Le verdict est tombé, sournois presque inaudible ; gêné certainement par la monstruosité de la décision. Celle qui arrache la maison de Feu Ba falilou à sa famille pour l’octroyer au commerçant Yehdih O Mbareck..
Celle qui consacre la primauté de la force sur les règles du droit ,l’allégeance d’une administration à un pouvoir financier. Il a eu la maison lui parce qu’il la voulait ,parce qu ‘elle est au cœur du marché et parce qu ‘ils ont décidé qu’elle devrait lui revenir .Mais plus qu’un verdict de justice ,c’est l’image même de mon être que me renvoie cette décision ;Celle d’un homme ,un citoyen dans un pays où on lui refuse tout mais où on peut lui reprendre tout sans autre forme de procès si ce n’est des procès où on fait tout sauf l’essentiel !
C’est l’image d’un homme qui fait face à de petites gens capables d’écrire du fond de leurs bureaux des lettres vilainement antidatées et malencontreusement signées par un wali adjoint peu scrupuleux et ne lisant pas l’arabe. C’est l’image d’un homme qui voit en cours de procès un registre des domaines malmené par des surcharges en écriture sans qu’aucun juge ni autorité ne daigne s’en offusquer ni même prêter attention aux protestations et requêtes faites à ce sujet. C’est l’image de celui qui fait face à son impuissance ; qui crie ; écrit au président implore le ciel pour qu’une oreille attentive puisse entendre derrière le vacarme des slogans sur l’unité nationale, la lutte contre la corruption et l’égalité des citoyens, les gémissements de ceux qui encore continuent au quotidien de se voir bafouer leurs droits les plus élémentaires.
Plus qu’un verdict c’est ma place dans ce pays qui me revient comme un effet de boomerang. Un pays où je ne suis rien qu’une simple phrase dans un livre de géographie et un vulgaire étendard pour des politiques de justification.
Il m’est arrivé de croire comme beaucoup aux discours et de prêter le flanc à l’espoir. Celui d’un changement dans ce pays fut-il… constructif. Il m’est arrivé de penser que ce que j’ai enduré n’était plus que de l’histoire ancienne ; un air d’un temps révolu ; mais je dus me résoudre à accepter qu’ici le temps est figé et que les pratiques prennent certes des couleurs mais restent intactes dans leur substance. Ici plus qu’ailleurs l’histoire est une géographie et la géographie, une sociologie !
Aujourd’hui ; ils m’ont pris ma maison et avec elle mes espoirs, mes convictions. Celles d’un pays où la justice pouvait être de fait pour tous et où chaque citoyen pouvait avoir des droits reconnus et préservés. Ils nous ont pris la maison juste parce que nous n’étions pas assez audibles et que nous étions peut être différents…
Plus qu’un verdict c’est l’histoire classique d’un citoyen comme beaucoup d’autres face à un pays qui lui aura tout …refusé !
Ibrahima falilou