Fractures
En un mot, Alice vient de prendre un aller simple vers la folie.
Extrait : "Assis sur les marches du perron de sa ferme, Claude Dehaene profite des ultimes lueurs du soleil au son d'une petite radio. La journée dans le vaste potager a été laborieuse, éreintante. Il grimace en se massant le bas du dos. Une bonne nuit de sommeil devrait tout réparer, avant de remettre ça, le lendemain. Il vieillit, bon Dieu. En témoignent ses mains gercées et sa colonne vertébrale qui supporte beaucoup moins les efforts qu'avant. La terre du Nord ne pardonne pas les faiblesses.
Il relève soudain la tête en direction du chemin qui, depuis l'horizon, descend jusqu'à la ferme. Un bruit de moteur, puis des phares qui trouent l'obscurité. De la visite, à cette heure-ci ? Sûrement Dorothée, Mirabelle... Ou même Alice.
Son visage pase d'une expression de fatigue à celle de la satisfaction. Il repousse délicatement sur le côté le couteau utilisé pour déraciner les mauvaises herbes. Il se frotte les lèvres de la manche de son bleu de travail, éteint sa radio, se lève, récupère une bouteille d'eau dans la cuisine et en avale plusieurs gorgées.
Puis il s'assied à nouveau sur la marche la plus haute, la bouteille d'eau à ses côtés. La voiture dévale la route à une vitesse inhabituelle. Claude plisse les yeux. Avec l'obscurité, il n'arrive pas encore à distinguer de qui il s'agit. Des graviers sont projetés jusqu'à ses chaussures, tandis que les pneus crissent.
Une belle femme, jeune, sort du véhicule. Claude incline légèrement la tête. Alice ? Dorothée ? Il a vraiment du mal à voir quoi que ce soit.
Tout se déroule alors en un éclair. Il n'y aura nul mot échangé.
La femme s'empare du couteau sur les marches et frappe Claude Dehaene deux fois dans le pectoral gauche, avant de lâcher l'arme blanche et de disparaître"
L'avis de Dazboness : Pour cette histoire, Franck Thilliez nous prouve qu'il maîtrise toujours autant son sujet, notamment concernant les troubles neurologiques et les comportements inquiétants. Cette base de travail est posée : les méandres de la conscience et de l'inconscient. A partir de là, l'auteur nous offre une épique et horrifique saga policière.
Car avec autant d'éléments troublants que sont une femme ayant des "trous noirs" la privant du souvenir de journées entières, une jumelle morte qui ne le serait peut être pas, un père agressé prétendant avoir tenté de se suicider, et un homme torturé retrouvé nu, l'on peut s'attendre à un drame...
Du point de vue narratif, nous suivons la progression de l'histoire, et de la quête de la vérité, à travers les yeux de plusieurs personnages. Tout d'abord Alice à la recherche de son histoire, son psychiatre, sa jumelle morte (mais qui finalement est bien vivante), son père agessé par une femme dont on ignore l'identité, et une assistante sociale qui à rencontrée le père aux urgences et trouvé l'homme nu et torturé dans un abribus.
Complexe est le mot qui me vient à l'esprit lorsque j'essaie de résumer et critiquer ce livre. Aussi bien par la diversité des personnages narrateurs (et de leurs buts) que par la densité des liens qui sont tissés entre les uns et les autres. Des liens dépassant le simple chassé croisé, malgré les apparences.
Une histoire qu'il faut découvrir par soi même, car chaque élément décrit par autrui nuirait à sa lecture.
Auteur : Franck Thilliez
Editeur : Pocket
Prix : 7,30€
Nombre de pages : 440
Sommaire des livres critiqués