coûte cher, et (3) que l'équilibre budgétaire était son devoir.
« La deuxième raison de ma visite, et je ne serai pas long, et je veux que vous le compreniez, c'est la question du
budget et des choix financiers. (...). Le budget de l'hôpital a augmenté de 3% cette année. Il a augmenté de 3% l'année dernière alors qu'on était en récession. (...). Et l'année prochaine, il
augmentera de 2,9. Cette année, il a augmenté de deux fois plus que la croissance. C'est justifié. Parce que les médicaments coûtent plus chers, parce que votre travail est
difficile, parce que les machines coûtent plus cher, et parce que la diminution des temps de séjour à l'hôpital est financièrement plus que compensé ou moins que compensé par l'accroissement du
coût de l'investissement et des technologies qu'il faut. »
La santé, ça coûte cher ! Il faut culpabiliser l'assistance. Notez la précision : les médicaments et les machines coûtent
plus cher. Des salaires, point d'allusion. Et pourtant, les salaires représentent quelque 70% du budget
d'un hôpital... En mars dernier, le Monarque, sagement assis lors d'une table ronde
sur l'avenir de la fonction publique, expliquait d'ailleurs que la santé publique ne manquait pas de personnel : « sur les 10 dernières années, il y a eu 100 000 personnels de plus. Je ne
peux pas laisser dire que les hôpitaux manquent de personnel. C'est faux ! 100 000 personnes de plus ! ça gêne quand j'dis les choses ! » Evidemment, ce mardi, Sarkozy n'était pas aussi
bravache.
« Mais en même temps, je ne peux pas rester avec les 2/3 des hôpitaux qui sont en déficit. Je voudrais d'ailleurs vous
féliciter parce que le vôtre a diminué son déficit en deux ans de près de la moitié, mais ce n'est pas sain en tant qu'outil de travail. On ne peut pas vivre en déficit... (...) Il n'y a personne
qui peut vous dire qu'un hôpital qui en déficit n'est pas un hôpital qui est menacé. Il ne s'agit pas de faire de la marchandisation de la santé, mais chacun peut comprendre que cela ne peut pas
fonctionner. »
Non, chacun ne peut pas comprendre que la cinquième économie du monde n'ait pas de quoi se payer une santé fusse-t-elle plus
chère pour des raisons démographiques évidentes. A-t-on oublié la réforme hospitalière menacent quelque 200 blocs opératoires parce qu'ils ne sont pas « rentables » ?
Sarkozy poursuit : « Un mot sur la T2A. J'ai regardé dans le monde entier les systèmes de rémunération dans les hôpitaux.
Il n'y a aucun système qui soit totalement satisfaisant. Alors en France, j'ai connu le budget global... moyennant quoi chaque année venaient négocier le budget de l'année passée plus
l'inflation. Que les choses soient claires, ça pénalisait les bons hôpitaux et ça favorisait les moins bons. Et oui ! Puisque de toute manière qu'on travaillait plus, ou moins, on avait la même
chose que l'année passée. »
La T2A, tarification à l'activité, fait correspondre à chaque acte médical un tarif déterminé. Et il y a des actes plus
rentables que d'autres... Sarkozy avoue : « La T2A, la Tarification à l'Activité, je sais que c'est très compliqué, je sais que ça provoque des frustrations, mais un hôpital comme le vôtre
qui a plus d'activité aura plus de rémunération. » La remarque est facile, Sarkozy a choisi l'hôpital rénové d'une ville bourgeoise.
« Dernier point que je veux évoqué avec vous... car je sais... tout le monde me dit... Carla la première
d'ailleurs, les hôpitaux manquent de personnel (Sarkozy est tout sourire et regarde son épouse), mais est-ce qu'on ne peut pas faire davantage, ... je vous le dis, on fera 3% de plus.
Mais la France ne doit pas être un pays dans la situation de certains en Europe aujourd'hui. Est-ce que je suis clair ?»
Personne ne répond, Sarkozy a le seul micro, et n'attend pas pour continuer.
« Je sais que pour un certain nombre d'entre vous, je vous ai mécontenté avec la réforme des retraites. Je le sais. (...)
Ma façon de respecter mes interlocuteurs, c'est de parler des choses difficiles... J'aurai pu venir vous remercier, vous mettre un million de plus, m'en aller... non... je peux
pas...»
C'est pourtant exactement ce qu'il a fait. Il est venu, et a promis, sur place, un million d'euros de subvention
supplémentaire pour l'an prochain. Sarkozy serait-il schizophrène ?
Un gros mensonge sur les retraites
« Tenir les équilibres financiers, faire en sorte que vos retraites soient financées, c'est mon devoir. Il y avait 1,5
millions de retraités dont les retraites n'étaient pas payées. On peut parfaitement juger que la réforme que nous avons mis en oeuvre aurait pu être différente. Mais on ne peut pas contester la
nécessité de cela. Vos retraites seront payées.»
L'assistance semble plutôt jeune, la quarantaine en moyenne. Pour les retraites dans 20 ans, la réforme ne résout rien.
