Rendez-vous fut pris avec une amie connaisseuse de l’Absurde, et nous voici à trois parés pour une séance de minuit débridée. Le film ce soir-là était en pleine thématique Noël, parfait pour la saison : Jack Frost. Un petit film de bonhomme de neige serial killer de sous les fagots dont vous me direz des nouvelles : un tueur en série qui a terrorisé le pays en enchaînant des meurtres plus sanglants les uns que les autres est en route vers la prison où il sera exécuté. Mais il neige fortement le soir de son transfert, et son convoi entre en collision avec un camion transportant une substance classée secret défense. Dans l’accident, Jack Frost (le tueur en question), voit le contenu de la fameuse substance se déverser sur lui et le liquéfier en quelques secondes. Mais il n’est pas mort. Le voilà capable de prendre différentes formes dérivées de l’eau : neige, glace, vapeur… Transformé en bonhomme de neige, il retourne dans la ville où il a été arrêté pour se venger du shérif qui l’a mis sous les verrous…
Voilà ce à quoi on se préparait samedi soir. Certains des habitués venaient costumés pour l’occasion, et tout à coup, je me suis senti revenu l’année dernière lorsque j’avais goûté au Rocky Horror Picture Show au Studio Galande. L’esprit est clairement le même, l’animation pendant le film en moins. Toujours est-il que samedi soir, alors que mes amies et moi attendions l’ouverture des portes, qui vois-je arriver à la caisse, petit pull léger aux manches retroussées, espadrilles aux pieds et deux sacs à la main ? Eh oui, l’inénarrable Homme aux Sacs Plastiques. L’Homme aux espadrilles (qu’il vente, qu’il neige, il ne se chausse pas autrement semble-t-il…). Plastic Man. Appelez-le comme vous voulez, mais quel que soit son nom, il répond toujours présent pour un film rare ou une projection spéciale. Et vu comme il discutait avec l’un des organisateurs de la soirée, il semble évident que l’homme aux sacs plastiques est un habitué de l’Absurde Séance. Ce qui ne m’étonne pas, en fin de compte, lui qui hante la Cinémathèque, lieu par excellence du Cinéma Bis.
Entrés en salle, tandis que tout le monde prend place, l’homme aux sacs plastiques va effectivement se poster directement à son premier rang ! Pendant qu’un des organisateurs présente la soirée et annonce le programme des Absurdes Séances à venir (dont une spéciale Dolph Lundgren qui me fait, je l’avoue, très envie !), Plastic Man y va de ses commentaires, je le vois s’agiter vers le présentateur, mais je suis trop loin pour l’entendre. Moment de rire, lorsque le présentateur annonce qu’ils passeront prochainement Top Gun de Tony Scott et organiseront pour l’occasion un concours de sosies de Tom Cruise (excellent !). A cet instant, le Père Noël (bah oui c’est comme ça qu’était déguisé le présentateur de la soirée !) se tourne vers notre ami du premier rang et dit : « Toi je sais pas si tu sais mais tu ferais un bon sosie de Tom Cruise ! T’as la carrure… ». Mes amies rient, et moi aussi, tout en me disant qu’il n’a pas tort, Père Noël, il pourrait avoir quelque chose l’homme aux sacs plastiques…
Le film commence finalement, et notre bon gros nanar se met en place sous nos yeux. Un zeste de ridicule, une pincée de mauvais acteurs, un chouia de n’importe quoi, et voici que notre bonhomme de neige tueur déchaîne les passions dans la salle, surtout lorsqu’il a affaire à Shannon Elizabeth, immortalisée seins à l’air dans American Pie et qui apparaissait ici en jeune débutante peu farouche ayant une triste fin à peine dénudée dans la salle de bain. Bien sûr, le film se clôt avec une perche tendue pour une éventuelle suite, qui a bien été tournée trois ans plus tard, en 2000, avec la même distribution (pour ceux qui s’en sont sortis…). Mais L’Absurde Séance s’arrêtait là, à 2 heures du matin.
Comme à son habitude, une fois le générique de fin terminé et la salle rallumée, l’homme aux sacs plastiques attrapait ses affaires et détalait comme un fou. On pourrait croire que c’était pour espérer attraper le dernier métro, mais le connaissant, je sais bien qu’il en est toujours ainsi. Je ne sais pas s’il aura plus de chances que moi et mes amies, qui n’avons eu ni métro, ni bus de nuit à cause des intempéries. Mais une bonne marche à pied dans le froid et la neige, à 2 heures du mat’, après Jack Frost, fut finalement une belle façon de terminer la nuit…