J'aimerais réagir, une nouvelle fois, aux propos de l'ami Popo sur son blog concernant les arbitres. L'avant-dernier billet déjà, vu qu'il semble connaître, et je m'en réjouis, un regain de productivité. J'avoue de prime abord que le thème me surprend un peu puisque j'avais cru comprendre que la réforme avait tout réglé1. Il semble finalement que non.
Je vais donc apporter quelques commentaires et réponses. Déjà, je porte à la connaissance de Popo, s'il ne l'a pas lu, tout ce que j'ai pu dire il y a quelques mois dans ce long billet, et qui me semble toujours d'actualité, pour l'essentiel. Bien sûr, je comprends que les arbitres puissent se sentir malaimés — je n'ai pu m'empêcher de rire à la lecture de la citation rapportée par Popo — et que cela les dérange. Certains propos sont à l'évidence excessifs, les attaques personnelles ou injurieuses doivent être proscrites, mais la critique est toujours un exercice légitime. Il n'y a aucune raison que les arbitres y échappent. Si certains pensent que ceux-ci font n'importe quoi, ils doivent pouvoir le dire. J'en profite pour souligner combien je trouve insensé l'un des arguments que j'ai vu ici ou là2 — mais pas de la part de Popo — comme quoi il devrait être interdit de critiquer arbitrages et arbitres en raison de la légitimité née de leur élection3. C'est assez incroyable comme analyse. Toutes proportions gardées, peut-on imaginer un Chef d'État élu qui expliquerait que sa légitimité électorale l'autorise à bailloner l'opposition ? Ce n'est ni plus ni moins qu'une dictature de la majorité, en ce cas.
Popo fait plusieurs remarques très intéressantes dans son billet, six pour être précis. Certaines me semblent fondées, d'autres moins. Une, la dernière, m'a assez choqué, à moins que je ne l'aie mal interprétée. Je vais réaliser un petit tour d'horizon.
- "Le blocage sert essentiellement à la protection immédiate de l'encyclopédie" : Oui, c'est le principe, et il est logique. Mais ce genre de blocages relève avant tout de la lutte contre le vandalisme, et ne concerne donc pas le Comité d'arbitrage (encore que...). Avec une interprétation très extensive, on pourrait également considérer que les blocages "punitifs" sont aussi une mesure de protection de l'encyclopédie, un mauvais comportement pouvant parfois influer sur le contenu. Disons que, dans tous les cas, ce but primordial n'est jamais très loin. Mais je digresse.
- "Avec les utilisateurs enregistrés "normaux", le blocage punitif sert surtout à marquer le coup" : Oui, quand il s'agit de dérapages ponctuels. Mais, là encore, c'est du ressort des administrateurs et non du Comité. Un comportement peut être problématique dans la durée, plus pernicieux, et là le CAr est compétent. Encore que, dans des optiques de guerres entre plusieurs utilisateurs, voire claniques, il est très difficile de ne pas diluer les responsabilités. Et tout autant d'apporter des solutions viables. Mais je ne sais pas si de tels utilisateurs sont "normaux", au sens où l'entend Popo.
- "On ne peut pas défaire le passé, notamment si deux contributeurs ont décidé qu'ils se méprisaient cordialement" : Très juste. Et cela rejoint ce que je dis juste au-dessus.
- "Notre vie serait pourtant bien-plus simple si on n'avait pas à rediscuter des mêmes trucs à propos des mêmes personnes tous les trois mois" : Oui, et le monde serait plus agréable à vivre sans violences ni guerres... Il faut faire avec. Il faut aussi souligner que le fait que certaines personnes reviennent ainsi périodiquement sur le devant de la scène ne leur est pas, à mon sens, exclusivement imputable (enfin, cela dépend des cas). Certains contributeurs, en raison de leur passif ou même d'inimitiés, sont clairement scrutés, poursuivis par d'autres contributeurs, et la moindre de leur faute est en conséquence montée en épingle. Et tout le monde de s'exclamer : "Encore, lui/elle", sans réfléchir davantage. C'est une spirale qui n'honore aucun des contributeurs impliqués. Il faudra que je fasse un truc là-dessus.
- "J'ai enfin une confiance toute relative dans la capacité des admins à appliquer les décisions du Comité d'arbitrage sur le long terme, par opposition à un blocage immédiat inclus dans la décision" : Ah. Le serpent de mer de la répartition des compétences entre administrateurs et arbitres. Je l'avais dit dans le billet que je cite en introduction : que la réforme ait ignoré ce problème, majeur, est une erreur. Et ce dernier continue donc à faire l'objet de débats. Il faut dire que c'est un problème très délicat à trancher. Si ce sont les arbitres qui assurent eux-mêmes le suivi de leurs décisions, et décident des applications à donner par la suite, on peut y voir un certain bon sens pratique. Mais aussi des problèmes de compétence — le règlement ne le prévoit pas — et d'éthique, par rapport à la séparation des pouvoirs. Si ce sont les administrateurs qui s'en occupent, ces problèmes théoriques disparaissent, mais des divergences sur l'interprétation des décisions arbitrales surgissent aussitôt. Au détriment de l'efficacité. Puisque la question n'a jamais été tranchée, il serait temps que la communauté se prononce. D'ici là, toute intervention arbitrale à ce sujet sera critiquée, et tout débat entre administrateurs encourt le risque d'être improductif. Une autre solution serait aussi que les arbitres ne prévoient pas des clauses trop compliquées à mettre en oeuvre ou trop vagues. Comme cela s'est, hélas, déjà vu par le passé.
- "Autant bannir d'emblée à la première incartade, on s'économisera du temps et des octets. Qu'on pourrait utiliser du coup sur des articles (par exemple). Sauf que le bannissement systématique et immédiat n'est pas vraiment dans les moeurs. Pas encore" : J'imagine que c'est du second degré4. Dans le cas contraire, je m'inscris naturellement en faux. Et ne suis pas convaincu que Wikipédia prendra une telle voie de sévérité.
En conclusion, je pense que beaucoup de choses sont à revoir, encore, dans le fonctionnement du Comité d'arbitrage. Et que cela ne pourra se faire que par la communauté et en tenant compte des pluralités d'avis sur ce sujet si sensible. Il faudra donc des compromis de part et d'autre. C'est pourquoi, finalement, je me demande, et c'est ce que je dis en titre, s'il ne faut pas repartir de zéro. Ce qui ne signifie pas qu'il faille fatalement écarter toute instance d'abitrage. On peut aussi se référer aux pistes déjà développées ici ou là.
1. Oui je sais, je suis mesquin, là.
2. Sur un wiki très critique, et même plus, par exemple.
3. J'ai également vu avancé, très récemment, le concept "d'autorité de la chose jugée". Ce qui me semble être un contresens : selon Wikipédia, il a pour effets de rendre le jugement opposable aux parties, voire aux tiers — qui peuvent alors s'en prévaloir — et d'empêcher un nouveau procès sur un différend identique. En aucun cas, en revanche, il rend impossible toute critique d'un jugement. Heureusement.
4. Surtout que le Popo admin n'était pas un foudre de guerre. Au contraire, je me souviens qu'il professait de ne pas bloquer pour un mot plus haut que l'autre car les administrateurs ne sont pas là pour donner des cours de savoir-vivre.