Pendant que Nicolas Sarkozy discourait, syndicats et Medef discutaient pendant plus de trois heures pour étudier justement les conséquences financières de la réforme des retraites. Et, ô
surprise, les négociateurs ont conclu que cette réforme était ... insuffisante pour les régimes complémentaires ! Trois mois à peine après l'adoption de la réforme, les négociateurs privilégient
une hypothèse de chômage à 7 % (contre 4,5% retenus par le gouvernement) : « Avec ces hypothèses, l'excédent des deux régimes complémentaires tomberait à un peu moins de 1,1 milliard en
2018 et se limiterait à 110 millions en 2040. Pis, le solde des déficits et excédents accumulés depuis 2009 ferait apparaître à terme un besoin de financement de 52 milliards
d'euros !» rapporte le Figaro, peu suspect
d'antisarkozysme primaire...
En Avignon, Sarkozy avait recouvré son air contraint par la charge de son devoir, une attitude qu'il rôde depuis septembre,
pour le plus grand amusement des commentateurs : « Et je ne laisserai la France devenir comme ce que sont certains pays aujourd'hui qui doivent tendre la main et qui dépendent des
marchés.» Comme c'est bien dit. La réformette des retraites était moins faite pour les retraités de demain - sinon, d'autres paramètres plus justes auraient pu être considérés - que pour
soulager la pression des marchés financiers. La France de 2010 a une dette publique de 1 600 milliards d'euros, et les retraites n'y pèsent que pour une vingtaine de milliards...
« Comprenez moi bien. Oui il faudrait payer mieux les gens, oui il faudrait plus d'emplois dans les hôpitaux, c'est vrai.
mais en même temps, si on ne tient pas les équilibres financiers, on n'est plus un pays qui pourra demeurer indépendant et libre. (...) Dans les pays qui tendent la main aujourd'hui, les pauvres,
je vois des manifestations, des protestations, je me dis que ce n'est donc pas la solution. »
N'essayez pas de protester, chers auditeurs, ce n'est pas la solution.
« Si j'vous dis ça c'est pas du tout pour convaincre que ce qu'on a fait est bien, c'est pour vous dire qu'on donnera,
avec Xavier Bertrand et Nora Bera, le plus possible pour faire fonctionner les hôpitaux. La seule limite que je lui fixe c'est que je n'irai pas au-delà de certains équilibres nécessaires (...).
Je me devais de vous le dire. (...) Je veux que l'impression que vous gardiez c'est qu'on vous a respecté en vous disant vraiment, non pas la vérité, mais en vous disant avec
sincérité les choses telles qu'elles sont. Après, chacun fait son avis.» Avez-vous compris ? Sarkozy pérorait ce mardi en Avignon. Il ne dit pas la vérité, mais « les choses telles
qu'elles sont.» Kessako ? Il s'excusait presque. Cet exercice d'humilité, comme un Saint Louis mais version Fouquet's qui vient accompagné de sa chanteuse d'épouse pour témoigner de son respect
aux « petites gens » ... Il ne manquait qu'un argument, il fut pour la conclusion :
« Comme les médecins, les décisions faciles, elles n'arrivent jamais dans mon bureau.» Le monarque usa du même
arguments avec une poignée de médecins, voici 15 jours à Orbec, ou devant les maires de France, à Paris.
Il termina par des voeux de bonheur, et, pour celles et ceux qui auront une année 2011 moins bonne que 2010, un appel à la
solidarité infirmière... L'intervention avait duré 11 minutes, il était temps de repartir.
A Paris, la pagaille à l'UMP
Une information
judiciaire sera finalement ouverte à propos de la vente de l'hippodrome de Compiègne par Eric Woerth, ministre du budget. Elle fait suite à la plainte déposée par sept députés socialistes. Le
parquet a précisé l'objet, très large, de l'instruction : abus d'autorité, complicité de prise illégale d'intérêt, trafic d'influence par personne dépositaire de l'autorité publique, trafic
d'influence par particulier et favoritisme et recel. Rien que cela. Eric Woerth avait été accusé par le Canard Enchaîné d'avoir cédé le terrain à prix bradé (2,5 millions d'euros), malgré une
opposition du ministère de l'agriculture.
Le principal syndicat des personnels de l'Office National des Forêts (ONF), est sur le point de se joindre à la plainte. Il estime que cette vente est « illégale ».Et
en janvier prochain, la Cour de Justice de la République se prononcera sur l'éventuel examen du sort de l'ancien ministre. Eric Woerth a décidé de porter plainte tous azimuts. Mais il était bien seul, ce mardi. Ces amis de l'UMP ne disent mot. Les
commentaires étaient rares. Il faut dire que la pagaille semble générale.
Jean-François Copé, désigné secrétaire général de l'UMP par Nicolas Sarkozy, oeuvre toujours en coulisses à l'Assemblée. A la
dernière minute, il a fait déposer un amendement par Christian Jacob sur le projet de loi sur la transparence financière. Le dit amendement visait à supprimer la sanction de deux ans
d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende prévue à l'encontre d'un député ayant sciemment omis « de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou de ses revenus ». Devant
le tollé, l'amendement fut retiré, et, depuis, un Christian Jacob contrit est contraint de se justifier, comme ce mercredi matin, sur France inter. On apprend aussi, mercredi, qu'un autre
amendement téléguidé par le patron du parti présidentiel été lui adopté pour punir la divulgation publique des déclarations de patrimoine des députés. En coulisses, on appelle cela l'amendement
Martin Hirsch. Copé et Longuet avaient peu apprécié que Martin Hirsch dévoile certains conflits d'intérêts ou petits arrangements dans un récent ouvrage en octobre dernier.
Ami sarkozyste, où es-tu donc ?
Sarkofrance